De la vision à l’évaluation : propulser les entreprises émergentes grâce aux conventions simplifiées de participation ultérieure (SAFE)

29 juin 2023 | Myron A. Mallia-Dare, Andrew Gunpat

Les jeunes entreprises cherchent constamment de nouveaux investisseurs. Depuis quelques années, la convention simplifiée de participation ultérieure (« SAFE », de l’anglais simple agreement for future equity) s’impose comme un mode de financement populaire et utile pendant la phase de démarrage. En effet, les SAFE constituent un mécanisme de mobilisation efficient aux premiers stades de la vie de l’entreprise.

Les SAFE sont conçues pour pallier les problèmes de financement en début de parcours, quand la valeur de l’entreprise est inconnue ou difficile à déterminer. Elles permettent aux entreprises de mobiliser des capitaux en conférant aux investisseurs le droit de recevoir une participation lorsque surviendront certains événements déclencheurs. Cet article décrit les principales dispositions des SAFE et les avantages de ces conventions par rapport à d’autres instruments de financement. Il présente également les principaux points à surveiller lors du montage des SAFE et les meilleures façons d’éviter les écueils associés à ces conventions.

Qu’est-ce qu’une SAFE?

Les SAFE sont des contrats d’investissement avantageux pour l’entreprise qui lient celle-ci à un investisseur donné, lequel acquiert le droit de recevoir une participation dans l’entreprise lorsque surviendront certains événements déclencheurs. Elles servent principalement à obtenir un investissement précoce dans l’entreprise en attendant la tenue d’une ronde de financement de grande envergure. Lors de cette ronde future, l’investissement précoce sera converti en actions. L’investisseur profitera alors soit d’un prix d’achat escompté, soit d’un prix plafond.

Les SAFE gagnent en popularité depuis quelques années grâce à leurs avantages distinctifs par rapport aux billets convertibles, qui feront l’objet d’un autre article. La conversion de billets crée souvent des conflits liés aux dettes obligataires et nécessite des négociations complexes entre les investisseurs et les institutions. Au contraire, les SAFE offrent un modèle allégé qui élimine les négociations pointues sur les taux d’intérêt et certaines modalités. Ce processus simplifié profite à la fois aux entreprises et aux titulaires de SAFE, d’où l’attrait de ce mode de financement.

Montage des SAFE

Notons qu’il existe différentes formes de SAFE, dont les SAFE préinvestissement et les SAFE post-investissement. Les SAFE post-investissement accordent aux investisseurs un pourcentage de participation prédéterminé après la tenue d’une ronde de financement future. Quant aux SAFE préinvestissement, ils ne tiennent pas compte de la valeur du financement futur lors de la détermination du pourcentage de participation. Les entreprises doivent bien réfléchir au type de SAFE qui répondra le mieux à leurs objectifs de financement et aux attentes de leurs investisseurs potentiels. En effet, les SAFE post-investissement peuvent déclencher une protection antidilution à cliquet imprévue advenant une ronde baissière.

Principales dispositions

Pour comprendre les avantages et les inconvénients potentiels des SAFE, les entreprises doivent connaître les principales dispositions de ces conventions, soit celles relatives aux événements déclencheurs, aux prix plafonds et aux taux d’actualisation ainsi que les clauses de la nation la plus favorisée.

Événements déclencheurs

La SAFE se caractérise notamment par le fait que les droits de participation sont acquis lorsque survient un événement déclencheur (défini dans la convention), auquel cas la SAFE est convertie en titres de la société. Les événements déclencheurs sont habituellement des tours de financement subséquents ou des événements de liquidité, par exemple l’ouverture d’un processus de faillite ou de dissolution. Lorsque survient un élément déclencheur, le titulaire voit sa SAFE convertie en participation au taux négocié dans la convention; il acquiert donc des droits en tant qu’actionnaire. En cas de dissolution, les titulaires de SAFE non converties en titres reçoivent le prix d’achat garanti par la société, avant les actionnaires ordinaires.

Taux d’actualisation

Ce taux prévu dans la convention détermine le prix par action escompté dont profitera le titulaire de la SAFE lorsque surviendra un événement déclencheur. Il incite les investisseurs à conclure une SAFE, car leur investissement précoce leur fera profiter d’un prix de conversion plus bas au moment venu.

Par exemple, l’entreprise pourrait attirer les investisseurs lors des premiers tours en proposant une SAFE à un prix de conversion de 1,00 $/action. Quand se tiendra une ronde de financement à 1,20 $/action, le titulaire de la SAFE sera avantagé puisque cette ronde (qui constitue un événement déclencheur) lui permettra de convertir sa convention en participation au prix de 1,00 $/action.

