Le 9 août 2022, le ministère des Finances a publié des propositions législatives relatives à la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») et à d’autres textes fiscaux à des fins de rétroaction publique (les « propositions du mois d’août »). Les propositions du mois d’août visent à mettre en œuvre certaines mesures annoncées dans le budget fédéral de 2022 déposé à la Chambre des communes le 7 avril 2022 (le « budget »), ainsi que d’autres amendements techniques annoncés avant cette date.
L’équipe de droit fiscal de Miller Thomson a examiné les propositions du mois d’août. Dans le présent communiqué, nous avons présenté les principales mesures en matière d’impôt sur le revenu et de déclaration obligatoire, qui sont pertinentes pour nos groupes de pratique et nos clients dans tout le Canada. Nous continuerons à suivre l’évolution de certaines mesures et, comme toujours, nous serons heureux de recueillir vos questions, vos commentaires et votre point de vue.
Modifications concernant les règles relatives aux SPCC en substance
Nous avons déjà abordé le sujet des règles relatives aux sociétés privées sous contrôle canadien (« SPCC ») en substance dans notre analyse du budget, dans notre article sur les opérations effectuées par une société non résidente ou publique concernant des actions et dans notre article sur la planification post-budgétaire. Les propositions du mois d’août contiennent des propositions législatives plus complètes visant à mettre en œuvre le régime des SPCC en substance proposé dans le budget. Si elles sont adoptées telles que proposées, les règles entreront en vigueur pour les années d’imposition prenant fin le 7 avril 2022 ou après cette date, à quelques exceptions près. Les principaux éléments des propositions législatives sont l’intégration des SPCC en substance dans la Loi et une disposition anti-évitement pour traiter la planification entourant le statut de SPCC en substance. Les propositions du mois d’août comprennent également des mesures visant à remédier à certaines impositions différées dont bénéficiaient les SPCC ayant des sociétés étrangères affiliées. Pour tout complément d’information et tout commentaire, veuillez consulter notre publication sur les modifications apportées aux règles relatives aux SPCC en substance.
Modifications concernant les propositions de règles de divulgation obligatoire
Les propositions du mois d’août comprennent les révisions apportées aux propositions législatives publiées en février 2022 (les « propositions du mois de février »), qui proposent d’apporter des modifications aux règles relatives aux opérations à déclarer prévues à l’article 237.3 de la Loi et prévoient des règles relatives aux opérations à signaler dans le nouvel article 237.4 de la Loi. Notre rapport antérieur sur les propositions du mois de février contient un résumé détaillé de ces amendements. Le présent article ne porte que sur les modifications visées par les propositions du mois d’août.
Il est important de noter que les propositions du mois d’août reportent généralement la date prévue d’entrée en vigueur du nouveau régime de divulgation obligatoire à 2023.
Règles relatives aux opérations à déclarer
Les modifications les plus importantes contenues dans les propositions du mois d’août sont celles apportées aux marqueurs « protection confidentielle » et « protection contractuelle ».
En ce qui concerne le marqueur « protection confidentielle », les propositions du mois d’août en réduisent l’étendue grâce à l’ajout d’une exigence selon laquelle la protection confidentielle doit assurer la confidentialité à l’égard d’un traitement fiscal lié à l’opération d’évitement ou à la série.
En ce qui concerne le marqueur « protection contractuelle », conformément aux modifications apportées par les propositions du mois de février, certaines formes d’assurance, de protection ou d’engagement qui sont offertes à une vaste catégorie de personnes et qui s’appliquent dans un contexte commercial ou d’investissement normal étaient exclues de la définition. Les propositions du mois d’août élargissent l’exclusion en retirant l’exigence selon laquelle la forme d’assurance, de protection ou d’engagement doit être offerte à une vaste catégorie de personnes, mais ajoutent également que la forme d’assurance, de protection ou d’engagement ne peut offrir une protection contractuelle pour un traitement fiscal relatif à l’opération d’évitement.
