On croit souvent à tort que les frais d’avocats engagés lors d’un procès seront remboursés par la partie adverse à la partie qui obtient gain de cause devant les tribunaux. En jargon juridique, l’expression « honoraires extrajudiciaires » est employée pour faire référence à ces frais.
Or, au Québec, la partie qui succombe n’aura généralement pas à payer les frais d’avocats de son adversaire. Nous employons le terme « généralement » puisqu’il existe une exception à cette règle, soit lorsqu’une partie se prête à un abus dans le cadre du processus judiciaire.
Pour obtenir le paiement de ses honoraires extrajudiciaires, une partie doit prouver que la partie adverse a abusé de son droit d’ester en justice et qu’elle a commis une faute en s’adressant aux tribunaux. Faire la preuve de l’abus de droit n’est pas une mince tâche et le simple fait pour une partie de mal avoir évalué ses chances de succès ou d’avoir intenté un recours alors que son droit était précaire ou fondé sur une thèse fragile n’est pas suffisant pour démontrer un tel abus. Il n’y aura pas d’abus de droit d’ester en justice si une analyse exhaustive de la preuve s’avère nécessaire pour trancher le litige.
Devant une demande pour honoraires extrajudiciaires, la Cour devra se demander si une personne raisonnable et prudente, placée dans les mêmes circonstances, aurait conclu à l’inexistence d’un fondement pour cette procédure. Dans l’affirmative, la réclamation pour honoraires extrajudiciaires pourra être accordée.
L’abus de droit peut prendre plusieurs formes : il peut s’agir de l’institution d’un recours inutile, de procédures judiciaires excessives, de la multiplication de procédures dilatoires ou futiles, d’une requête manifestement mal fondée ou de la défense d’un droit inexistant. Par exemple, une partie qui s’acharnerait à maintenir une hypothèque légale sur un immeuble pendant plusieurs années alors que son droit était manifestement non fondé pourrait se rendre coupable d’abus de droit et devoir assumer le paiement des honoraires extrajudiciaires de la partie adverse.
Puisque l’obtention d’honoraires extrajudiciaires à titre de dommages est rare et difficile, il importera de bien analyser le dossier avant de les réclamer dans le cadre de la procédure puisque les ajouter comme poste de réclamation, alors que les faits en litige ne le permettent pas de manière évidente, pourrait avoir comme effet de miner la crédibilité de la partie qui les réclame.
Cet article est paru dans l’édition du mois d’octobre 2018 de l’infolettre L’À-Propos Juridique Construction de Miller Thomson.