Les certificats d’assurance désignent souvent le prêteur garanti du débiteur comme « assuré supplémentaire » ou « bénéficiaire » de la police, sans préciser qu’il est un « créancier hypothécaire » profitant d’une « clause type relative aux garanties hypothécaires ». Ces mots-clés sont pourtant essentiels pour protéger le prêteur contre la perte ou l’endommagement du bien donné en garantie de son prêt, quelles que soient les actions ou les omissions du débiteur.
La Cour d’appel de l’Alberta a récemment réitéré l’importance d’indiquer expressément dans la police d’assurance que le prêteur est un créancier hypothécaire afin qu’il soit protégé par la clause type relative aux garanties hypothécaires. Cela fait des décennies que les prêteurs sont couramment ajoutés aux polices d’assurance, depuis que la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Caisse populaire des deux Rives c. Société mutuelle d’assurance contre l’incendie de la Vallée du Richelieu, [1990] 2 R.C.S. 995, a conclu que leur inclusion crée entre l’assureur et le prêteur/créancier hypothécaire un contrat distinct de celui qui intervient entre l’assuré et l’assureur. La clause type relative aux garanties hypothécaires fait en sorte que le contrat assureur-prêteur demeure valide même si un acte, une omission ou une fausse déclaration de l’assuré entraîne la nullité de la police.
La décision récente Builders Capital (2014) Ltd c. Aviva Insurance Company of Canada, [2022] ABCA 120, concerne un prêt consenti par les appelantes à deux débiteurs/assurés pour la construction d’une propriété résidentielle. Ces derniers ont obtenu auprès de l’assureur intimé une police d’assurance des propriétaires occupants couvrant les dommages matériels et prévoyant une clause type relative aux garanties hypothécaires, mais ne désignant pas les prêteurs comme assurés supplémentaires, bénéficiaires ou créanciers hypothécaires. La Banque Royale du Canada était désignée comme créancière hypothécaire, une information inexacte fournie à l’assureur avant l’émission de la police. L’assureur a rejeté une demande visant l’ajout d’un des prêteurs comme créancier hypothécaire de deuxième rang au motif qu’il ne souscrivait pas de polices avec cette entité en particulier.
Après qu’un incendie a endommagé la propriété assurée, l’assureur a jugé la police inopérante en raison de fausses déclarations dans la demande d’assurance présentée par les assurés. Les prêteurs estiment que la clause type relative aux garanties hypothécaires leur confère une protection. Dans la décision de première instance, confirmée en appel, on conclut que cette clause, et donc la protection d’assurance de la police, ne s’applique pas aux prêteurs, même s’ils prétendent être les « véritables » créanciers hypothécaires. Pour qu’elle s’applique, les principes de base des contrats doivent être respectés, c’est-à-dire que l’assureur doit accepter de conclure le contrat distinct avec le prêteur/créancier hypothécaire. Le fait que ce dernier s’attende raisonnablement à être protégé ne suffit pas. En l’espèce, la Cour a déterminé que l’assureur n’avait pas déclaré que les prêteurs étaient assurés et n’avait pas l’intention de les assurer.
Cette décision montre que, pour bien le protéger, il est essentiel de désigner expressément le prêteur garanti comme « bénéficiaire » et « créancier hypothécaire visé par une clause type relative aux garanties hypothécaires » dans une police d’assurance tous risques souscrite pour un bien immeuble. La clause type relative aux garanties hypothécaires n’intervient généralement que lorsqu’il est question de biens immeubles. À notre connaissance, aucune décision n’a été rendue confirmant son applicabilité dans le cas de biens meubles, mais les créanciers hypothécaires ont avantage à exiger qu’elle vise expressément ces biens, ou à obtenir un avenant prévoyant leur droit aux indemnités afin de recevoir une protection similaire.
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