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Journal Constructo – 20 février 2020
Il arrive parfois que dans le cadre d’un projet de construction, des échanges surviennent avec une municipalité relativement à la réglementation municipale applicable au projet, et ce, afin d’assurer sa conformité.
D’emblée, il importe de souligner qu’une municipalité n’est pas dans l’obligation d’informer la population sur ses règlements.
Par contre, à compter du moment où la municipalité transmet de l’information sur sa réglementation, elle peut dans certains cas être tenue responsable pour les mauvais renseignements fournis par ses préposés.
Ainsi, dans l’affaire Cortina [1], la Cour supérieure a analysé cette question afin de déterminer si la Ville de Québec (« Ville ») a engagé sa responsabilité à l’égard des demandeurs.
Faits
Dans cette affaire, les demandeurs ont présenté à la Ville des plans et devis préparés par une firme d’architecture pour le réaménagement de leur propriété, en vue d’y faire construire un pavillon de jardin et une piscine.
La technologue en architecture des demandeurs a eu plusieurs échanges avec une technicienne de la Ville concernant la superficie permise d’un bâtiment accessoire et le dégagement requis entre chaque bâtiment accessoire. Essentiellement, la technologue est informée que la superficie totale des bâtiments accessoires ne peut pas dépasser 18 mètres carrés et que les bâtiments accessoires peuvent être rattachés à un même plancher en autant que les murs, les toits et le mobilier soient séparés. Il est alors mentionné que la distance minimale entre les bâtiments accessoires peut être aussi minime qu’une feuille de papier.
Les demandeurs décident d’aménager trois bâtiments accessoires au pourtour de la piscine, lesquels sont séparés d’une distance d’environ un quart de pouce.
Des modifications sont ainsi apportées aux plans puis soumises à la Ville. Le permis pour l’installation de la piscine creusée est finalement émis.
Suivant le début des travaux, la municipalité reçoit une plainte d’une citoyenne pour construction non conforme chez les demandeurs. Après une inspection faite par la municipalité, celle-ci émet un avis d’infraction puisqu’elle considère que les bâtiments accessoires ne forment qu’un seul bâtiment qui excède la superficie permise pour un bâtiment accessoire. La Ville demande alors la modification des bâtiments ou la démolition partielle de l’un des bâtiments.
La décision
La Cour rappelle que la jurisprudence [2] a développé des critères précis afin que la responsabilité d’une municipalité puisse être engagée pour des informations erronées qui sont transmises :
(1) il doit y avoir une obligation de diligence fondée sur un « lien spécial » entre l’auteur et le destinataire de la déclaration;
(2) la déclaration en question doit être fausse, inexacte ou trompeuse;
(3) l’auteur doit avoir agi d’une manière négligente;
(4) le destinataire doit s’être fié d’une manière raisonnable à la déclaration inexacte faite par négligence; et
(5) le fait que le destinataire s’est fié à la déclaration doit lui être préjudiciable en ce sens qu’il doit avoir subi un préjudice.
Dès lors, il faut que l’avis visant une personne qui n’est pas experte provienne d’une autre personne qui, aux yeux de la première, possède une compétence ou un jugement particulier en la matière, et que la première personne subisse un préjudice du fait qu’elle s’est fondée sur cette déclaration [3].
Ainsi, dans ce cas, la Cour confirme que les bâtiments accessoires des demandeurs sont non conformes à la réglementation. Or, le tribunal considère que les fonctionnaires municipaux ont transmis de l’information trompeuse à la technologue des demandeurs et qu’ils ont agi de façon négligente à cet égard. La municipalité, par l’entremise de ses représentants, a suscité des attentes légitimes pour les demandeurs quant à la conformité du projet, ce qui engage la responsabilité de la Ville relativement au préjudice qu’ont subi les demandeurs.
Conclusion
Il appert donc de cette décision que dans certains cas, la responsabilité d’une municipalité peut être engagée pour des informations erronées qui sont transmises. Chaque situation est évidemment un cas d’espèce qui doit être analysé à la lumière des faits propres à chaque situation, ce qui comprend l’expertise et la diligence des parties. Il ne faut pas oublier le principe à l’effet que nul n’est censé ignorer la loi.
[1] Cortina c. Ville de Québec, 2019 QCCS 5192.
[2] Queen c. Cognos Inc., [1993] 1 RCS 87.
[3] Le Pas (Ville de) c. Porky Packers Ltd, [1977] 1 RCS 51.
Cet article est paru dans l’édition du 20 février 2020 du journal Constructo.