Dans les propositions du mois de février, lorsqu’une déclaration de renseignements relative à une opération à déclarer n’était pas déposée à temps, la période normale de (re)cotisation faisait l’objet d’une suspension jusqu’à trois ans après le dépôt de la déclaration de renseignements. Les propositions du mois d’août étendent la suspension pour les fiducies de fonds communs de placement et les sociétés qui ne sont pas des SPCC à quatre ans après la date de dépôt de la déclaration de renseignements.
Actuellement, une déclaration de renseignements déposée par une personne à l’égard d’une opération à déclarer respecte l’exigence de toute autre personne qui pourrait être également tenue au dépôt d’une déclaration. Les propositions du mois de février ont retiré cet allègement et, par conséquent, plusieurs parties sont tenues de procéder au dépôt d’une déclaration pour la même opération à déclarer. Les propositions du mois d’août prévoient une exception restreinte à cette exigence en précisant qu’une personne qui n’a fourni que des services administratifs ou de secrétariat en ce qui concerne la planification de l’opération n’est pas tenue de déposer une déclaration de renseignements.
En dernier lieu, les propositions du mois d’août abrogent la définition du « privilège des communications entre client et avocat » au paragraphe 237.3(1) de la Loi. Les contribuables et les conseillers devront plutôt se fier à la signification de ce terme en common law.
Opérations à signaler
Comme pour les propositions du mois d’août concernant les règles relatives aux opérations à déclarer, la période normale de (re)cotisation pour les fiducies de fonds communs de placement et les sociétés qui ne sont pas des SPCC fera l’objet d’une suspension jusqu’à quatre ans (au lieu des trois ans proposés au départ) après le dépôt de la déclaration de renseignements relative à une opération à signaler.
Comme les propositions du mois d’août concernant les règles relatives aux opérations à déclarer, les propositions du mois d’août concernant les opérations à signaler précisent qu’une personne qui ne fournit que des services administratifs ou de secrétariat dans le cadre de la planification ne sera pas tenue de déposer une déclaration de renseignements concernant une opération à signaler en particulier.
Par ailleurs, les propositions du mois d’août suggèrent que le dépôt d’une déclaration de renseignements par un employeur ou une société de personnes soit réputé avoir été effectué par chaque employé de l’employeur, ou chaque associé de la société de personnes. De plus, les banques, les compagnies d’assurances et les coopératives de crédit ne seront généralement pas tenues de faire une déclaration, à moins qu’elles n’aient connaissance (ou qu’elles soient vraisemblablement tenues d’avoir connaissance n’eût été de circonstances équivalant à une négligence grave) du fait que l’opération en particulier est une opération à signaler.
Retenues à la source
En vertu de l’alinéa 212(13.1)a) de la Loi, une société de personnes est réputée être une personne résidant au Canada à l’égard des paiements qu’elle fait à des non-résidents lorsque ces paiements sont déductibles dans le calcul du revenu de la société de personnes provenant de sources canadiennes (sous réserve de toute exception ou de tout traité ayant pertinence). Cette règle a pour objectif de faire en sorte que la retenue d’impôt prévue à la partie XIII de la Loi s’applique à ces paiements. Les propositions du mois d’août dirigent la question de la vérification de la société de personnes aux associés de la société de personnes grâce à la modification de l’alinéa 212(13.1)a) de la Loi pour qu’une société de personnes soit réputée être un résident du Canada à l’égard de la partie des paiements effectués par la société de personnes à un non-résident qui est déductible dans le calcul de la part du revenu de la société de personnes versé à un associé (plutôt que du revenu de la société de personnes aux termes des règles actuelles) dans la mesure où la part de l’associé est imposable en vertu de la partie I de la Loi. La date d’entrée en vigueur n’est pas fixée pour l’application de ces nouvelles règles, mais les propositions du mois d’août indiquent que l’entrée en vigueur aura lieu au plus tôt après la fin de la période de consultation, soit le 30 septembre 2022.
