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À la mi-décembre, le Comité canadien des documents contractuels (CCDC) et l’Association canadienne de la construction (ACC) ont procédé au lancement de deux nouveaux contrats‑types destinés à occuper une place importante au sein de l’industrie : les contrats à forfait CCDC 2 2020 et ACC 1 2021, respectivement, un contrat d’entreprise générale et un contrat de sous‑traitance. Comme c’était le cas pour les versions 2008 qu’ils sont destinés à remplacer, les nouveaux contrats CCDC 2 et ACC 1 sont conçus pour être coordonnés. Or, du point de vue de l’observateur québécois, des questions se posent quant au degré de compatibilité de ces nouveaux textes avec la réalité juridique propre au Québec. Le présent article vise à partager quelques-unes de nos réflexions à ce sujet.
Depuis toujours, l’objectif du CCDC et de l’ACC est de procurer à l’ensemble de l’industrie canadienne de la construction un jeu de formules contractuelles adaptées à diverses réalités commerciales. Qu’il s’agisse de contrats à forfait, à taux unitaires ou de contrats de design-construction, l’utilisateur des formulaires du CCDC saura trouver un contrat répondant à ses besoins d’un point de vue commercial.
Par contre, en ce qui a trait au contexte juridique qui diffère de façon appréciable dans chaque province canadienne, le CCDC prend le parti d’une certaine uniformité. Or, le droit commun applicable aux contrats de construction n’a jamais été uniforme au Canada et, de fait, en raison de l’adoption récente de lois sur les paiements, il l’est de moins en moins. Ce droit est d’ailleurs particulièrement singulier au Québec où l’on vit sous le régime du droit civil, alors que les autres provinces sont régies par la common law, un droit auquel se sont greffées diverses pièces législatives destinées à le compléter et à le moderniser. Il existe des différences considérables entre les deux régimes et la première qui vient en tête en matière de droit de la construction est celle qui existe entre l’hypothèque légale de la construction au Québec et les « construction liens » dans les autres provinces. Pour illustrer lesdites différences, on peut mentionner les règles relatives au temps prescrit pour publier la sûreté. Celui-ci est régi par une démarche d’affichage au site de l’ouvrage dans les provinces de la common law, alors qu’au Québec, l’inscription de l’hypothèque est tributaire de la « fin des travaux », une notion qui a fait couler beaucoup d’encre et a donné lieu à de multiples jugements au fil du temps.
Dans les versions 2008 du CCDC 2 et de l’ACC 1, la section traitant des modalités de paiement comportait certaines dispositions faisant textuellement référence aux particularités du régime juridique québécois en lien avec les hypothèques légales. Elles contribuaient à établir plus clairement un régime contractuel propre à la situation du Québec, tout en définissant en parallèle un régime applicable aux territoires de common law. Or, dans les dispositions équivalentes du CCDC 2 2020, il n’y a plus aucune référence au régime québécois. Exit, la formulation qui envisageait les deux régimes de droit coexistant au Canada.
Dans les nouvelles formules contractuelles, on retrouve toujours un système binaire déterminant les modalités applicables à la libération des paiements, mais les deux pôles ne sont plus le droit québécois et la common law. Ces pôles ont été remplacés par une alternative entre deux situations : d’une part, celle qui prévaut lorsque les contrats s’exécutent sous le régime d’une « loi sur les privilèges » et, d’autre part, celle où les parties sont soumises aux « exigences d’une législation sur les paiements ». Or, actuellement, au Québec, il n’existe ni l’une ni l’autre et rien ne laisse entrevoir un changement à cet état de choses dans un avenir prévisible. Dans les faits, plusieurs dispositions cruciales des nouveaux contrats oscillent dorénavant entre la situation qui s’applique sous les régimes des législations sur les paiements (Ontario, Saskatchewan) et celle des provinces où il n’existe qu’une loi sur les privilèges (les autres provinces, exception faite du Québec).
Face à ces carences apparentes, il sera bien sûr possible pour les parties de réaménager le nouveau CCDC 2 de façon à mieux l’adapter à la situation qui leur est propre[1]. Une telle pratique était déjà répandue sous le règne de la version de 2008.
On ne peut toutefois s’empêcher de regretter un peu l’ancien libellé dont la langue était certes moins soignée, mais qui avait le mérite de chercher à mieux embrasser notre réalité juridique propre. Qui dit contrat mieux adapté à une réalité juridique, dit contrat mieux à même de jouer son rôle. En outre, un contrat mieux adapté à son environnement juridique sera de nature à prévenir les litiges plutôt qu’à les provoquer. On peut aussi regretter que l’avènement des nouveaux contrats CCDC 2 et ACC 1 n’ait pas été l’occasion de rehausser le degré d’adaptation de ces contrats à la réalité juridique québécoise plutôt que celle de la passer complètement sous silence. À notre avis, les quelques innovations procurées par ces nouveaux contrats, dont la notion de « Prêt pour l’occupation », ne contrebalanceront pas la perte de compatibilité au droit québécois dont il est fait état dans notre texte et que nous déplorons.
À quand des contrats-types de construction d’usage général taillés sur mesure pour l’industrie québécoise de la construction? Nul doute que cette industrie, innovante et florissante, les mériterait amplement.
[1] Pour l’ACC 1, c’est aussi vrai, sous réserve toutefois des exigences prescrites par le Code du BSDQ.