De nombreuses entreprises de camionnage ont conclu des accords avec des transporteurs sous-traitants ou des propriétaires-exploitants ou entrepreneurs concernant certains frais comme le carburant, l’assurance ou les droits d’immatriculation. Quiconque a conclu ce genre d’accords devrait les examiner sous l’angle de la TPS/TVH. Bien que la nature du paiement puisse ne pas faire une grande différence sur le plan économique, les parties peuvent, sans le savoir, s’exposer à des obligations en matière de TPS/TVH.
De façon générale, la TPS/TVH doit être facturée sur la contrepartie payée à l’égard d’une fourniture taxable (par exemple, une vente) effectuée au Canada. Un véritable remboursement de frais ne doit pas être considéré comme la contrepartie payée à l’égard d’une fourniture et, par conséquent, ne doit pas être assujetti à la taxe de vente. Selon la nature de l’accord, le montant recouvrable payable au titre de l’accord peut représenter une contrepartie payée à l’égard d’une fourniture ou un remboursement. Il arrive parfois que les parties à un accord utilisent le terme « remboursement » sans égard au fait qu’il s’agit ou non du bon terme juridique à employer dans le contexte, ce qui crée de la confusion quant au traitement à appliquer en matière de TPS/TVH.
Voici un exemple permettant d’illustrer le sujet abordé dans le présent document. Supposons qu’une entreprise de camionnage (le « transporteur principal ») sous-traite certains services de transport de marchandises à une autre entreprise (le « transporteur sous-traitant ») et paie des frais (les « frais de transport ») au transporteur sous-traitant. Le transporteur sous-traitant peut se procurer l’assurance, les droits d’immatriculation, le carburant ou d’autres articles (les « articles achetés ») auprès du transporteur principal. Le montant dû par le transporteur sous-traitant à l’égard des articles achetés est partiellement réduit des frais de transport, et le transporteur principal paie le montant net au transporteur sous-traitant.
Plusieurs litiges fiscaux ont porté sur la question de savoir si le montant payable par un transporteur sous-traitant à un transporteur principal à l’égard des articles achetés, dans un contexte semblable à celui décrit ci-dessus, doit être assujetti à la TPS/TVH.
Par exemple, dans une affaire portée en 2001 devant la Cour d’appel fédérale (« CAF »), l’ARC a fait valoir que le transporteur principal aurait dû facturer la TPS/TVH sur les articles achetés. Le transporteur principal a reçu une cotisation établie pour la TPS/TVH non versée. La CAF a conclu que le transporteur principal achetait les articles achetés (en l’occurrence, l’assurance, les droits d’immatriculation et le carburant) pour son propre compte et les revendait au transporteur sous-traitant. La CAF a confirmé la cotisation établie par l’ARC.
De même, dans le cadre d’une affaire portée devant la Cour canadienne de l’impôt en 2021, l’ARC a établi, à l’égard d’un transporteur principal, une cotisation d’environ 120 000 $ pour la TPS/TVH que, selon les allégations de l’ARC, le transporteur principal avait omis de facturer sur les frais de carburant imputés à des cartes T-Check prépayées émises à un transporteur sous-traitant pour les achats de carburant. Dans cette situation, la Cour a considéré que le transporteur principal revendait le carburant, mais comme la majeure partie du carburant a été achetée aux États-Unis (et non au Canada), ce dernier a réussi à faire baisser le montant de la cotisation à 35 000 $. Bien que le transporteur principal ait partiellement obtenu gain de cause, il a tout de même dû consacrer du temps et d’autres ressources à la contestation de la cotisation dans le cadre de la procédure administrative et judiciaire. De plus, contrairement aux litiges liés à l’impôt sur le revenu dans le cadre desquels les pouvoirs de recouvrement de l’ARC sont suspendus, l’ARC peut prendre des mesures de recouvrement lorsqu’une cotisation de TPS/TVH fait l’objet d’un litige.
Au lieu de rédiger l’accord de façon que la situation soit considérée comme une « revente », il est possible de le rédiger de façon qu’elle soit traitée comme un véritable remboursement de frais engagés. Dans une situation de remboursement, le montant payé au transporteur principal par le transporteur sous-traitant n’est pas assujetti à la TPS/TVH. Ce type d’accord a été au cœur d’une affaire portée devant la CAF en 2001, à l’issue de laquelle le tribunal a conclu que les montants payés pour les droits d’immatriculation et l’assurance n’étaient pas assujettis à la TPS/TVH.
Ce sont les modalités de l’accord pertinent qui déterminent si le transporteur principal « revend » ou non les articles achetés au transporteur sous-traitant. Certains éléments peuvent servir d’indicateurs, notamment les suivants : la facturation d’une marge sur coût d’achat, la facturation d’un taux uniforme pour le carburant (au lieu du taux réel auquel le carburant a été acheté) et l’identité de la partie légalement responsable du paiement de l’article.
Les transporteurs principaux doivent absolument comprendre la nature des accords qu’ils concluent et s’assurer qu’ils appliquent correctement le traitement de la TPS/TVH aux montants recouvrables des entrepreneurs. Cette question revêt également de l’importance pour les administrateurs des transporteurs principaux, car ils peuvent être tenus personnellement responsables de la TPS/TVH non versée.
Si vous craignez que le traitement de la TPS/TVH ne soit pas appliqué correctement à vos accords, n’hésitez pas à communiquer avec un membre du groupe Transports et logistique ou Taxes de vente et de consommation et impôt indirect de Miller Thomson.