En 2022, à la suite du Projet pilote visant à faciliter le paiement aux entreprises parties à des contrats publics de travaux de construction ainsi qu’aux sous-contrats publics qui y sont liés, (2018) 150 G.O. II, 5063 (le projet pilote), la Loi visant principalement à promouvoir l’achat québécois et responsable par les organismes publics, à renforcer le régime d’intégrité des entreprises et à accroître les pouvoirs de l’Autorité des marchés a été adoptée (le projet de loi no 12). Essentiellement, elle modifie la Loi sur les contrats des organismes publics dans le but d’assurer la rapidité des paiements aux entrepreneurs parties aux contrats publics et du règlement des différends. Cependant, les modalités du régime de paiement rapide et du processus de règlement des différends doivent être déterminées par règlement.

C’est ainsi que le 3 juillet 2024, le projet de règlement visant à encadrer les modalités de paiement des entrepreneurs ainsi que le processus de règlement des différends a été déposé (le projet de règlement) et voici certains éléments à retenir.

Le mécanisme de demande de paiement

Visant à déterminer les règles applicables au paiement des sommes d’argent réclamées par les entreprises parties à des contrats publics de construction, le Projet de règlement touche plusieurs segments :

  • L’entrepreneur et les sous-traitants doivent transmettre respectivement leurs demandes de paiement le 1er et le 25ejour de chaque mois.
  • Les demandes doivent contenir des informations précises, comme les coordonnées de l’entrepreneur et une description détaillée des travaux réalisés. De plus, si un organisme public peut effectuer une retenue pour garantir le paiement d’un sous-traitant, l’entrepreneur doit inclure dans sa demande de paiement le pourcentage du montant réclamé représentant la créance du sous-traitant et le nom de ce dernier.
  • Seuls les documents essentiels à l’appréciation de la demande de paiement peuvent être exigés, sous peine d’invalidité de la clause contractuelle qui en réclamerait davantage.
  • Pour refuser une demande de paiement, un organisme public dispose de 21 jours suivant sa réception et l’entrepreneur, de 7 jours. Le refus doit être formalisé par un avis écrit comprenant des explications détaillées.

Délais de paiement, retenues et obligations

Les délais de paiement à la suite de la réception de la demande de paiement varient selon le palier dans la chaîne contractuelle : les organismes publics doivent payer à la fin du mois; l’entrepreneur et les sous-traitants, respectivement au 5e et au 10e jour du deuxième mois.

Si un débiteur ne transmet pas un avis de refus de paiement dans les délais prévus, il est tenu de payer la demande valide. Même si un entrepreneur n’a pas transmis une demande de paiement à son propre débiteur, il se doit de payer ses sous-traitants s’ils ont transmis une demande de paiement valide.

L’entrepreneur peut déduire des paiements aux sous-traitants l’équivalent des travaux visés par un avis de refus, sous réserve de certaines conditions. Par ailleurs, des retenues peuvent être appliquées, par exemple pour garantir l’exécution du contrat (limitée à 10 %) ou couvrir des vices et malfaçons. Les pénalités peuvent aussi être déduites du paiement si elles sont prévues au contrat.

Le processus de règlement des différends

Le projet de règlement prévoit en outre un processus de règlement rapide des différends par un tiers décideur, sur des questions comme la validité des demandes de paiement ou des retenues et déductions, les refus de paiement ou encore les modifications de contrat. Cependant, les différends supérieurs à 500 000 $ et ceux relatifs à des dommages pour, par exemple, perte de profits ou de productivité sont exclus.

Une demande d’intervention doit être soumise dans un délai de 90 jours suivant la date la plus rapprochée entre la naissance du différend ou la fin des travaux. Elle doit détailler la nature du différend, les motifs invoqués et les conclusions recherchées et proposer le nom de trois décideurs. Le cocontractant dispose de 5 jours pour y répondre et désigner un tiers décideur. Si un désaccord persiste sur le choix du décideur, un tirage au sort sera effectué.

L’intervention est principalement orale, mais les témoignages doivent être présentés par déclaration écrite, sauf si le tiers décideur se prononce autrement. L’assistance d’un avocat est autorisée, mais celui-ci ne peut faire de représentations. Si une partie ne participe pas à l’intervention, elle est considérée comme s’étant désistée, permettant à l’autre de demander la continuation. Le tiers décideur rend sa décision dans un délai de 50 jours, avec possibilité d’une prolongation de 15 jours, et la partie tenue de payer dispose de 20 jours pour s’exécuter. Les discussions sont confidentielles, mais la décision peut être utilisée comme preuve en cas de recours, et les frais sont partagés, sauf en cas de comportement abusif.

Des dispositions inspirées par le projet pilote

En conclusion, les personnes familières avec le projet pilote constateront que ses dispositions ont visiblement inspiré le projet de Règlement sur les paiements et le règlement rapide des différends en matière de travaux de construction. Certaines rectifications semblent toutefois avoir été apportées à la lumière du Rapport sur la mise en œuvre d’un projet pilote sur les délais de paiement dans l’industrie de la construction, publié en mars 2022 par le Secrétariat du Conseil du trésor, comme l’obligation pour le débiteur de détailler les motifs justifiant un avis de refus d’une demande de paiement, la possibilité de réunir plusieurs objets de différends lors d’une même demande d’intervention ou l’exclusion des réclamations pour retard, perte de productivité ou frais indirects du processus de règlement rapide des différends.

Par contre, contrairement au projet pilote, le projet de règlement n’oblige pas l’entrepreneur ou le sous-traitant à effectuer une demande d’intervention avant de publier une hypothèque légale.

Il reste maintenant à savoir si des modifications seront appliquées au projet de règlement avant son adoption, le cas échéant.