Nous constatons que le phénomène des fonds de capital-investissement faisant appel au co?investissement continue de prendre de l’ampleur. Lorsqu’elles sont structurées correctement, les opérations de co-investissement peuvent représenter bon nombre d’avantages pour les co-investisseurs et les promoteurs du fonds.
Les co-investissements dans le capital-investissement sont des investissements conjoints réalisés par au moins deux investisseurs qui sont, en règle générale, le promoteur et un ou des commanditaires du fonds. Chaque co-investisseur participe directement au financement par capitaux propres d’une société en portefeuille donnée (la « société en portefeuille »), de concert avec le fonds de capital-investissement, et non par son entremise. Ainsi, les co-investisseurs ont la possibilité d’augmenter la part qu’ils détiennent dans une société donnée et d’accroître leur rendement éventuel, tandis que le promoteur bénéficie d’une réduction de ses besoins en capitaux et d’un accès éventuel à d’autres occasions d’investissement. Habituellement, le fonds de capital-investissement et les co-investisseurs investissent dans une société de portefeuille (la « société de portefeuille ») qui fait l’acquisition de la société en portefeuille, mais ils peuvent aussi investir directement dans la société en portefeuille.
S’il est vrai que le principal objectif du fonds de capital-investissement et des co-investisseurs consiste à maximiser le rendement du capital investi, il demeure néanmoins essentiel de structurer les co-investissements de manière à ce que le fonds de co-investissement dispose de toute la flexibilité opérationnelle dont il a besoin, tout en protégeant les intérêts de chacun des co-investisseurs.
Dans cet article, nous examinerons sept facteurs à prendre en compte à l’égard des fonds de capital-investissement et des co-investisseurs lors de la structuration et de la négociation des opérations de co-investissement.
Facteurs à prendre en compte et modalités des opérations de co-investissement
Coinvestissement actif ou passif?
Lorsqu’un co-investisseur s’apprête à saisir une occasion de co-investissement, l’un des premiers facteurs à prendre en compte est le niveau de pouvoir décisionnel qu’il souhaite avoir à l’égard de la société en portefeuille. Il préfère peut-être s’investir activement dans cette dernière après la clôture de l’opération et par conséquent, il souhaite effectuer un co?investissement direct dans la société en portefeuille de concert avec le promoteur du fonds. Cette structure est connue sous le nom de co-investissement actif. Les co-investisseurs qui, au contraire, ne souhaitent pas trop s’impliquer dans le processus décisionnel peuvent investir par l’entremise d’une entité ad hoc, souvent une société en commandite, qui est créée et contrôlée par le promoteur du fonds. Les co-investisseurs regroupent leurs capitaux dans l’entité ad hoc, et c’est cette dernière qui conclut ensuite l’opération de co-investissement avec le promoteur. Cette structure est connue sous le nom de co-investissement passif. Il est essentiel que les parties examinent les volets fiscalité et compétence territoriale au stade de la structuration de l’opération, bien que ces questions ne soient pas abordées dans le présent article.
Convergence vers une stratégie de sortie
Le fonds de co-investissement et les co-investisseurs doivent également mesurer les conséquences de tout événement de liquidité pouvant toucher la société en portefeuille ou la société de portefeuille, ou les deux. En règle générale, les co-investisseurs vont tenter de liquider leur investissement en même temps et pour les mêmes contreparties que le fonds de capital-investissement en négociant certains droits de suite ou de vente conjointe. Le fonds de capital-investissement doit évaluer l’incidence que pourraient avoir ces droits de vente conjointe s’il devait décider un jour de regrouper les investissements et il doit négocier à l’avance l’exclusion de tout droit de vente conjointe s’il veut que la syndication soit possible.
Pour éviter le risque qu’un co-investisseur bloque une opération en ne donnant pas son accord à une vente, le fonds de capital-investissement cherchera à obtenir le droit d’obliger chaque co?investisseur à vendre sa participation si le fonds devait décider de vendre, à condition que certaines conditions soient remplies. Les conditions préalables à l’activation du droit de vente forcée peuvent inclure l’atteinte d’un certain seuil de vente (p. ex., opération de retrait complet, plutôt qu’une vente partielle) ou l’atteinte d’un taux de rendement préalablement établi, ou les deux. En plus de négocier les conditions d’activation des droits de vente forcée du fonds de capital-investissement, les co-investisseurs devraient tenter d’exclure les clauses de non?concurrence et de non-sollicitation après une vente, ou d’en limiter la portée et la durée; ils doivent aussi donner des déclarations et garanties limitées après une vente pour s’en tenir strictement aux déclarations et garanties essentielles relatives à la propriété de leurs actions. En outre, même si la plupart des conventions de co-investissement prévoient des restrictions applicables au transfert d’actions, les co-investisseurs devraient tenter de négocier le droit de transférer leurs actions à des entités apparentées ainsi que des restrictions empêchant le fonds de capital-investissement de conclure un accord de syndication sans le consentement des co?investisseurs.
