En 2022, dans le cadre d’un nouveau régime de règles de divulgation obligatoire, le ministre des Finances a publié un projet de loi visant à resserrer les règles relatives aux opérations à signaler (les « règles »). Ces règles touchent de nombreux aspects de la planification fiscale, entre autres la planification de fiducies. Si elles sont mises en œuvre sous la forme proposée, ces règles ajouteraient un degré supplémentaire de complexité à la planification de fiducies et à la conformité qui s’y rattache (sans oublier que les conseillers en fiducie doivent déjà composer avec des projets de loi concernant les « règles en matière de divulgation des fiducies » toujours à l’étude).
Nous vous présentons ci-dessous une lecture plus approfondie de ces règles, uniquement dans le contexte de la planification de fiducies.
Survol des règles
En général, les règles déclenchent une obligation de divulgation lorsqu’une personne effectue une opération ou une série d’opérations identique ou en grande partie semblable à certaines opérations ou séries d’opérations « désignées » par le ministre du Revenu national, avec l’accord du ministre des Finances.
Rédigées en termes généraux, ces règles prévoient expressément une interprétation largement en faveur de la divulgation.
L’obligation de divulgation peut s’appliquer à un éventail de personnes, notamment à toute personne qui tire un avantage fiscal de l’opération en question, ainsi qu’à tout conseiller concernant l’opération en question (ce qui comprend généralement les conseillers en matière juridique et de comptabilité).
Il n’existe actuellement aucun formulaire imposé pour faire cette divulgation, même si celle-ci peut être très détaillée et onéreuse.
La date limite de divulgation est généralement fixée à 45 jours une fois que la personne concernée a conclu l’opération ou après qu’elle soit contractuellement dans l’obligation de la faire.
Tout défaut de divulgation peut avoir des conséquences importantes et les pénalités sont élevées. En effet, les pénalités pour un particulier peuvent atteindre 25?000 $ ou 25 % de l’avantage fiscal, selon le plus élevé de ces deux montants et les pénalités pour les conseillers peuvent comprendre leurs honoraires à cet égard, plus un maximum de 110?000 $ supplémentaires.
Par ailleurs, le fait de ne pas divulguer une opération à signaler permet au ministre d’établir les cotisations ou les nouvelles cotisations pour un contribuable en dehors de la période normale de nouvelle cotisation (généralement limitée à trois ans pour la plupart des contribuables, y compris pour les fiducies).
Exemples d’opérations désignées concernant la planification de fiducies
Le projet de loi est accompagné d’un « exemple d’opérations désignées » à divulguer en vertu des règles. Il existe trois types généraux d’opérations concernant la planification de fiducies, toutes visant à obtenir un report d’impôt ou à éviter l’imposition à la suite d’une disposition réputée des immobilisations de la fiducie après 21 ans.
L’opération 1 décrit une distribution à imposition différée d’immobilisations d’une fiducie résidant au Canada à une société bénéficiaire résidant au Canada lorsque les actions de cette société bénéficiaire sont détenues par une deuxième fiducie résidant au Canada. Cette distribution à une société bénéficiaire pourrait permettre le début d’une « nouvelle » période de disposition réputée de 21 ans à l’égard des immobilisations de la fiducie. Une distribution directe à la seconde fiducie ne permettrait pas d’éviter la disposition réputée de 21 ans.
L’opération 2 décrit une distribution à imposition différée d’immobilisations d’une fiducie résidant au Canada à une société bénéficiaire résidant au Canada lorsque les actions de cette société bénéficiaire sont détenues par un ou plusieurs bénéficiaires non-résidents. Cette distribution pourrait permettre une distribution à imposition différée des immobilisations de la fiducie avant une disposition réputée de 21 ans. En revanche, une distribution directe des immobilisations de la fiducie aux non-résidents ne permettrait pas de bénéficier d’un report d’impôt.
L’opération 3 vise une opération dans laquelle une société résidant au Canada déclare et verse un dividende intersociétés libre d’impôt, par l’intermédiaire d’une fiducie résidant au Canada, à une deuxième société résidant au Canada dont les actions sont à leur tour détenues par une deuxième fiducie résidant au Canada. L’effet net de l’opération consisterait à réduire ou à éliminer le gain accumulé dans la propriété de la première fiducie qui serait autrement assujetti à l’impôt sur une disposition réputée de 21 ans.
Que faire maintenant?
En présumant que ces « exemples d’opérations désignées » deviennent effectivement des « opérations désignées », nous avons relevé de nombreux problèmes potentiels et certaines questions demeurent en suspens, notamment :
Les règles peuvent-elles s’appliquer aux opérations mises en œuvre avant la date d’entrée en vigueur de ces nouvelles règles? La réponse semble être que les règles pourraient s’appliquer, selon l’ampleur de l’expression « série d’opérations », selon la définition d’« opération à signaler » et selon la formulation des règles de mise en œuvre actuelles. Il est urgent d’examiner avec soin les possibles mesures d’atténuation dont les clients peuvent disposer dans ces circonstances.
Existe-t-il des options pour les clients qui souhaitent tout de même effectuer une opération ayant certaines similitudes avec une opération désignée? Les options peuvent comprendre a) la réalisation de l’opération et la divulgation conformément aux règles, et b) la réalisation d’une variante de l’opération et l’adoption d’une position juridique selon laquelle la divulgation n’est pas requise. Une réflexion en profondeur s’impose en raison des éventuelles conséquences négatives que les règles peuvent entraîner.
À quel moment une opération serait-elle « sensiblement semblable » à une opération désignée? Les exemples d’opérations sont rédigés de façon très large. Par exemple, qu’arrive-t-il si un non-résident possède « quelques » actions d’une société bénéficiaire d’une fiducie résidant au Canada? Quel est le seuil de détention requis pour que cette opération soit sensiblement semblable à l’opération 2 décrite ci-dessus?
Est-ce qu’un plus grand nombre d’opérations relatives à des fiducies deviendront finalement des « opérations désignées »? On pourrait penser qu’il s’agit d’une possibilité réaliste et, dans ce cas, d’autres planifications actuellement en cours pourraient-elles être rattrapées à l’avenir en tenant compte des concepts relatifs à la série d’opérations? La planification actuelle peut-elle être structurée de manière à permettre des mesures potentielles à l’avenir pour mettre un terme à une série (ou du moins, être en mesure d’adopter cette position de manière défendable)?
Les règles seront-elles suffisamment claires pour permettre un cadre efficace de conformité?
Les règles auront potentiellement un « effet dissuasif » sur un large éventail de planification de fiducies, en raison de l’incertitude quant à l’application ou non des règles, et de l’incertitude quant à la manière de se conformer aux règles. Si une incertitude importante persiste après l’entrée en vigueur des règles dans leur version définitive, on peut s’interroger sur les arguments juridiques potentiels visant à restreindre leur application selon les principes généraux d’interprétation des lois.
Que faire maintenant?
Le ministère des Finances procède encore à l’étude en profondeur des règles. Toutefois, le moment est venu pour les fiduciaires et les conseillers de s’informer sur les nouvelles exigences en matière de divulgation. Il est peut-être temps d’envisager dès à présent des mesures dans le but d’atténuer les conséquences des opérations de planification de fiducie passées et futures à la lumière de ces nouvelles mesures.
Si vous avez des questions ou si vous avez besoin d’aide, veuillez communiquer avec un membre de l’équipe de Fiscalité de Miller Thomson.