Introduction
À la suite de la résiliation d’un contrat visant la numérisation de dossiers de patients archivés au sein de trois hôpitaux de la région de Québec, le Centre Hospitalier Universitaire de Québec (« CHUQ ») a été condamné à payer à Theodore Azuelos Consultants en technologies (TACT) inc. (« TACT ») la somme de 1 622 677,83$, notamment en compensation des profits que cette dernière anticipait réaliser à l’occasion de ce contrat. Le 12 juillet dernier, la Cour d’appel maintenait la décision rendue en première instance et rappelait ainsi l’importance de suivre les termes de la procédure contractuelle de résiliation.
Les faits
En 2015, un appel d’offres est lancé par le CHUQ. Les documents d’appel d’offres prévoient des paramètres pour la numérisation des 98 millions d’images tirées des dossiers archivés pour chacun des trois hôpitaux. Le 20 août 2015, le contrat est octroyé à TACT. Dès les premières semaines, le CHUQ se heurte à certains irritants, notamment au niveau de la qualité du travail réalisé par TACT et de la cadence de numérisation, lesquels donneront lieu à la tenue d’une rencontre le 13 janvier 2016. À l’occasion de celle-ci, les parties discutent de la mise en place d’un plan d’action afin de corriger les lacunes soulevées et une lettre résumant les points abordés est transmise par le CHUQ à TACT. Par cette lettre, le CHUQ fixe également une période de probation pour valoir jusqu’au 5 février 2016. Le 5 février 2016, TACT est informée que l’exécution du contrat est suspendue et ce, afin de permettre au CHUQ d’effectuer une analyse de la situation et de déterminer ce qu’il adviendra de la poursuite du contrat. En fin de compte, en date du 11 février 2016, le CHUQ procéda à la résiliation du contrat le liant à TACT.
Les jugements[1]
TACT conteste la légalité de la décision du CHUQ de résilier son contrat. À l’occasion d’une relation contractuelle, les parties peuvent décider de prévoir, à l’avance, une procédure de résiliation et, dans le cas d’une résiliation pour cause, les motifs pouvant donner ouverture à l’application d’une telle procédure. À défaut pour les cocontractants de prévoir pareille procédure, ceux-ci pourront alors avoir recours aux dispositions prévues au Code civil du Québec (« C.c.Q. »). Par exemple, dans le cas d’un contrat d’entreprise, il sera permis au client de résilier un contrat sans motif, sous réserve de compenser son cocontractant pour les frais encourus et les travaux réalisés. Le prestataire de services devra, quant à lui, démontrer que sa décision de résilier le contrat était justifiée par un motif sérieux[2].
En l’espèce, le contrat qui liait les parties énumérait différentes situations qui pouvaient donner ouverture à la résiliation du contrat. Par exemple, le CHUQ pouvait résilier le contrat sans préavis, en cas de problèmes de solvabilité de TACT ou en cas d’interruption de ses opérations pendant plus de 7 jours. Il pouvait également le résilier en cas de défaut de TACT de respecter l’une ou l’autre de ses obligations au terme du contrat et si TACT négligeait d’y remédier dans un délai de 5 jours du préavis ou encore, sans motif, mais moyennant un préavis de 30 jours.
De l’avis du CHUQ, la résiliation du contrat était justifiée par un défaut de TACT vis-à-vis certaines de ses obligations contractuelles. Or, le juge conclut que la résiliation était illégale : un avis écrit décrivant précisément les défauts allégués devait être transmis à TACT de manière à lui permettre d’apporter les correctifs requis dans le délai prescrit. L’avis de résiliation transmis par le CHUQ dénonçait, quant à lui, 3 problématiques qui, de l’avis du juge, n’avaient jamais été portées à l’attention de TACT. Il fut également déterminé que la lettre transmise à TACT suivant la rencontre du 13 janvier 2016 ne pouvait être assimilée à un préavis de résiliation, celle-ci s’apparentant davantage à un compte-rendu de la réunion qu’à une mise en demeure.
Devant la Cour d’appel, le CHUQ a soulevé que la procédure de résiliation n’avait pas pour effet d’écarter automatiquement la résiliation lorsque le débiteur est en demeure de plein droit, par exemple lorsqu’il laisse s’écouler la période à l’intérieur de laquelle une obligation devait être accomplie sans s’exécuter, s’il a manifesté son intention de ne pas s’exécuter bien qu’il y soit tenu ou encore, s’il refuse ou néglige de s’exécuter de manière répétée[3]. Dans ces cas, la jurisprudence prévoit qu’une mise en demeure n’est pas utile, le débiteur étant déjà pleinement conscient et informé de son défaut. Or, le juge conclut que tel n’était pas le cas de TACT, celle-ci n’ayant jamais refusé de s’exécuter. De plus, les normes de qualité que devaient respecter TACT étaient ambiguës et ne permettaient pas de conclure à un manquement contractuel de sa part.
Conclusion
La résiliation du contrat étant la peine capitale en matière contractuelle, il est primordial que le débiteur connaisse les reproches qui lui sont adressés afin qu’il puisse avoir l’opportunité de mettre les mesures en place pour y remédier. En effet, si les parties choisissent de mettre en place, à l’avance, une procédure permettant la résiliation du contrat, elles doivent s’assurer d’en suivre les termes et de transmettre des avis qui respectent les critères énoncés au contrat. Autrement, elles pourraient se voir tenues d’indemniser leur cocontractant pour les dommages subis et qui découlent de la résiliation dont, notamment, une perte importante de profits.
[1] CHU de Québec – Université Laval c. Theodore Azuelos consultants entechnologie (TACT) inc., 2022 QCCA 981 et Theodore Azuelos consultants en technologies (TACT) inc. c. CHU de Québec – Université Laval, 2020 QCCS 1793;
[2] Articles 2125 et ss. C.c.Q.
[3] Article 1597 C.c.Q.
Cet article est paru dans l’édition du 18 octobre 2022 du journal Constructo.