Les propositions du mois d’août modifient également le paragraphe 212(13.2), qui vise à élargir l’application potentielle de la retenue d’impôt en vertu de la partie XIII de la Loi de deux façons. Premièrement, elle s’appliquera également lorsqu’une personne non résidente verse ou crédite un montant à une société de personnes (autre qu’une société de personnes canadienne). Deuxièmement, elle s’appliquera désormais lorsqu’un non-résident a exercé un choix en vertu de l’article 216 de la Loi. En règle générale, un choix en vertu de l’article 216 de la Loi permet l’imposition en vertu de la partie I de la Loi, comme si un non-résident était résident du Canada, sur une base nette plutôt que brute, et lorsqu’un non-résident perçoit un revenu de loyer ou des redevances forestières de source canadienne. En général, l’actuel paragraphe 212(13.2) s’applique aux paiements effectués par un non-résident du Canada à un autre non-résident du Canada dans la mesure où le paiement est déductible dans le calcul du revenu imposable que la personne qui effectue le paiement a gagné au Canada. Dans de telles circonstances, la personne qui effectue le paiement est réputée être résidente du Canada et le paiement est donc potentiellement assujetti à la retenue d’impôt en vertu de la partie XIII de la Loi. Lorsqu’un choix en vertu de l’article 216 est déposé par une personne qui effectue le paiement non résidente, les amendements proposés visent à étendre l’application de la retenue d’impôt de la partie XIII aux paiements effectués à des non-résidents par la personne qui effectue le paiement lorsque ces paiements peuvent être déduits dans le calcul de l’impôt sur le revenu de la personne qui effectue le paiement en vertu de la Loi. Ces amendements proposés s’appliquent aux montants payés ou crédités après 2022.
Modifications concernant les sociétés étrangères affiliées
Les amendements proposés par le ministère des Finances à la Loi et au Règlement de l’impôt sur le revenu contiennent un certain nombre de changements aux règles concernant les sociétés étrangères affiliées. Pour tout complément d’information et tout commentaire, consultez notre publication sur les amendements proposés aux règles concernant les sociétés étrangères affiliées.
Modifications concernant les sociétés de personnes
Les propositions détaillées du mois d’août contiennent également certains amendements techniques, notamment un portant sur la liquidation des sociétés de personnes. En général, une société de personnes peut être liquidée avec imposition différée en vertu du paragraphe 98(3) ou du paragraphe 98(5) de la Loi sous réserve du respect de certaines conditions précisées dans ces dispositions. Le paragraphe 98(3) permet une liquidation à imposition différée lors d’une distribution proportionnelle de l’actif et du passif à chaque associé de la société de personne au moment de la dissolution de celle-ci, tandis que le paragraphe 98(5) permet une liquidation à imposition différée lorsque les activités de la société sont exercées après la liquidation par un associé en tant que propriétaire unique.
La liquidation à imposition différée d’une société de personnes est renforcée par des règles supplémentaires qui établissent certaines des conséquences fiscales lors d’une liquidation. Les alinéas 98(3)b) et 98(5)b) permettent une augmentation du prix de base (c.-à-d. une majoration) des biens en immobilisation non amortissables si le prix de base de la participation de l’associé dans la société de personnes est supérieur au total des sommes distribuées à l’associé lors de la liquidation et du coût indiqué des biens de la société de personnes que l’associé obtient à la suite de la liquidation. Cette majoration est conçue pour faciliter l’augmentation de la base des biens de la société de personnes (biens en immobilisation non amortissables) alloués à l’associé lorsque la base de l’associé dans sa participation dans la société de personnes est plus élevée.
L’alinéa 98(3)c) contient certaines restrictions sur la majoration autorisée par l’alinéa 98(3)b). Plus précisément, le montant de la majoration ne peut être supérieur au gain non réalisé sur le bien en question ou à la différence entre le prix de base de la participation dans la société de personnes et le prix de base de la part du bien de la société de personnes reçue par l’associé, plus toute somme reçue lors de la liquidation. Des règles similaires sont également prévues à l’alinéa 98(5)c) aux fins de la liquidation à imposition différée en vertu du paragraphe 98(5).
