Les résidences de marque ne sont plus un créneau réservé aux luxueuses villes mondiales ꟷ elles gagnent rapidement du terrain dans le paysage immobilier en évolution de l’Ontario. Pour les promoteurs, ces projets laissent présager des prix élevés et des taux d’occupation plus rapides. Pour les chaînes d’hôtels, ils représentent de nouvelles sources de revenus et permettent d’étendre leur marque. Enfin, pour les consommateurs, ils offrent un accès exclusif à un mode de vie luxueux. Cependant, derrière le vernis étincelant du marketing se dissimule un cadre juridique complexe qui peut, s’il est négligé, exposer toutes les parties prenantes à d’importants risques financiers et réputationnels.
Cette série en deux parties se penche sur les six principaux facteurs juridiques et structurels que les sociétés hôtelières et les promoteurs doivent prendre en considération lorsqu’ils mettent sur le marché une résidence de marque en Ontario. Que vous souhaitiez structurer votre premier projet ou élargir votre portefeuille, la maîtrise de ces éléments fondamentaux est essentielle pour garantir la conformité, l’intégrité de la marque et le succès à long terme.
1. Structuration
Lorsque l’on envisage de participer au marché des résidences de marque, il convient d’analyser plusieurs structures de projet potentielles, notamment les suivantes :
- Bâtiments uniques à usage mixte
- Immeubles à mixité horizontale
- Résidences autonomes
L’association condominiale est souvent la structure juridique privilégiée pour créer et vendre des résidences de marque. En règle générale, l’association condominiale est créée conjointement avec un hôtel traditionnel (généralement en propriété franche), mais ce n’est pas toujours le cas. Certaines résidences de marque peuvent prendre la forme d’un appartement, d’une résidence autonome en propriété franche, d’une participation fractionnaire, d’une multipropriété ou d’une association de propriétaires qui ne sont pas régis, du moins en Ontario, par la Loi de 1998 sur les condominiums ni soumis à celle-ci.
Le présent article en deux parties sera consacré à une résidence de marque sous la forme d’une association condominiale créée conjointement avec un hôtel en propriété franche. Dans le cadre de ces projets, les consommateurs jouissent d’un droit de propriété sur leur partie privative affectée à l’habitation et d’un droit d’utilisation de nombreux services et commodités offerts par l’hôtel attenant.
2. Documents constitutifs
Les documents constitutifs du projet et les accords de vente et de marketing de biens d’habitation doivent être rédigés pour qu’un projet puisse démarrer. Ces documents (toujours dans l’hypothèse où le projet repose sur une association condominiale) comprennent une déclaration, des règlements administratifs, des règles, des accords sur le partage des coûts, des accords sur l’accès et l’entretien, des plans et des budgets, lesquels peuvent être rédigés dans le respect des normes de la marque. Même s’il revient au promoteur de rédiger ces documents, les sociétés hôtelières ne manqueront sûrement pas de les modifier.
Ce processus comprend notamment l’examen des exigences de zonage concernant l’utilisation des parties privatives pour des séjours de courte durée. La ville de Toronto et de nombreuses autres municipalités de l’Ontario ont restreint l’utilisation des parties privatives pour les séjours de courte durée. Les sociétés hôtelières doivent donc porter attention à ces exigences lorsqu’elles examinent non seulement la déclaration et les règles de l’association condominiale, mais aussi les documents de vente et de marketing (comme il est expliqué plus loin).
Il arrive que le nom de la marque soit supprimé des documents constitutifs, car rien n’est éternel (p. ex., le contrat de gestion hôtelière ou le contrat de gestion résidentielle peut être résilié). Par contre, il est essentiel que toutes les parties gardent à l’esprit les exigences relatives à la marque tout au long du processus de documentation, afin de garantir un projet cohérent et juridiquement solide.
Les résidents de l’association condominiale ont généralement le droit d’utiliser les commodités de l’hôtel, telles que la salle de conditionnement physique, la piscine ou le sauna, moyennant des frais. Les promoteurs incluent certaines obligations dans les documents constitutifs, qui enjoignent aux propriétaires de parties privatives de verser mensuellement des frais de commodités à l’association condominiale.