Les parties doivent convenir d’une stratégie de sortie, car tout différend entre elles au moment de la vente risquerait de compromettre l’opération qu’elles s’apprêteraient à conclure avec un tiers. Négocier à l’avance les modalités de sortie peut atténuer le risque d’un éventuel différend.
Composition du conseil
Le fonds de capital-investissement et les co-investisseurs doivent accorder une attention particulière à la composition du conseil d’administration de l’entité d’investissement. Selon l’importance de l’investissement de chacun, les co-investisseurs pourraient négocier le droit de mettre en candidature les administrateurs du conseil de la société en portefeuille ou de la société de portefeuille, ou les deux. Parfois, lorsqu’un co-investisseur possède certaines compétences ou une connaissance de l’industrie qui peuvent être particulièrement utiles à la société en portefeuille, le fonds de capital-investissement peut lui proposer un siège au conseil. Puisque le conseil d’administration supervise la gestion et la direction de la société en portefeuille, il est essentiel que le fonds de capital-investissement et les co-investisseurs examinent la composition du conseil d’administration et son incidence sur la gestion de l’investissement. De plus, un co-investisseur doit savoir que l’administrateur qu’il a mis en candidature aura une obligation fiduciaire envers la société en portefeuille, et que cette obligation aura préséance sur toute obligation de représenter les intérêts du co-investisseur devant le conseil d’administration. L’obligation fiduciaire ne s’applique pas aux actionnaires ni aux porteurs de parts; par conséquent, le co-investisseur doit veiller à négocier un droit de veto à l’encontre de certaines décisions du conseil d’administration comme il est mentionné ci-après, en sa qualité d’actionnaire, pour éviter que l’administrateur qu’il a mis en nomination se retrouve en conflit d’intérêts au motif qu’il a défendu les intérêts du co-investisseur.
Toutefois, lorsque les circonstances ne permettent pas d’attribuer un siège au conseil d’administration à un co-investisseur en raison du faible montant de son investissement, d’un conflit d’intérêts ou pour tout autre motif, ce dernier peut demander un droit de siéger à titre d’observateur. Ce droit lui permet de désigner une personne physique qui assistera aux réunions du conseil d’administration, mais qui ne participera pas aux votes. Même si les observateurs n’ont aucun droit de vote et donc, aucune obligation fiduciaire envers la société en portefeuille, ils sont un excellent moyen pour les co-investisseurs de surveiller les activités de prise de décisions du conseil et de s’assurer que leurs intérêts sont pris en compte et représentés comme il se doit.
Droits d’approbation par les actionnaires minoritaires
Le droit d’un co-investisseur d’approuver certaines mesures ou d’opposer son veto à des décisions du conseil d’administration de l’entité ad hoc ou de la société en portefeuille est âprement négocié lors des opérations de co-investissement. Comme le fonds de capital-investissement prend souvent le contrôle opérationnel de la société en portefeuille, les co?investisseurs vont tenter d’obtenir le droit d’approuver une liste déjà négociée de questions qu’ils jugent essentielles à la protection de leur investissement.
Lorsqu’elles négocient les questions qu’elles souhaitent assujettir aux droits d’approbation des actionnaires minoritaires, les parties devraient évaluer dans quelle mesure ces droits d’approbation pourraient nuire à la rapidité et à l’efficacité du processus décisionnel de la société en portefeuille. Parmi les droits d’approbation des actionnaires minoritaires les plus fréquemment réclamés par les co-investisseurs, mentionnons le droit d’approuver : a) les modifications apportées aux documents constitutifs de la société en portefeuille; b) la conclusion de toute opération importante hors du cours normal des activités (p. ex., prise en charge d’une dette supérieure à une limite établie, conclusion d’une opération avec un tiers apparenté, modification de la rémunération des membres de la direction de la société en portefeuille, ou établissement d’un partenariat stratégique, si l’apport est supérieur à une limite établie); c) conclusion d’une opération de restructuration hors du cours normal des activités (p. ex., regroupement, fusion, réorganisation ou vente de la totalité ou quasi-totalité des actifs de la société en portefeuille); d) autorisation, création ou émission de toute catégorie d’actions de la société en portefeuille; e) déclaration ou paiement d’une distribution, sous forme de dividende ou de remboursement de l’apport en capital. Il peut arriver que la totalité ou une partie des droits d’approbation soit octroyée à un seul co-investisseur, selon nature du co?investissement, le rôle de ce dernier et le pouvoir de négociation dont il dispose.
