Avec l’explosion de la popularité de la cryptomonnaie, certains organismes de bienfaisance voient en cet actif une nouvelle stratégie de collecte de fonds leur permettant de toucher un plus grand nombre de donateurs, et avec raison. À titre d’exemple, une étude menée en 2021 par Fidelity Charitable indiquait que 45% des investisseurs en cryptomonnaie ont donné 1000$ ou plus à des organismes de bienfaisance en 2020, contre 33% pour les investisseurs « ordinaires »[1]. Avant de s’engager dans cette avenue, un organisme de bienfaisance se devrait toutefois d’élaborer un plan de mise en œuvre et de politiques claires lui permettant de gérer les risques afférents à ce type d’actif et de se conformer à ses obligations légales et fiscales.

Considérations pratiques

Les  organismes de bienfaisance ont plusieurs éléments à considérer avant d’accepter des dons en cryptomonnaie, tel que celui d’examiner si ce type de financement est en accord avec les principes et les valeurs les gouvernant. Par exemple, considérant l’impact environnemental découlant du minage de la cryptomonnaie, un organisme œuvrant dans le secteur de la protection de l’environnement pourrait se questionner si ce mode de financement lui convient, ou pourrait voir à l’adapter pour n’accepter que des cryptomonnaies « écoresponsables ».

Ensuite, pour accepter des dons en cryptomonnaie, plusieurs considérations pratiques doivent être analysées. Pour n’en nommer que quelques-unes :

  • L’organisme désire-t-il administrer personnellement son portefeuille de cryptomonnaie, ou recourir à un tiers intermédiaire? Dans ce dernier cas, il devra effectuer certaines vérifications pour s’assurer que cet intermédiaire soit suffisamment sécuritaire et lui permette de respecter ses obligations au niveau de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada), des lois fédérales et des lois provinciales.
  • La cryptomonnaie sera-t-elle conservée telle quelle, ou sera-telle plutôt convertie? Si la cryptomonnaie n’est pas convertie, un organisme pourrait être restreint à transiger par l’intermédiaire de la plateforme utilisée et s’exposer à la volatilité des prix des cryptomonnaies. D’ailleurs, il n’est pas sans rappeler que tout dépendamment de la province de résidence de l’organisme de bienfaisance, celui-ci peut être assujetti à des règles restreignant les types d’actifs qu’il peut détenir, telles que celle de la règle de l’ « investisseur prudent ». Ainsi, un organisme devra également se demander s’il peut légalement détenir de la cryptomonnaie.
  • De quelle façon les dons seront-ils vérifiés préalablement à leur acception? Un processus de vérification diligente devra être mis en place par l’organisme de bienfaisance afin de notamment identifier le donateur, de s’assurer que la donation n’occasionne pas de risque pour la sécurité des données de l’organisation, ou que la donation ne soit pas en lien avec une activité criminelle ou terroriste.

Reçus officiels de dons

L’émission de reçus officiels de dons implique plusieurs responsabilités pour les organismes de bienfaisance, comme celle d’y inscrire l’ensemble des informations prescrites par la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) et de son règlement, et de s’assurer de la véracité des informations y étant inscrites, incluant la juste valeur marchande du don. Pour davantage d’information, lisez notre article discutant des règles entourant l’émission de reçus (disponible en anglais seulement).

Concernant ce dernier point, les organismes de bienfaisance doivent être conscients qu’un don de cryptomonnaie est considéré par l’Agence du Revenu du Canada (l’« ARC ») comme en étant un « autre qu’en espèces ». Ainsi, les règles usuelles afférentes à l’évaluation de la juste valeur marchande et de la juste valeur marchande réputée s’appliquent également aux dons de cryptomonnaie. À cet égard, l’ARC mentionne dans son guide qu’un contribuable se doit d’utiliser une méthode raisonnable pour déterminer la valeur de la cryptomonnaie, par exemple en choisissant de manière constante un taux de change provenant du même courtier en bourse, ou une moyenne des valeurs élevées/faibles/à l’ouverture/à la fermeture.

Il est important de comprendre ces règles, car en cas d’erreurs dans l’émission de reçus, non seulement les reçus peuvent être annulés, mais les organismes peuvent être sujets à d’importantes pénalités, ou voir même à la révocation de leur enregistrement.

Vérification fiscale

Depuis quelques années, l’ARC s’intéresse de près aux transactions de cryptomonnaie, et les organismes de bienfaisance n’en échappent pas. Tel qu’énoncé dans son Rapport sur le Programme des organismes de bienfaisance 2018 à 2020[2], l’ARC a instauré de nouveaux projets d’observation, incluant l’examen de l’utilisation de cryptomonnaie au sein du secteur de la bienfaisance.

Ainsi, les organismes de bienfaisance songeant à accepter des dons de cryptomonnaie devront adapter leur gestion de leur documentation afin de pouvoir répondre adéquatement aux questions de l’ARC.

Conclusion

La cryptomonnaie s’avère être une nouvelle avenue pour les organismes de bienfaisance cherchant à diversifier leurs stratégies de collecte de fonds. Toutefois, en raison de la complexité inhérente à la cryptomonnaie, tout organisme de bienfaisance devrait préalablement se doter de politiques et de procédures gouvernant la prise de décisions, la gestion des risques, ainsi que la détention et le transfert de ce type d’actif.

Pour bien vous préparer à recevoir des dons en cryptomonnaie, communiquez avec un membre de notre équipe d’Impact social.


[1] Fidelity Charitable, « Cryptocurrency and philanthropy » (disponible à : https://www.fidelitycharitable.org/insights/cryptocurrency-and-philanthropy.html)

[2] ARC, « Rapport sur le Programme des organismes de bienfaisance 2018 à 2020 » (disponible à : https://www.canada.ca/fr/agence-revenu/services/organismes-bienfaisance-dons/organismes-bienfaisance/a-propos-direction-organismes-bienfaisance/rapport-programme-organismes-bienfaisance/rapport-programme-organismes-bienfaisance-2018-2020.html)