Prix plafonds

Les prix plafonds sont couramment utilisés pour fixer la valeur maximale du cours de la société qui déclenchera la conversion de la SAFE en actions. On établit ainsi le pourcentage minimal de participation que l’investisseur acquiert. Le plafond d’évaluation garantit au titulaire de la SAFE un prix par action inférieur à celui des investisseurs subséquents.

Clause de la nation la plus favorisée

Une telle clause peut offrir au titulaire de la SAFE la certitude que, lors d’une ronde de financement subséquente offrant aux investisseurs des modalités plus avantageuses que celles de la SAFE, il profitera lui aussi des meilleures modalités. Encore une fois, on incite les investisseurs à conclure une SAFE en leur assurant qu’ils ne seront pas pénalisés pour leur investissement précoce si les rondes subséquentes offrent des modalités plus avantageuses.

Protection des investisseurs

Pour protéger les investisseurs, les SAFE contiennent des dispositions accordant aux titulaires des droits de transparence et d’information. Les sociétés peuvent communiquer régulièrement des renseignements sur leurs finances, leurs jalons et leurs progrès pour que les investisseurs fassent des choix éclairés. En établissant un climat de confiance et de transparence, les sociétés peuvent attirer et fidéliser les investisseurs, qui seront rassurés quant à la trajectoire de croissance.

Incidences fiscales

Les sociétés et les investisseurs doivent faire attention aux incidences fiscales potentielles des SAFE. Le traitement fiscal de ces conventions peut varier d’un endroit et d’une situation à l’autre. Il vaut mieux consulter des fiscalistes pour en savoir plus, notamment en matière d’imposition des gains en capital, d’obligations de déclaration et d’éventuels avantages ou désavantages fiscaux. En étant bien renseignés, les sociétés et les investisseurs pourront mieux planifier et exécuter leurs décisions financières pour en assurer la conformité et optimiser leur position fiscale.

Stratégies de sortie

Les titulaires de SAFE doivent évaluer les stratégies de sortie qui s’offrent à eux. Si ces conventions peuvent être converties en actions lorsque surviennent des événements déclencheurs, les investisseurs peuvent également rechercher la liquidité par d’autres moyens. Entre autres stratégies de sortie, citons l’acquisition par une autre société, les premiers appels publics à l’épargne (PAPE) et les ventes sur le marché secondaire. Les sociétés peuvent communiquer de manière proactive leurs plans à long terme et leurs scénarios de sortie aux investisseurs pour que ceux-ci évaluent la possibilité de réaliser leurs investissements et leurs rendements potentiels. En étant au fait des stratégies de sortie offertes, les investisseurs pourront faire des choix éclairés quant à leur participation dans les sociétés en démarrage.

Limites et considérations

Soulignons que les SAFE pourraient ne pas convenir à certaines sociétés ou à certains secteurs. Malgré les avantages de ces conventions, les investisseurs institutionnels ou dans certains secteurs préféreront peut-être les instruments de financement plus classiques, notamment les billets convertibles et les actions privilégiées. Les sociétés doivent bien réfléchir à leurs objectifs de financement, aux préférences des investisseurs et aux normes du secteur avant d’adopter les SAFE. Par ailleurs, elles doivent évaluer les aspects juridiques et réglementaires, notamment la conformité aux lois sur les valeurs mobilières et le caractère exécutoire de ces conventions. En consultant des professionnels du droit, elles pourront mieux comprendre le cadre juridique, puis structurer et appliquer leurs SAFE dans le respect des règles.

Conclusion

Pour les entreprises émergentes ou en démarrage, les SAFE constituent un très bel outil de mobilisation de capitaux, surtout aux premiers stades quand la valeur de la société n’a pas été établie. Elles offrent un processus simplifié, des dispositions avantageuses pour les sociétés et des coûts moindres par rapport aux autres instruments de financement. Les investisseurs sont encouragés à investir tôt puisqu’ils profiteront d’un taux escompté lors de la conversion de la SAFE en actions et d’un éventuel traitement préférentiel en cas d’insolvabilité. En misant sur les SAFE, les sociétés peuvent accéder facilement à des capitaux et propulser leur croissance sans compromettre leurs progrès immédiats.

Les SAFE devraient toujours être créées et mises en œuvre en collaboration avec des professionnels du droit. Ceux-ci pourront renseigner la société sur la conformité aux lois sur les valeurs mobilières ainsi que sur le caractère exécutoire des SAFE et les règles applicables selon le territoire de compétence. En obtenant des conseils professionnels, les sociétés pourront atténuer les risques juridiques, assurer la conformité, et protéger leurs droits et ceux des investisseurs. Les professionnels du droit peuvent également participer à la rédaction et à la négociation des SAFE pour que celles-ci reflètent les intentions et les attentes des parties. L’assise juridique de ces conventions sera alors renforcée.

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