Le secteur des infrastructures publiques au Québec a été récemment confronté à de nombreux enjeux notamment, la baisse d’intérêt d’acteurs de l’industrie envers les méthodes traditionnelles d’adjudication des contrats. Celle-ci s’explique non seulement par les risques inhérents de ces méthodes auxquels sont confrontés les acteurs de l’industrie, mais également par les  effets de l’inflation et de l’approvisionnement sur le marché, qui ont rendu la soumission d’offres compétitives plus difficile. Ainsi, les acteurs de l’industrie réclamaient, de plus en plus, une nouvelle approche collaborative, davantage adaptée aux réalités de l’industrie.

En réponse à ces enjeux, le ministre responsable des Infrastructures, Jonatan Julien, a présenté le 9 mai 2024 à l’Assemblée nationale du Québec, le projet de loi no 62 intitulé « Loi visant principalement à diversifier les stratégies d’acquisition des organismes publics et à leur offrir davantage d’agilité dans la réalisation de leurs projets d’infrastructures » (le « Projet de loi »), lequel a été sanctionné le 9 octobre dernier[1]. L’adoption de ce Projet de loi confirme la volonté du gouvernement de répondre aux enjeux du secteur des infrastructures publiques en offrant une méthode alternative d’adjudication de contrats et par le fait même, soutenir une modernisation de la gestion de projets d’infrastructures publiques d’envergure.

Une des modifications législatives majeures mises de l’avant par le Projet de loi consiste à remplacer les contrats de « partenariat public-privé », ou contrats PPP, désignés dans la Loi sur les contrats des organismes publics (la « LCOP »), par les contrats « de partenariat ». Ceux-ci sont définis comme étant des contrats au terme desquels un organisme public retient un contractant privé afin de lui confier divers aspects d’un projet d’infrastructure notamment, la conception, la réalisation, le financement, l’entretien et, dans certains cas, l’exploitation de l’infrastructure. Ces contrats sont marqués par une approche dite collaborative qui encourage la tenue d’ateliers bilatéraux en présence d’un vérificateur de processus, un partage des ressources et des informations ainsi qu’une répartition consensuelle des risques, des économies générées et des gains ou des pertes enregistrés pendant la durée du contrat. Les contrats de partenariat peuvent être conclus avec tout organisme public tant que le ministre responsable l’autorise. Le Projet de loi assimile également à des contrats de partenariat les contrats mixtes, lesquels combinent travaux de construction et services professionnels. Cela signifie que, pour certains projets d’infrastructure, un seul et même contractant pourrait être responsable, à la fois de la conception et de la réalisation de l’ouvrage. Le Conseil du trésor pourra par ailleurs ajouter, à sa discrétion, d’autres types de contrats qui pourront utiliser ce modèle par voie de règlement.

Ces modifications signalent que les organismes publics pourront travailler en plus étroite collaboration avec des soumissionnaires à chaque étape du processus d’adjudication d’un contrat public, y compris au terme de ce processus. Les soumissionnaires seront même invités à impliquer un sous-traitant dont l’expertise et les connaissances favorisent l’atteinte des objectifs du projet. De plus, alors qu’un organisme public ne pouvait déroger à la LCOP sans octroyer des responsabilités additionnelles au partenaire privé, le Projet de loi permet maintenant à l’organisme public d’attribuer ces autres responsabilités à sa discrétion, offrant ainsi une plus grande flexibilité de partenariat. Autrement, le Projet de loi élargit la définition de contrats mixtes qui était auparavant plus restreinte dans les contrats PPP. Il impose également l’inclusion dans le contrat de partenariat, d’une obligation pour l’adjudicataire de transmettre à l’organisme public tout renseignement et tout document demandé en lien avec le contrat : une obligation destinée au contrôle des fonds publics par le vérificateur général.

En plus de proposer une nouvelle approche collaborative au processus d’adjudication de contrats publics, le Projet de loi atténue l’exigence pour un organisme public de publier un avis d’intention d’octroyer un contrat de gré à gré au système électronique d’appel d’offres (SEAO) : exigence prévue à la LCOP. En effet, lorsqu’un appel d’offres s’avère infructueux et sous certaines conditions, il ne sera plus nécessaire pour l’organisme public responsable de l’appel d’offres de publier un avis d’intention d’octroyer un contrat de gré à gré, et ce, préalablement à la conclusion du contrat. Ce relâchement vise à accélérer la conclusion de contrats en cas d’absence de soumissions conformes, tout en garantissant que le contractant retenu respecte les exigences initialement prévues à l’appel d’offres.

À la lumière de ces évolutions législatives, le gouvernement cherche à moderniser et à accélérer les processus d’acquisition dans le cadre de projets d’infrastructure publique en offrant davantage de souplesse aux organismes publics, tout en favorisant la collaboration avec les partenaires privés. Étant donnée la sanction très récente du projet de loi par l’Assemblée nationale, il faudra suivre l’interprétation de ces nouvelles dispositions par les acteurs de l’industrie et par les tribunaux.


[1] Au moment de rédiger cet article, le texte de loi n’était pas encore disponible.