En raison de l’incertitude économique suscitée par l’imposition des droits de douane par les États-Unis, notre groupe Droit du travail et de l’emploi a souhaité consulter directement nos clients afin de mieux cerner leurs difficultés actuelles en ce qui concerne la gestion des ressources humaines.
Nous avons invité les employeurs à nous exposer leurs préoccupations les plus pressantes, qu’il s’agisse de soutenir moralement leurs employés, de planifier les licenciements, de gérer leurs obligations relatives aux indemnités de départ ou de réduire leurs coûts sans compromettre leurs effectifs.
À partir de ces conversations, nous avons préparé les questions et réponses suivantes sur certains thèmes récurrents. Elles proposent aux employeurs des orientations claires et pratiques pour leurs décisions stratégiques en période de perturbations économiques.
Que votre organisation réagisse aux pressions actuelles du marché ou se prépare à un avenir incertain, ces conseils vous permettront de protéger votre entreprise et vos collaborateurs par des mesures proactives et juridiquement irréprochables.
Question : Comment notre organisation peut-elle soutenir le moral des employés en période d’incertitude économique?
En période d’incertitude économique, il est essentiel de soutenir le moral des employés pour préserver les chances de réussite de votre organisation. Heureusement, les employeurs ne manquent pas de moyens pour y parvenir.
1. Privilégier une communication ouverte et transparente
La transparence avec le personnel sur la situation actuelle de l’organisation, les défis à relever et les objectifs à atteindre témoigne de l’importance que la direction accorde à ses employés et renforce le sentiment d’unité. Cette approche rassure les employés dans leur sentiment de contribuer à un objectif commun.
Entretenir une communication ouverte et honnête avec les employés contribue grandement à apaiser leurs inquiétudes et à instaurer un climat de confiance et de loyauté dans la relation de travail. S’ils ressentent la confiance de leur employeur et l’importance de leur rôle, les employés restent plus facilement fidèles à leur organisation. Quand les employés ont conscience que leur employeur tente de gérer de bonne foi une conjoncture économique difficile, ils sont mieux disposés à participer de manière constructive, à s’adapter aux changements apportés à leur emploi et à contribuer à un environnement collaboratif qui favorise la résilience et l’adaptabilité.
2. Travailler avec les syndicats, et non pas contre eux
Dans les milieux syndiqués, il peut se révéler très efficace de communiquer ouvertement avec les syndicats sur la situation et les perspectives de votre organisation pour soutenir le moral des employés et apaiser leurs préoccupations.
Une relation saine avec l’employeur, basée sur l’honnêteté et la bonne foi, peut motiver les syndicats à s’engager dans les initiatives de l’organisation. Par nature, les syndicats sont souvent critiques et sceptiques envers les employeurs. Par conséquent, s’ils se montrent favorables à l’employeur, ils inspirent souvent confiance au personnel syndiqué.
Il est dans l’intérêt tant de l’employeur que du syndicat de garantir la viabilité des activités de l’organisation. Alors si la relation entre l’employeur et le syndicat est marquée par la confiance, le syndicat peut également se montrer plus flexible pour aider l’employeur à surmonter les périodes économiques difficiles.
3. Consultants en psychologie du travail
Les employeurs devraient également envisager de faire appel à un consultant en psychologie du travail pour accompagner leur personnel. Ces consultants qui interviennent auprès des employés ont pour mission de recenser les conditions de travail préjudiciables à leur santé mentale. Cette démarche permet souvent de trouver des solutions durables, mais le simple choix de faire appel à un de ces consultants constitue un message positif qui renforce le niveau de motivation des employés.
Question : Comment mon organisation peut-elle réduire ses coûts de personnel sans recourir à des licenciements?
Les employeurs disposent de plusieurs options pour réduire ces dépenses sans procéder à des licenciements. Voici nos trois principales stratégies pour gérer les coûts tout en conservant son personnel :
1. Mise à pied temporaire non rémunérée
La mise à pied temporaire non rémunérée des employés représente une option pour réduire les coûts.
- Dans les milieux de travail syndiqués, les employeurs sont souvent autorisés à mettre à pied temporairement des employés pour des motifs économiques légitimes, à condition que cette mesure soit conforme à la convention collective et au code du travail applicables.
- Dans les milieux de travail non syndiqués, un employeur est généralement autorisé à imposer une mise à pied temporaire non rémunérée à un employé pendant certaines périodes, à condition que le contrat de travail de l’employé contienne une clause valide et exécutoire autorisant l’employeur à le faire. En l’absence d’une telle clause, une mise à pied imposée unilatéralement constitue généralement un congédiement au sens de la loi. Toutefois, même en l’absence de cette clause, un employé peut accepter une mise à pied temporaire non rémunérée (si elle ne lui est pas imposée unilatéralement).
