Le contrôle des exportations au Canada : notions de base pour les exportateurs

16 mai 2023 | Daniel Kiselbach, MBA, Satinder Bains

Aperçu

Au Canada, les contrôles à l’exportation sont prévus dans plusieurs lois, règlements et politiques, la pièce maîtresse étant la Loi sur les licences d’exportation et d’importation (la « LLEI »)[1]. La LLEI encadre l’exportation et le transfert de certains logiciels et de certaines marchandises et technologies lorsqu’il y va de l’intérêt public. Les marchandises, les logiciels et les technologies régis par la LLEI sont ici collectivement désignés par le terme « articles ».

La présente note de pratique porte sur le contrôle des exportations d’articles militaires, à double usage et stratégiques. D’autres types de biens (comme les animaux, les plantes et les médicaments) ont leur propre régime, que nous n’aborderons pas ici.

Généralement, un exportateur doit obtenir une licence pour exporter des articles contrôlés. Le ministre fédéral responsable peut exercer son pouvoir discrétionnaire pour la délivrance d’une telle licence. La gestion et l’application des contrôles à l’exportation sont l’affaire de nombreuses entités canadiennes. Le non-respect de ces contrôles peut entraîner des conséquences au civil et au criminel.

Loi sur les licences d’exportation et d’importation

La LLEI régit l’exportation, le transfert et le courtage d’articles (marchandises et technologies). En application de cette loi, le gouverneur en conseil (le Cabinet fédéral) a établi la Liste des marchandises et technologies d’exportation contrôlée (la « LMTEC »). Cette liste énumère des articles dont il est nécessaire, de l’avis du gouverneur en conseil, de contrôler l’exportation ou le transfert à des fins particulières, par exemple pour : a) s’assurer qu’aucun matériel militaire ne soit rendu disponible à une destination où son emploi pourrait être préjudiciable à la sécurité du Canada; b) mettre en œuvre un accord ou un engagement intergouvernemental; c) s’assurer d’un approvisionnement et d’une distribution de cet article en quantité suffisante pour répondre aux besoins, notamment en matière de défense[2].

Liste des marchandises et technologies d’exportation contrôlée

La LLEI prévoit l’établissement de la LMTEC[3], que le gouverneur en conseil peut de temps à autre abroger, modifier ou dresser à nouveau[4]. Une annexe de la LMTEC répartit les articles en neuf groupes (les « groupes »), décrits plus en détail ci-après[5].

 Guide de la Liste de marchandises et technologies d’exportation contrôlée du Canada

La LMTEC prévoit que certains articles, lorsqu’ils sont destinés à des destinations précisées, sont assujettis à un contrôle d’exportation aux fins visées à l’article 3 de la LLEI[6]. La LMTEC mentionne de tels articles et fait référence au Guide de la Liste des marchandises et technologies d’exportation contrôlée (le « Guide »)[7]. Le Guide est publié et mis à jour de temps à autre par le gouvernement du Canada. Il établit un système de classification et une nomenclature décrivant les articles des différents groupes[8].

  Liste des pays visés

La Liste des pays visés (la « LPV ») est une liste établie en vertu de la LLEI énumérant les pays vers lesquels le gouverneur en conseil estime nécessaire de contrôler l’exportation ou le transfert d’articles. En vertu de la LLEI, le gouverneur en conseil peut de temps à autre abroger, modifier ou dresser à nouveau la LPV[9].

  Licences d’exportation

Un ministre fédéral désigné par le gouverneur en conseil peut délivrer à tout résident du Canada qui en fait la demande une licence individuelle d’exportation (« LIE ») l’autorisant à exporter ou à transférer un article de la LMTEC ou destiné à un pays de la LPV[10]. Une licence peut autoriser l’exportation ou le transfert d’un article selon une quantité et une qualité déterminées, à des endroits ou à des personnes précis et conformément à d’autres modalités et conditions qui y sont précisées ou qui sont prévues dans les règlements pris en application de la LLEI.