Droits à l’information
Dans le souci de surveiller leur investissement, de satisfaire à leurs obligations d’information et de déclaration et d’exiger une reddition de comptes de la direction, les co-investisseurs devraient négocier un droit d’accès à de l’information complète sur la société en portefeuille et un droit de recevoir cette information. Certaines lois sur les entreprises obligent les sociétés à transmettre à leurs actionnaires des états financiers annuels audités (sauf si la société n’est pas un émetteur assujetti et que les actionnaires acceptent à l’unanimité de renoncer annuellement à l’audit), mais les conventions d’actionnaires confèrent souvent aux actionnaires le droit de recevoir des états financiers intermédiaires mensuels et trimestriels, ainsi que des budgets et des prévisions financières, préparés par la direction. De plus, les co-investisseurs devraient négocier pour obtenir le droit d’être avisés de certains événements, comme un avis à l’ouverture d’un recours contre la société en portefeuille. Les co-investisseurs ne doivent pas oublier leurs propres obligations d’information internes et ils doivent s’assurer de pouvoir respecter ces obligations à l’égard de la société en portefeuille compte tenu des droits qu’ils négocient. Comme pour les autres protections des actionnaires minoritaires, l’étendue des droits à l’information contractuels d’un co-investisseur dépendra du montant investi par ce dernier et de la nature de l’opération de co-investissement.
Droits de préemption
Les co-investisseurs ont intérêt à obtenir le droit de maintenir leur pourcentage de participation dans la société en portefeuille ou la société de portefeuille, ou les deux; à cette fin, ils doivent négocier des droits de préemption stricts qu’ils pourront faire valoir si l’entité d’investissement décide d’émettre de nouvelles actions. Par exemple, il arrive souvent que certaines émissions d’actions soient exclues des droits de préemption, y compris les émissions qui font partie du régime d’intéressement de la société en portefeuille et les émissions liées à une opération ayant reçu l’approbation des actionnaires.
Frais et opérations entre apparentés
Les investisseurs qui placent leur argent par l’entremise d’un fonds de capital-investissement doivent payer des frais de gestion qui sont établis selon un pourcentage du capital investi. Ils doivent aussi payer des frais de gestion au rendement correspondant à un pourcentage du bénéfice que le fonds a réalisé sur les investissements; les co-investisseurs sont tenus de payer ces frais seulement lorsque le fonds atteint un seuil de rendement déterminé. Si un investisseur effectue un co-investissement hors du fonds de capital-investissement, les frais ne lui sont pas imputés de la même manière que pour les capitaux investis par l’entremise du fonds. Lorsque les frais de gestion et les frais de gestion au rendement sont imputés directement aux co?investissements, ils sont généralement plafonnés et moins élevés que pour les capitaux investis directement dans le fonds de capital-investissement. Ces frais de gestion peuvent être facturés ou non, selon les besoins du promoteur du fonds, la forme de la structure de co?investissement et le fait que le co-investisseur soit actif ou passif. Les co-investisseurs doivent aussi tenir compte des frais et des dépenses qu’ils devront assumer en lien avec leur investissement, l’exploitation et la vente de l’entité d’investissement. Ces frais font l’objet de longues négociations et auront une incidence sur le rendement éventuel de l’investissement de chaque partie.
Même si les structures de co-investissement permettent parfois de réduire, voire d’éliminer les frais de gestion ou les frais de gestion au rendement, d’autres frais indirects peuvent être imputés aux co-investisseurs; en effet, le fonds de capital-investissement, ses sociétés du même groupe ou d’autres entités facturent habituellement des frais de gestion ou d’autres frais à la société en portefeuille ou à la société de portefeuille, ou aux deux. Ces frais sont une rémunération du fonds de capital-investissement pour sa gestion de l’entité d’investissement et la prestation d’autres services, comme le soutien aux négociations. Par conséquent, les co?investisseurs ont intérêt à négocier des protections contractuelles afin d’empêcher le promoteur du fonds d’augmenter les frais ou d’imposer une nouvelle entente tarifaire qui n’est pas prévue, qui n’a pas été déclarée et dont les parties n’ont pas convenu à la clôture de l’investissement initial. Ces protections contractuelles peuvent prendre la forme d’un droit d’approbation par la majorité des co-investisseurs, ou d’un engagement du promoteur du fonds à déclarer aux co-investisseurs toutes les ententes tarifaires entre la société en portefeuille et la société de portefeuille, ou les deux, et le promoteur du fonds (ou toute société du même groupe). Une autre solution consisterait à exiger que de telles ententes soient conclues à des conditions excluant tout lien de dépendance, mais il pourrait s’avérer difficile de prouver qu’une entente tarifaire entre la société en portefeuille, la société de portefeuille et le promoteur du fonds n’est pas conclue à des conditions excluant tout lien de dépendance. Le cas échéant, les restrictions visant les frais doivent être raisonnables eu égard aux services que doit fournir le promoteur du fonds.
Conclusion
Les co-investissements jouent encore un rôle important en matière de capital-investissement en raison des avantages qu’ils procurent, comme on l’a vu plus haut. Tant les co-investisseurs que le fonds de capital-investissement doivent examiner attentivement les différents moyens de structurer les co-investissements de façon à ce que toutes les parties adhèrent à une vision commune et au même objectif, à savoir créer de la valeur pour les investisseurs. Les parties doivent s’efforcer de trouver un juste équilibre entre le besoin des co-investisseurs de protéger leur investissement et la nécessité de laisser au promoteur du fonds la marge de manœuvre dont il a besoin pour prendre des décisions opérationnelles en se fondant sur son expertise afin de maximiser le rendement.
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