Les propositions du mois d’août contiennent une nouvelle restriction applicable à la liquidation d’une société de personnes de palier inférieur dans une structure de société de personnes à paliers. La nouvelle règle s’applique à la majoration du gain non réalisé disponible en vertu des sous-alinéas 98(3)c)(i) ou 98(5)c)(i) (le bien en question dans une société de personnes à paliers est la participation dans la société de personnes de palier inférieur qui est dissoute). Elle restreint cette majoration en limitant la juste valeur marchande de la participation dans la société de personnes de palier inférieur en ne tenant pas compte de l’augmentation de la valeur de tout bien qui ne serait pas admissible à la majoration si ce bien devait être distribué directement lors d’une liquidation (c’est-à-dire si la structure de société de personnes à paliers n’existait pas).
La modification proposée aux règles de liquidation d’une société de personnes vise à arrimer ces règles à certains aspects des règles de majoration enclenchées lors de la liquidation d’une société affiliée de la société.
Prêts aux actionnaires
En général, le paragraphe 15(2) de la Loi exige qu’une personne (autre qu’une société résidant au Canada) ou une société de personnes, qui est actionnaire d’une société et qui a reçu un prêt de la société (ou d’une société liée ou d’une société de personnes dont la société est membre), inclue le montant de ce prêt dans le revenu de l’actionnaire pour l’année où le prêt a été consenti. La règle énoncée au paragraphe 15(2) est assujettie à certaines exceptions énoncées dans la Loi, notamment l’actuel paragraphe 15(2.3) qui prévoit que le paragraphe (2) ne s’applique pas à une dette contractée dans le cours normal des activités de l’entreprise du créancier ni à un prêt consenti dans le cours normal des activités habituelles de l’entreprise du prêteur consistant à prêter de l’argent, pourvu que les parties aient pris de bonne foi des dispositions de remboursement à la date de la dette ou du prêt.
Le nouveau paragraphe 15(2.3) exclura de cette exception toute activité de prêt de sommes dont moins de 90 % de l’encours total des prêts de l’entreprise constitue une dette pour des emprunteurs qui sont sans lien de dépendance avec le prêteur.
Pour les prêts consentis après 2022, ou pour les prêts consentis avant 2022 qui demeurent impayés au 1er janvier 2023, cela signifie que l’exception relative aux « activités habituelles de prêt » ne s’appliquera pas si plus de 10 % des prêts consentis par le créancier sont accordés à des parties ayant un lien de dépendance. Ceci permet essentiellement d’empêcher que les prêteurs « captifs » au sein d’un groupe de sociétés se prévalent de l’exception prévue au paragraphe 15(2.3) de la Loi.
Les propositions du mois d’août suggèrent également d’ajouter le nouveau paragraphe 15(2.31), qui fournit des règles d’interprétation pour déterminer l’application du paragraphe 15(2.3) lorsque l’une des parties est une société de personnes. Le nouvel alinéa 15(2.31)a) constitue une règle de transparence concernant les sociétés de personnes. Un associé d’une société de personnes qui est associé d’une autre société de personnes sera réputé être un associé de la société de personnes de palier inférieur. Le nouvel alinéa 15(2.31)b) précise les circonstances dans lesquelles un prêteur et un créancier sont considérés sans lien de dépendance pour l’application du paragraphe 15(2.3) et prévoit que, lorsque le prêteur ou l’emprunteur est une société de personnes, chaque associé de la société de personnes doit être sans lien de dépendance avec l’autre partie et, lorsque les deux parties sont des sociétés de personnes, chaque associé de la société de personnes emprunteuse doit être sans lien de dépendance avec chaque associé de la société de personnes prêteuse.