Le ministre peut aussi, par arrêté, délivrer à tous les résidents du Canada une licence générale d’exportation (« LGE »). Une telle licence peut autoriser l’exportation ou le transfert, vers tout pays y étant mentionné, de certains articles inscrits sur la LMTEC, sous réserve des modalités et conditions de cette licence[11].

Par exemple, la LGE no 12 — Marchandises provenant des États-Unis permet, sous réserve de certaines de ses dispositions, à toute personne d’exporter du Canada des marchandises provenant des États-Unis visées à l’article 5400 du groupe 5 de l’annexe de la LMTEC (des « articles provenant des États-Unis »). La LGE no 12 n’autorise pas l’exportation de tels articles vers Cuba, la Corée, l’Iran ou la Syrie. Le ministre a également délivré la LGE no 41 relativement aux marchandises et technologies à double usage exportées vers certaines destinations[12].

Le Règlement sur les licences d’exportation indique les renseignements que les demandeurs doivent fournir pour obtenir une licence d’exportation[13]. Il prévoit aussi la procédure pour la délivrance et l’utilisation de ces licences. Ce cadre réglementaire a été établi de façon à s’harmoniser avec la pratique et la politique d’Affaires mondiales Canada ainsi qu’avec le système des contrôles des exportations en direct (« CEED »).

La Direction générale de la réglementation commerciale d’Affaires mondiales Canada gère les demandes de licence d’exportation et formule des recommandations au ministre quant à leur délivrance. Elle publie de l’information sur ses pratiques et politiques. Ses ressources et services comprennent le Manuel des contrôles à l’exportation, le portail de soumission des demandes de licence du système CEED, l’interface du système des contrôles à l’exportation et à l’importation (« SCEI ») ainsi qu’un échange de données informatisées (« EDI ») pour gérer les demandes, l’approbation et le traitement des licences.[14]. Ce schéma illustre le processus d’obtention de permis[15].

 Loi sur la production de défense

Outre la LLEI, d’autres lois canadiennes encadrent les exportations. Aux termes de la Loi sur la production de défense (la « LPD »), à moins d’être inscrit en application de la LPD ou exempté d’inscription, nul ne peut délibérément examiner des marchandises contrôlées, en avoir en sa possession ou en transférer à une autre personne[16]. Dans la LPD, les « marchandises contrôlées » sont celles qui figurent dans l’annexe jointe à la loi[17]. On y trouve a) le matériel de défense; b) les marchandises du groupe 2 du Guide; c) les marchandises du groupe 5 du Guide; d) les marchandises du groupe 6 du Guide.

L’Accord sur le partage de la production de défense (l’« APPD ») se rapporte aux pratiques, aux politiques et aux procédures d’approvisionnement en matière de défense entre le Canada et les États-Unis[18]. La Corporation commerciale canadienne (« CCC ») aide les exportateurs canadiens à s’orienter dans les dédales réglementaires du système d’approvisionnement gouvernemental. La sous-partie 225.870 du Defense Federal Acquisition Regulation Supplement (« DFARS ») des États-Unis autorise la CCC à agir comme maître d’œuvre pour les contrats du département de Défense des États-Unis valant plus de 250 000 $ US[19].

Liste des marchandises et technologies réglementées

La Loi sur les mesures économiques spéciales du Canada (la « LMES ») octroie au gouvernement du Canada le pouvoir de prendre des mesures économiques contre certaines personnes lorsqu’il y va de l’intérêt public. La paix et la sécurité internationale, des violations graves et systématiques des droits de la personne et les actes de corruption à grande échelle sont parmi les motifs expressément cités[20]. Le gouverneur en conseil peut prendre des décrets interdisant certaines activités, comme l’exportation par une personne au Canada ou par un Canadien se trouvant ailleurs dans le monde de marchandises ou de technologies vers un territoire étranger ou une personne se trouvant dans un territoire étranger[21]. Divers règlements d’application de la LMES interdisent l’exportation à destination de personnes désignées et d’entités de divers pays. Par exemple, le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie interdit à toute personne au Canada et à l’étranger d’exporter vers la Russie ou à une personne en Russie toute marchandise décrite dans la Liste des marchandises et technologies réglementées ou à l’annexe 5.1, intitulée « Marchandises et technologies »[22]. La Liste des marchandises et technologies réglementées peut être consultée en ligne sur la page des sanctions du site Web d’Affaires mondiales Canada[23].

