Les dispositions de la Partie I du Code canadien du travail (le « Code ») régissent les relations de travail pour les employeurs assujettis à la réglementation fédérale, notamment le transport routier interprovincial, le transport ferroviaire, l’aviation, la radiodiffusion, le transport maritime, l’énergie nucléaire et les silos à grains.

Le 9 novembre 2023, le gouvernement fédéral a présenté le projet de loi C-58 (Loi modifiant le Code canadien du travail et le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles). S’il est adopté, ce projet de loi apporterait des modifications à la Partie I du Code en instaurant des dispositions « anti-briseurs de grève ». Actuellement, seule la législation des provinces du Québec et de la Colombie-Britannique interdit explicitement le recours à des travailleurs de remplacement.

Le projet de loi C-58 a pour but, entre autres, de restreindre le recours aux travailleurs temporaires de remplacement et d’encourager le maintien des activités jugées nécessaires en période de grève ou de lock-out légal.

INTERDICTIONS RELATIVES AUX TRAVAILLEURS DE REMPLACEMENT ET AUX EMPLOYÉS D’UNE UNITÉ DE NÉGOCIATION

S’il est entériné, le projet de loi C-58 modifierait l’article 94 du Code, qui régit les pratiques déloyales. Cette réforme interdirait explicitement à tout employeur, ou à toute personne agissant en son nom, de solliciter les services des personnes suivantes pour exercer, en totalité ou en partie, des fonctions d’un employé faisant partie de l’unité de négociation en grève ou en lock-out :

  • toute personne occupant un poste de direction ou un poste de confiance, comportant l’accès à des renseignements confidentiels en matière de relations du travail, embauchée après la date à laquelle l’avis de négociation collective a été donné;
  • un entrepreneur autre qu’un entrepreneur dépendant ou l’employé d’un autre employeur;
  • tout employé de l’unité de négociation en grève ou en lock-out.

L’article 94(7) du Code prévoirait une exception dans les cas suivants :

  • L’utilisation des services serait strictement réservée à la gestion de situations présentant ou pouvant raisonnablement présenter une menace imminente ou sérieuse pour la vie, la santé ou la sécurité de toute personne; une menace de destruction ou de graves dommages aux biens ou aux locaux de l’employeur; ou une menace de dommages environnementaux graves touchant les biens ou les locaux de l’employeur; et
  • L’employeur n’est pas en mesure de faire face à la situation autrement qu’en ayant recours aux services des personnes énumérées ci-dessus.

Il importe de souligner que l’employeur ne pourrait se prévaloir de cette exception qu’à des fins de préservation conformément à l’article 94(7) du Code, et non pour entreprendre des activités en violation des interdictions applicables aux travailleurs de remplacement et aux employés énoncées par le Code.

La violation de ces interdictions exposerait les employeurs à des poursuites pénales pouvant entraîner, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une condamnation et une amende maximale de 100 000 $ par jour d’infraction.

Maintien des activités

L’article 87.4(1) du Code prévoit actuellement que pendant une grève ou un lock-out légal, l’employeur, le syndicat et les employés de l’unité de négociation doivent poursuivre leurs activités dans la mesure nécessaire pour prévenir tout danger immédiat et grave pour la sécurité ou la santé du public.

S’il est adopté, le projet de loi C-58 modifierait l’article 87.4 du Code afin :

  • d’encourager les employeurs et les syndicats à conclure plus tôt un accord sur les activités à maintenir en cas de grève ou de lock-out légal;
  • d’encourager une prise de décision plus rapide par le Conseil canadien des relations industrielles (le « Conseil ») lorsque les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord; et
  • de réduire la nécessité pour le ministre du Travail (le « Ministre ») de saisir la Commission.

Plus précisément, l’article 87.4(2) du Code prévoirait que l’employeur et le syndicat devraient, au plus tard le quinzième jour suivant la remise de l’avis de négociation collective conclure un accord qui énoncerait ce qui suit :

  • les activités qu’ils jugent nécessaire de poursuivre en cas de grève ou de lock-out; et
  • de quelle manière et dans quelle mesure l’employeur, le syndicat et les employés de l’unité de négociation devront poursuivre les activités, y compris le nombre approximatif d’employés qui, de l’avis de l’employeur et du syndicat, seraient nécessaires au maintien de ces activités.

Si un accord est conclu entre l’employeur et le syndicat, un exemplaire de cet accord devra être déposé auprès du Ministre et du Conseil et celui-ci aura la même force qu’une ordonnance du Conseil. En l’absence d’accord dans les 15 jours, l’une des parties pourra soumettre au Conseil toute question relative à l’application de l’article 87.4(1). Le Ministre sera également habilité à porter devant le Conseil la question de savoir si un accord entre l’employeur et le syndicat est suffisant pour garantir le respect de l’article 87.4(1) du Code. Dans un délai de 90 jours à compter de la réception de la demande ou du dépôt du dossier, le Conseil devra rendre une décision.

Si le projet de loi C-58 est entériné, son entrée en vigueur est prévue 18 mois après avoir reçu la sanction royale, ce qui signifie que les employeurs sous réglementation fédérale pourraient bénéficier d’un délai de plusieurs années avant d’être tenus de se conformer à cette nouvelle législation.

Les modifications proposées par le projet de loi C-58 se démarquent des politiques fédérales antérieures, lesquelles autorisaient sans restriction l’utilisation de travailleurs de remplacement par les employeurs. Il sera intéressant de voir si ce projet de loi aura l’effet escompté, à savoir d’assurer la stabilité et d’accélérer le maintien des accords de service lors de conflits de travail à l’échelle fédérale.

Nous publierons régulièrement des mises à jour au sujet de l’avancement du projet de loi C-58.

Si votre entreprise est concernée par le projet de loi C-58 et que vous souhaitez discuter de l’incidence de ces nouvelles dispositions, veuillez communiquer avec un membre de l’équipe de droit du travail et de l’emploi de Miller Thomson.