Journal Constructo – 18 janvier 2018 

La protection des milieux humides et hydriques connaît un intérêt croissant depuis les dernières années et celle-ci peut avoir des incidences importantes pour la planification de tout projet de construction puisque tous travaux de construction ou ouvrages dans un milieu humide nécessitent l’autorisation préalable du Ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques («?MDDELCC?»).

Or, la qualification même d’un milieu humide présente des difficultés, ce qui a d’ailleurs fait l’objet de certains débats jurisprudentiels.  La Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques, LQ 2017 c 14 («?LCMHH?»)  adoptée en juin 2017 et dont plusieurs des dispositions entreront en vigueur en mars 2018 devait venir clarifier la situation. En effet, selon le MDDELCC, l’objectif de cette loi est d’instaurer «?un nouveau régime moderne, clair, prévisible et optimisé pour conserver ces milieux?». D’autre part, la LCMHH doit permettre de réduire les délais et d’alléger les processus d’autorisation des projets.

Or, la LCMHH vient-elle réellement clarifier et simplifier le régime actuel? De plus, quelles sont les conséquences de la réalisation de travaux en milieu humide?

La qualification d’un milieu humide — un enjeu important

La Loi sur la qualité de l’environnement RLRQ c Q-2 («?LQE?») telle qu’elle se lit actuellement prévoit l’obligation d’obtenir un certificat d’autorisation du MDDELCC préalablement à la réalisation de tous travaux ou ouvrages dans un cours d’eau à débit régulier ou intermittent, dans un lac, un étang, un marais, un marécage ou une tourbière. La notion de milieu humide n’y est donc pas spécifiquement prévue.

Or, en mars 2018, une notion de milieux humides et hydriques sera introduite dans la LQE. Cette notion identifie comme «?milieux humides et hydriques?», les lieux d’origine naturelle ou anthropique qui se distinguent par la présence d’eau de façon permanente ou temporaire, laquelle peut être diffuse, occuper un lit ou encore saturer le sol et dont l’état est stagnant ou en mouvement. Lorsque l’eau est en mouvement, elle peut s’écouler avec un débit régulier ou intermittent. Cette définition précise qu’un milieu humide est également caractérisé par des sols hydromorphes ou une végétation dominée par des espèces hygrophiles. Enfin, selon cette définition, sont notamment des «?milieux humides et hydriques, les lacs, les cours d’eau, les rives, le littoral et les plaines inondables, les étangs, les marais, les marécages et les tourbières, en plus de l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent, ainsi que les mers entourant le Québec. Les fossés de voies publiques ou privées, les fossés mitoyens et certains fossés de drainage sont toutefois spécifiquement exclus de cette notion.

Malgré que l’introduction d’une définition de milieux humides et hydriques devait faciliter en principe l’identification et le traitement des milieux humides, il demeure que cette définition introduite à la LQE se limite à une énumération non limitative de certains milieux humides et hydriques, dont la plupart étaient déjà visés par la LQE. De plus, la portée de la notion introduite est très vaste et demeure une source d’insécurité juridique. Ainsi, alors qu’il est facile de déterminer si l’on se trouve dans le golfe du Saint-Laurent, la rivière Saguenay ou le lac des Castors, il est beaucoup moins aisé pour un entrepreneur de déterminer s’il est en présence de sols hydromorphes ou de végétation dominée par des espèces hydrophiles.

À l’égard de certains milieux humides, notamment les rives et plaines inondables, les plans fournis par les municipalités peuvent servir d’indice afin d’identifier leur localisation; toutefois, ils ne sont pas nécessairement concluants et l’entrepreneur prudent saura consulter un expert.  De plus, une certaine cartographie des milieux humides réalisée notamment à partir de photographies aériennes est disponible; toutefois, encore une fois, celle-ci peut servir d’indice pour localiser un milieu humide, mais n’offre aucune certitude quant à la présence ou à l’absence de milieux humides.

Conséquemment, seule une caractérisation du terrain réalisée par un expert et visant à identifier la présence de milieux humides peut permettre de confirmer la présence de milieux humides et leur emplacement, ce qui présente un fardeau très lourd. Toutefois, les conséquences reliées à la réalisation de travaux non autorisés en milieux humides peuvent être encore plus lourdes.

Les sanctions potentielles

Une personne qui réalise des travaux dans un milieu humide ou hydrique sans avoir préalablement obtenu un certificat d’autorisation du MDDELCC s’expose à une sanction administrative pécuniaire d’un montant de 5?000 $. Si le MDDELCC procède plutôt par le biais d’une poursuite pénale, les amendes pour un tel manquement à la LQE sont de 15?000 $ à 3?000?000 $ pour les entreprises.

Enfin, il est à noter qu’en plus des amendes mentionnées précédemment, le MDDELCC peut ordonner la démolition des travaux réalisés en contravention à la LQE et de remettre les lieux en état et de mettre en œuvre des mesures compensatoires.

Que faire en présence de milieux humides et hydriques ?

En présence de milieux humides et hydriques, tel que mentionné précédemment, un certificat d’autorisation du MDDELCC doit être obtenu, et ce, préalablement à la réalisation de tous travaux ou ouvrages dans de tels milieux.

Une telle demande de certificat d’autorisation devra être accompagnée, à compter du 23 mars 2018, 1) d’une étude de caractérisation des milieux humides et hydriques affectés répondant aux caractéristiques énumérées à l’article 46.0.3 de la LQE, 2) d’une démonstration qu’il n’y a pas, pour les fins du projet, d’espace disponible ailleurs sur le territoire de la municipalité régionale de comté ou que la nature du projet nécessite qu’il soit réalisé dans ces milieux et 3) des impacts du projet sur les milieux visés ainsi que des mesures proposées en vue de les minimiser.

Enfin, la délivrance d’une telle autorisation est subordonnée au paiement d’une contribution financière pour compenser l’atteinte aux milieux visés dans le cas où certaines activités sont réalisées, notamment des travaux de drainage et de canalisation, des travaux de remblai et de déblai, des travaux d’aménagement du sol, notamment ceux nécessitant du décapage, de l’excavation, du terrassement ou la destruction du couvert végétal et de toute autre activité visée par règlement du gouvernement. Un tel règlement n’a pas encore été adopté.

En ce qui concerne le montant de la contribution financière, celui-ci sera établi dans un futur règlement. Cependant, de manière transitoire, la LCMHH prévoit une méthode de calcul de la contribution financière laquelle tient compte de la localisation du milieu humide ou hydrique affecté, de la superficie de la portion du milieu humide ou hydrique affectée par l’activité et de la valeur du terrain selon l’évaluation municipale. Selon ce calcul, le montant de la contribution financière pour compensation peut être exorbitant et s’élever à quatre fois la valeur de la superficie affectée par les activités La présence de milieux humides et hydriques devient ainsi un facteur important à considérer lors du choix de l’emplacement d’un projet de construction.

Le futur règlement relatif aux milieux humides et hydriques apportera possiblement un certain éclairage relativement aux enjeux soulevés ci-dessus. Il demeure toutefois que toute personne entreprenant des travaux de construction doit porter une attention particulière au milieu dans lequel elle réalise des travaux, et advenant la présence de milieux humides et hydriques, de clairement déterminer à qui incombe, contractuellement, la responsabilité d’obtenir l’autorisation du MDDELCC et d’assumer le coût de la contribution financière.

Cet article est paru dans l’édition du 18 janvier 2018 du journal Constructo.