Gestion et mise en application

Diverses entités gouvernementales sont responsables de la gestion et de la mise en application des contrôles à l’exportation au Canada, dont les suivantes :

  1. L’Agence des services frontaliers du Canada (l’« ASFC») s’occupe de l’application des lois à la frontière canadienne;
  2. La Direction générale de la réglementation commerciale d’Affaires mondiales Canada (« AMC») s’occupe des licences;
  3. La Gendarmerie royale du Canada (la « GRC») s’occupe de l’application des lois criminelles.

La législation canadienne sur les contrôles à l’exportation comprend la LLEI, la LPD, la LMES et leurs règlements (dont la LMTEC et la Liste des marchandises et technologies réglementées). Le non-respect de ces règles peut entraîner des sanctions pécuniaires administratives et même des sanctions criminelles[24].

Reproduit de Practical Law avec la permission des éditeurs. Pour en savoir plus, visitez practicallaw.com.


[1] Loi sur les licences d’exportation et d’importation, L.R.C. 1985, ch. E-19.

[2] Voir l’article 3 de la LLEI. Liste des marchandises et technologies d’exportation contrôlée, DORS/89-202.

[3] Voir l’article 6 de la LLEI.

[4] Voir l’article 6 de la LLEI.

[5] Voir l’article 2 de la LMTEC.

[6] Voir l’article 2 de la LMTEC.

[7] Affaires mondiales Canada a publié une nouvelle version du Guide le 21 novembre 2022, entrée en vigueur le 21 décembre 2022. Consultez-la ici : https://www.international.gc.ca/trade-commerce/guides/export_control_list-liste_exportation_controlee_2021.aspx?lang=fra.

[8] Voir l’article 2 de la LMTEC.

[9] Voir l’article 6 de la LLEI.

[10] Voir les articles 2 et 7 de la LLEI.

[11] Voir le paragraphe 7(1.1) de la LLEI.

[12] Licence générale d’exportation no 41 — Marchandises et technologies à double usage exportées vers certaines destinations, DORS/2015-200.

[13] Règlement sur les licences d’exportation, DORS/97-204.

[14] Voir : Affaires mondiales Canada, « Contrôles à l’exportation, Principaux renseignements et services », en ligne : https://www.international.gc.ca/controls-controles/about-a_propos/expor/before-avant.aspx?lang=fra.

[15] Depuis : https://www.international.gc.ca/controls-controles/export-exportation/exp_ctr_handbook-manuel_ctr_exp-p2.aspx?lang=fra.

[16] Loi sur la production de défense, L.R.C. 1985, ch. D-1, paragr. 37(1).

[17] Voir l’article 35 de la LPD.

[18] Voir l’APPD, cité par la Corporation commerciale canadienne sur sa page « Maître d’œuvre DoD des É.-U. ».

[19] DFARS, 225.870 « Contracting with Canadian Contractors », en ligne : https://www.acquisition.gov/dfars.

[20] LMES, L.C. 1992, ch. 17, art. 3 « Objet de la loi ».

[21] Voir la LMES, al. 4(2)b) et c).

[22] Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie, paragr. 3.06(1).

[23] Voir : Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie, DORS/2022-67.

[24] Voir par exemple la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985, ch. 1 (2e suppl.), art. 109.1, pour certaines sanctions pécuniaires administratives, et la LLEI, qui prévoit qu’une personne qui enfreint cette loi ou ses règlements commet une infraction mixte passible de sanctions criminelles.

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