L’exécution de projets de construction comporte son lot d’aléas. Lorsque les désaccords entre les parties deviennent trop importants, plusieurs se demandent s’il est possible de mettre un terme à un contrat au cours ou même avant le début de son exécution.

Dans un secteur aussi complexe que la construction, mettre fin à un contrat en cours est une décision qui peut changer la donne pour toutes les parties impliquées et engendrer d’importantes répercussions financières, juridiques et opérationnelles.

Que vous agissiez comme Client[1] ou Entrepreneur[2], il est essentiel de connaître vos droits et obligations pour gérer ces situations efficacement et prendre la meilleure décision.

Les types de résiliations possibles

Lorsqu’il s’agit de résilier un contrat de construction, deux avenues principales s’offrent aux Clients et aux Entrepreneurs impliqués dans un projet:

  • Le régime général de la résiliation-sanction.
  • Le régime particulier de résiliation pour les contrats d’entreprise ou de services.
    • La résiliation unilatérale par le Client.
    • La résiliation pour motif sérieux par l’Entrepreneur.

1. La résiliation-sanction

Dans le cas de la résiliation-sanction, le Client ou l’Entrepreneur peut résilier le contrat si l’autre partie est en défaut de respecter ses obligations contractuelles. La partie qui résilie le contrat aura le droit d’être indemnisée du préjudice qu’elle subit du fait de l’inexécution contractuelle. L’indemnisation se fait alors selon les règles usuelles de la responsabilité civile.

  • Avantages :
    • Mesure utile en cas de manquements graves, comme des retards injustifiés, un travail de qualité inférieure, une immixtion importante dans les travaux ou l’absence injustifiée de paiement.
  • Conditions :
    • Le manquement doit être substantiel et injustifié.
    • Une mise en demeure doit être envoyée avant la résiliation, sauf exception.
  • Conséquences :
    • La partie fautive peut être tenue de payer des dommages-intérêts.
    • Le Client peut réclamer les coûts additionnels pour faire achever les travaux par un autre entrepreneur.

2. Le régime particulier de résiliation pour les contrats d’entreprise ou de services

2.1. La résiliation sans cause (unilatérale) par le Client

Dans le cas de la résiliation unilatérale, le Client peut mettre fin au contrat en exerçant la faculté de résiliation prévue à l’article 2125 du Code civil du Québec. Ce type de résiliation est indépendant de toute idée de faute de la part de l’Entrepreneur.

  • Conditions :
    • Le Client est tenu d’indemniser l’Entrepreneur pour les travaux déjà exécutés et les frais engagés pour les matériaux et la main d’œuvre.
    • L’Entrepreneur n’aura droit à aucun dédommagement pour le profit futur sur les travaux non exécutés.
    • Le Client peut obtenir le remboursement des avances payées au-delà de l’avancement du chantier.
  • Conséquences :
    • Le Client est tenu d’indemniser l’Entrepreneur pour les travaux déjà exécutés et les frais engagés pour les matériaux et la main d’œuvre.
    • L’Entrepreneur n’aura droit à aucun dédommagement pour le profit futur sur les travaux non exécutés.
    • Le Client peut obtenir le remboursement des avances payées au-delà de l’avancement du chantier.

Points clés pour le Client

Il est important de noter que les régimes de résiliation-sanction et de résiliation unilatérale ne sont pas complémentaires et que le Client qui résilie un contrat doit choisir l’une des deux options.
 
Ce choix doit se faire au moment de transmettre l’avis de résiliation. Le Client ne peut donc transmettre un avis de résiliation par lequel il invoque la résiliation-sanction et plaider la résiliation unilatérale dans le cadre des procédures.
 
Attention : En cas d’ambiguïté sur le type de résiliation, les tribunaux appliqueront par défaut les règles de la résiliation-sanction. Une communication claire est donc essentielle.

2.2. La résiliation pour motif sérieux par l’Entrepreneur

En matière de contrats d’entreprise et de services, l’article 2126 du Code civil du Québec permet à un Entrepreneur de résilier son contrat, si celui-ci dispose d’un « motif sérieux » justifiant sa décision et si la résiliation n’est pas faite à contretemps.

  • Conditions:
    • L’Entrepreneur doit avoir un « motif sérieux ».
    • La résiliation ne peut pas se faire « à contretemps ».
  • Conséquences :
    • L’Entrepreneur aura droit d’être compensé pour les travaux déjà exécutés et les frais engagés pour les matériaux et la main-d’œuvre.
    • L’Entrepreneur devra rembourser au Client les avances payées au-delà de l’avancement du chantier.
    • L’Entrepreneur n’aura droit à aucun dédommagement pour le profit futur sur les travaux non exécutés.

Par exemple:

  • Conditions imprévues rendant l’exécution impossible.
  • Non-paiement répété par le client, sans justification.
  • Immixtion importante de la part du Client.

Prudence : Même si l’Entrepreneur dispose d’un motif sérieux, la résiliation ne doit pas être effectuée « à contretemps ». Si l’entrepreneur met fin au contrat à un moment inopportun, causant des préjudices à son Client, il pourrait être tenu responsable de dommages.

3. Recommandations pratiques

Que vous agissiez comme Client ou Entrepreneur, voici quelques bonnes pratiques à adopter pour éviter les litiges et protéger vos intérêts :

  1. Examiner les clauses contractuelles :
    Vérifiez les termes précis concernant la résiliation, y compris les délais, la procédure de résiliation et la compensation applicable.
  2. Documenter les manquements :
    Tenez un registre précis des incidents, des retards ou des défauts pour justifier une résiliation‑sanction ou une résiliation pour « motif sérieux ».
  3. Respecter les procédures :
    En cas de manquement, envoyez une mise en demeure claire et bien documentée. Assurez‑vous également de transmettre un avis de résiliation.
  4. Choisir le bon moment :
    Évitez de résilier un contrat à un moment qui pourrait exacerber les pertes ou les retards.
  5. Consulter un avocat spécialisé :
    Un expert en droit de la construction peut vous aider à naviguer les subtilités juridiques et contractuelles.

Conclusion

La résiliation d’un contrat de construction est un processus délicat. Si vous envisagez cette option, consultez un avocat spécialisé pour obtenir des conseils adaptés à votre situation. En ce qui concerne les risques juridiques et financiers, mieux vaut prévenir que guérir.
 
Avant de prendre une telle décision, il est crucial de comprendre les règles qui s’y appliquent, de respecter les procédures et d’assurer une communication claire de votre choix de résiliation. e s’assurer que votre choix de résiliation est clairement communiqué. En cas de doute, l’avis d’un avocat spécialisé est indispensable pour protéger vos droits et minimiser les risques.
 
Besoin d’aide? Nos avocats en droit de la construction peuvent vous accompagner pour analyser votre situation et vous guider dans cette décision stratégique. N’hésitez pas à communiquer avec nous.


[1] Pour les fins du présent texte, la désignation « Client » fait référence à toute personne qui octroie un contrat et paye pour son exécution, par exemple, le donneur d’ouvrage vis-à-vis l’entrepreneur général ou l’entrepreneur général vis-à-vis un sous-traitant.
[2] Pour les fins du présent texte, la désignation « Entrepreneur » fait référence à toute personne qui reçoit et qui exécute un contrat, par exemple, l’entrepreneur général vis-à-vis du donneur d’ouvrage ou le sous-traitant vis-à-vis l’entrepreneur général.