Depuis le mois de mars 2022, la Banque du Canada augmente périodiquement son taux directeur. Sept hausses de taux d’intérêt plus tard, le taux se situe maintenant au niveau stupéfiant de 4,25 %, une augmentation spectaculaire depuis le début de l’année. Pour de nombreux ménages canadiens, cette situation se traduit par une augmentation de leurs remboursements hypothécaires. En effet, les titulaires de prêts hypothécaires à taux variable qui effectuent des remboursements mensuels fixes d’intérêt et de capital ont été les plus touchés par ces augmentations de taux, car de nombreux prêts hypothécaires à taux variable ont atteint le « taux limite » et certains ont même atteint le « seuil de déclenchement ».
À mesure que les taux d’intérêt augmentent au Canada, la part de capital contenue dans le remboursement mensuel fixe d’un prêt hypothécaire à taux variable diminue et la part attribuable aux intérêts augmente. Lorsque le montant total du remboursement fixe ne couvre que les intérêts du prêt, le « taux limite » est activé, ce qui signifie que les remboursements effectués par l’emprunteur ne permettent plus de rembourser le capital. La conséquence directe de cette situation est que le prêt hypothécaire n’est pas remboursé ou qu’il n’est plus remboursé de la manière convenue au moment où le prêt a été accordé. La Banque du Canada rapporte qu’environ 50 % des hypothèques à taux variable avec remboursements mensuels fixes ont activé le taux limite prévu dans le contrat hypothécaire. L’atteinte du taux limite n’entraîne pas obligatoirement une augmentation des remboursements mensuels de l’emprunteur. Toutefois, ce dernier risque d’atteindre le « seuil de déclenchement » si le solde impayé du prêt dépasse le montant de capital (c’est-à-dire le montant initial du prêt hypothécaire). Cette situation peut se présenter lorsque les remboursements fixes ne sont plus suffisants pour couvrir le total des intérêts à payer et que, par conséquent, un montant d’intérêts impayés s’ajoute au montant du capital à rembourser. Lorsqu’un prêt hypothécaire atteint le « seuil de déclenchement », on dit que l’hypothèque est « submergée ». Les établissements de prêt et les emprunteurs hypothécaires doivent résoudre le problème, généralement en ajoutant des paiements forfaitaires ou en augmentant les remboursements mensuels. Ces voies de recours peuvent augmenter le risque de défaut des emprunteurs. Nous avons tous à l’esprit les images d’emprunteurs américains forcés d’abandonner leur maison pendant la crise du crédit de 2008, alors que la valeur marchande de leur maison, dans un marché immobilier en déclin, était inférieure au montant du principal remboursable au titre de leur prêt hypothécaire. Devons-nous nous attendre à ce que de telles situations se reproduisent? Les institutions financières et les emprunteurs hypothécaires canadiens auront-ils à faire face à des situations semblables?
En plus de l’augmentation des taux d’intérêt, le taux d’inflation a connu une hausse marquée, ce qui accroît le risque de défaut de remboursement des prêts hypothécaires. En d’autres termes, l’augmentation du coût de la vie associée à la montée du taux d’inflation, à laquelle s’ajoute l’augmentation des paiements hypothécaires attribuable à l’atteinte des seuils de déclenchement, exerce une pression importante sur la capacité des emprunteurs à respecter leurs engagements. Cette situation nous renvoie les mêmes images que celles de la crise financière de 2008, alors que des institutions financières avaient dû s’empresser d’accorder des prêts à certains propriétaires américains qui présentaient un risque élevé de défaut de paiement. Aux États-Unis, cette situation a eu, entre autres, des effets négatifs sur les titres adossés à des créances hypothécaires (les « TACH »), qui étaient liés au marché immobilier américain, car les nombreux défauts de paiement ont réduit la valeur des TACH ou l’ont détériorée. Les TACH sont des titres adossés à un portefeuille de prêts hypothécaires. Les expériences sur le marché des prêts hypothécaires et les pressions exercées sur les emprunteurs peuvent avoir des répercussions sur le rendement des TACH. Ces titres à revenu fixe tirent leur valeur de la capacité des emprunteurs à rembourser le principal et les intérêts de leur hypothèque. Les TACH sont des investissements adossés à des actifs qui représentent le fait d’avoir regroupé un volume de prêts hypothécaires et de recevoir une part des paiements mensuels de principal et d’intérêts provenant des prêts hypothécaires regroupés. Les TACH permettent également aux institutions financières d’accorder un volume plus important de prêts hypothécaires, car le regroupement et la vente de créances hypothécaires à un groupe diversifié d’investisseurs permettent de libérer immédiatement du capital pour continuer à accorder des prêts à d’autres emprunteurs hypothécaires plutôt que d’attendre des années que les prêts arrivent à échéance.
Si le risque de défaut de paiement des prêts hypothécaires est plus élevé maintenant en raison du taux d’inflation et des récentes hausses des taux d’intérêt au Canada, les titres adossés à des créances hypothécaires au Canada qui font partie des titres hypothécaires émis en vertu de la Loi nationale sur l’habitation (« TH LNH ») bénéficient de garanties de paiement. Au Canada, en l’absence de réformes gouvernementales et en tenant compte uniquement des titres adossés à des créances hypothécaires qui profitent du programme fédéral des TH LNH (c’est-à-dire la majorité du marché canadien des titres adossés à des créances hypothécaires), le marché et la qualité des titres adossés à des créances hypothécaires pourraient ne pas être affectés, car la Société canadienne d’hypothèques et de logement (« SCHL »), une société fédérale, offre une garantie sur ces titres. En effet, dans le but de soutenir la nature à faible risque des titres adossés à des créances hypothécaires, les prêts hypothécaires qui composent les titres adossés à des créances hypothécaires et qui sont admissibles au programme des TH LNH sont assurés par la SCHL, ce qui signifie que même en cas de défaut de remboursement, les établissements de prêt (ou, plus précisément, les émetteurs) seront remboursés. Le principal et les intérêts versés sur un titre adossé à des créances hypothécaires au Canada sont également garantis par la SCHL, de sorte que le risque que le principal et les intérêts ne soient pas payés est peu élevé si les prêts sont détenus jusqu’à l’échéance. Grâce aux assurances et aux garanties de la SCHL, un titre adossé à des créances hypothécaires compris dans le programme des TH LNH et couvert par celui-ci ne serait probablement pas touché en cas de défaut de paiement. Bien sûr, l’augmentation des paiements de garantie au titre des TH LNH en défaut par la SCHL (en somme, par le gouvernement fédéral) augmente les coûts et le risque de pertes pour le gouvernement fédéral.
De manière générale, de nombreux prêts hypothécaires ont atteint le seuil de déclenchement en raison de la hausse des taux d’intérêt. Pour remédier à cette situation, les établissements de prêt prennent des mesures pour éviter les défauts de paiement et aider les emprunteurs aux prises avec des montants de remboursement en augmentation. Certaines institutions financières proposent d’apporter des modifications d’urgence à certains prêts afin de permettre aux emprunteurs aux prises avec de graves difficultés financières de prolonger la période d’amortissement jusqu’à un maximum de 40 ans, ce qui entraîne une réduction importante du montant de chaque remboursement. Les répercussions de l’augmentation des versements mensuels sur les ménages canadiens en raison de la hausse des taux d’intérêt feront partie des sujets importants à surveiller en 2023.
Le groupe Financement structuré et titrisation de Miller Thomson continuera à surveiller les répercussions de l’augmentation des coûts hypothécaires sur les antécédents de paiement et les rendements des TACH et sur l’expérience des établissements de prêt et des emprunteurs hypothécaires.