Les frais de commodités constituent dans bien des cas un élément clé qui lie l’association condominiale à l’hôtel. De leur côté, les associations condominiales sont généralement tenues, aux termes d’une convention d’installations partagées, de percevoir ces frais auprès des propriétaires de parties privatives et de les verser à la société hôtelière ou au propriétaire de l’hôtel. Si les propriétaires de parties privatives ne versent pas les frais de commodités à l’association condominiale, la déclaration doit stipuler clairement que ces frais font partie des dépenses communes de la partie privative afin d’autoriser (et d’obliger) les associations condominiales à assujettir ces parties privatives à un privilège. Voilà un exemple des nombreux éléments particuliers à prendre en considération lors de la préparation des documents constitutifs pour ce type de résidence de marque en Ontario.
3. Contrat de licence pour la vente et le marketing de biens d’habitation
Le contrat de licence pour la vente et le marketing de biens d’habitation est un contrat clé qui accorde au promoteur le droit d’utiliser le nom et les marques de commerce de la marque dans le cadre des activités de vente et de marketing des parties privatives affectées à l’habitation. La licence a généralement une portée et une durée limitées. En contrepartie, la marque ou la société hôtelière peut recevoir un pourcentage, se situant généralement entre 1 % et 6 %, du prix de vente brut de chaque partie privative affectée à l’habitation. Il arrive souvent qu’une commission d’engagement envers la marque ou que des frais d’accès à la marque soient versés à la société hôtelière à la signature du contrat ou avant la vente, puis déduits des droits à acquitter pour l’obtention de la licence.
Ce contrat comprend souvent une disposition exigeant l’approbation, par la société hôtelière, de tous les documents constitutifs, ainsi que des documents de marketing et de vente. Cette disposition fait en sorte que le projet respecte les lignes directrices de la marque et assure l’intégrité de la marque de luxe tout au long du processus.
Étant donné que la plupart des promoteurs en Ontario sont des entités à vocation unique, les sociétés hôtelières doivent exiger une indemnité de l’entité mère pour garantir les obligations du promoteur.
Il faut faire expressément référence à la Loi de 1998 sur les condominiums et à ses règlements d’application pendant la phase de vente et de marketing. Cependant, lorsqu’ils rédigent des contrats de vente de biens d’habitation et des documents de marketing, les sociétés hôtelières et les promoteurs doivent également tenir compte des risques potentiels, notamment en ce qui concerne la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (la « CVMO »).
Si les documents de vente et de marketing contiennent des renseignements sur un programme de location, le contrat pourrait être considéré comme un contrat d’investissement et entraîner de ce fait l’application d’exigences distinctes en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario.
Même si le promoteur demande une dispense de prospectus, et que la CVMO la lui accorde, les déclarations inexactes faites par négligence concernant les avantages d’un programme de location présenteront des risques. Mentionnons que l’affaire Singh v. Trump, 2016 ONCA 747 (l’« affaire Singh »), fournit de précieux renseignements sur le marketing d’un programme de location en Ontario. Dans l’affaire Singh, le promoteur avait été dispensé de l’obligation de déposer un prospectus à condition qu’il s’abstienne de mentionner les avantages économiques du programme de location dans son marketing. Dès lors que le promoteur a dérogé à cette condition, et que les propriétaires de parties privatives n’ont pas bénéficié des avantages annoncés, les risques se sont matérialisés, et la responsabilité a été engagée, en vertu de la Loi de 1998 sur les condominiums et de la Loi sur les valeurs mobilières, sans égard à toute clause d’intégralité du contrat contenue dans le contrat d’achat et de vente. Bien que la responsabilité de la société hôtelière n’ait pas été engagée, l’affaire Singh est un rappel important de la nécessité d’examiner soigneusement le matériel de marketing.
Bien que les aspects et contrats susmentionnés soient essentiels à la création de résidences de marque, plusieurs autres aspects et contrats doivent être pris en considération, notamment le contrat de services techniques et le contrat de lancement, le contrat de gestion résidentielle et la convention d’installations partagées. Nous traiterons de ces contrats, et d’autres sujets, dans la deuxième partie.
Pour en apprendre davantage sur le soutien que nous pouvons vous apporter dans le cadre de votre projet de résidence de marque, nous vous invitons à communiquer avec un membre du groupe Copropriétés de Miller Thomson.