2. Profiter des programmes de soutien du gouvernement
Les employeurs peuvent aussi profiter des programmes fédéraux conçus pour alléger les charges salariales :
- Le programme fédéral de Travail partagé assure un soutien du revenu aux employés qui travaillent un nombre d’heures réduit pendant une période pouvant atteindre 76 semaines.
- Les employeurs peuvent aussi enregistrer auprès du gouvernement fédéral un programme de prestations supplémentaires de chômage (ou « PSC ») qui leur permet de bonifier les montants de l’assurance-emploi versés aux employés, jusqu’à concurrence de 95 % de leur rémunération hebdomadaire habituelle.
Ces programmes permettent de réduire la charge financière des salaires tout en assurant le maintien des relations de travail.
3. Départ volontaire par rachat ou attrition
Une autre option consiste à proposer des rachats de contrats ou des plans de départ volontaire. Selon ces dispositions, les employés peuvent choisir de mettre fin à leur emploi en échange d’une somme forfaitaire ou d’autres avantages négociés. Les coûts sont généralement bien inférieurs à la somme due en cas de licenciement, et comme l’emploi prend fin d’un commun accord, il y a rarement un risque de poursuite pour licenciement abusif.
Question : Parmi les responsabilités « essentielles » de l’employeur, que faut-il éviter de négliger au moment de réduire les coûts et de rationaliser les processus?
Pendant que l’organisation examine toutes les options pour réduire ses coûts, l’employeur doit s’assurer de remplir certaines obligations essentielles pour éviter d’engager sa responsabilité, notamment en fournissant aux employés une formation, des outils, une supervision et un environnement de travail sûr. Il doit également veiller au bon paiement des salaires, au respect des droits contractuels et à la santé et la sécurité sur le lieu de travail. Il importe d’éviter toute mesure de réduction des coûts qui empêcherait l’employeur de remplir ces obligations.
Il faut faire preuve de discernement pour choisir les mesures vraiment essentielles. Avant de mettre en œuvre une réduction proposée, les employeurs doivent évaluer si elle n’entrave pas leurs opérations. Certaines mesures de réduction des coûts peuvent sembler bénéfiques à court terme, mais entraîner des risques financiers importants à long terme.
Par exemple, faire appel à l’IA pour rédiger ou mettre à jour des contrats de travail au lieu de les faire examiner par des juristes qualifiés peut entraîner des erreurs, et donc des responsabilités imprévues. De même, faire passer des employés pour des sous-traitants peut engendrer des litiges coûteux.
Une autre erreur consiste à réduire les processus qui garantissent une procédure régulière en matière de droits de la personne ou de sécurité au travail, tels que la gestion des handicaps et les aménagements tenant compte de la situation familiale. Un ralentissement économique ne dispense pas les employeurs de ces obligations.
En fin de compte, une réduction des coûts à courte vue peut créer des risques plus importants. Comme l’affirmait sagement Benjamin Franklin, « mieux vaut prévenir que guérir ». Lorsqu’il s’agit d’obligations essentielles, les employeurs devraient privilégier la conformité et la stabilité à long terme plutôt que les économies immédiates.
Question : Quelles sont les indemnités de départ que mon entreprise pourrait devoir verser à ses salariés et comment peut-elle les réduire?
Si votre organisation envisage de réduire ses effectifs, vos obligations en matière d’indemnités de départ dépendent de divers facteurs, par exemple :
- Dans les milieux syndiqués, il est généralement impossible de licencier des employés, à moins d’avoir un motif valable, mais dans ce cas, aucune indemnité de départ n’est exigible. Lorsque des employés syndiqués peuvent être licenciés sans motif valable, les indemnités de départ sont déterminées par la convention collective applicable.
- Si un employé est licencié pour des motifs économiques, on considère qu’il s’agit d’un licenciement « sans motif valable ». Dans ces circonstances, l’employé aura généralement droit à un préavis ou à une indemnité de préavis.
- Si le milieu de travail n’est pas syndiqué, l’employeur doit examiner tous les contrats de travail pour vérifier s’ils contiennent une disposition qui prévoit le préavis ou l’indemnité de préavis à verser en cas de licenciement.
- Les employeurs sont tenus, à tout le moins, de fournir aux employés licenciés sans motif valable un préavis de licenciement ou une indemnité de préavis conforme à la loi sur les normes du travail en vigueur. Ce droit varie d’une province à l’autre, mais prévoit généralement un préavis d’environ une semaine par année de service, jusqu’à concurrence de huit semaines. Il est à noter que, dans plusieurs provinces, les obligations légales en matière d’indemnité de départ sont plus strictes en cas de licenciement collectif, si un certain nombre d’employés affectés à un même lieu de travail sont licenciés au cours d’une certaine période.
- En plus du préavis prévu par la loi sur les normes du travail, si le contrat de travail ne contient aucune disposition valable à ce sujet, l’employé a droit au préavis de congédiement raisonnable prévu en common law. Il n’existe pas de formule établie pour déterminer la durée du préavis prévu en common law. Les tribunaux tiennent compte de divers facteurs, mais considèrent généralement : (1) l’âge; (2) l’ancienneté; (3) la nature du poste; et (4) la disponibilité d’un emploi similaire, en tenant compte de l’expérience, de la formation et des qualifications de l’employé.
- Les stratégies visant à réduire les indemnités de départ consistent, entre autres, à bien rédiger les contrats de travail, à prévoir des périodes de préavis au lieu (ou en complément) d’une indemnité de préavis, et à aider les employés à trouver un nouvel emploi après leur licenciement.
Question : Si mon organisation doit mettre à pied ou licencier des employés, quels sont les critères pour identifier les personnes concernées?
- Différents facteurs interviennent dans les décisions de mise à pied ou de licenciement temporaire d’employés.
- Comme mentionné précédemment, si les employés concernés sont syndiqués, la convention collective s’applique. Les conventions collectives interdisent souvent les licenciements sans motif valable, mais les mises à pied sont habituellement autorisées. La plupart du temps, elles dictent la procédure à suivre pour les mises à pied, et prescrivent souvent de le faire par ordre inverse d’ancienneté.
- Si les employés que votre organisation envisage de mettre à pied ou de licencier ne sont pas représentés par un syndicat, vous devrez tenir compte des critères suivants pour choisir ceux que vous allez mettre à pied temporairement ou licencier :
- le coût net du licenciement de l’employé par rapport à son maintien en poste (y compris des facteurs tels que les clauses de mise à pied temporaire ou de résiliation du contrat de travail de l’employé);
- les éventuels aménagements du lieu de travail dont l’employé bénéficie ou qu’il a récemment demandés, ou tout autre facteur susceptible de rendre discriminatoire son licenciement ou sa mise à pied;
- le fait que des employés se soient récemment plaints de problèmes de sécurité au travail, de droits de la personne, de respect de la vie privée, de normes d’emploi ou de tout autre problème qui pourrait indiquer que le licenciement ou la mise à pied constituerait une mesure de représailles;
- le fait que votre organisation dispose de preuves justifiant la mise à pied ou le licenciement des employés en question;
- le lieu de travail de vos employés et les obligations accrues en matière d’indemnités de départ prévues par la loi sur les normes du travail en cas de licenciements collectifs;
- les compétences qui correspondent aux besoins actuels et à court terme de l’entreprise compte tenu du climat politique, des droits de douane imposés et des prévisions économiques;
- les employés qui ont affiché une productivité ou des résultats inférieurs;
- les employés qui ont atteint leurs seuils respectifs d’heures assurables et de revenus assurables leur donnant droit à l’assurance-emploi.
Quels que soient les critères que votre organisation retient pour prendre ces décisions, il est important de garder à l’esprit que, dans tous les pays, la loi impose un préavis minimum avant tout licenciement, et que la common law peut exiger un préavis supplémentaire.
Pour éviter toute réclamation de la part des employés, votre organisation devrait consulter son conseiller en droit du travail avant de mettre en œuvre un plan de mise à pied temporaire ou de licenciement.
Avez-vous besoin de conseils personnalisés pour votre stratégie de gestion des ressources humaines?
Toutes les entreprises sont différentes, et en période de ralentissement économique, les décisions concernant l’emploi comportent à la fois des risques juridiques et des risques d’atteinte à la réputation.
Notre groupe Droit du travail et droit de l’emploi est prêt à vous aider. Que ce soit pour revoir vos obligations en matière d’indemnités de départ, vous préparer à des mises à pied temporaires ou trouver des moyens de remonter le moral de vos employés sans coûts supplémentaires, nous pouvons vous guider en toute transparence et en toute confiance.
N’hésitez pas à communiquer avec nous dès aujourd’hui pour parler à un membre de notre équipe.