Les transactions immobilières commerciales comportent des subtilités juridiques importantes qui peuvent affecter les droits et obligations des acheteurs. Voici trois aspects essentiels à examiner pour protéger vos intérêts et assurer le succès de votre investissement.

1. Éviter les embûches liées aux entrées adverses

Au Québec, de manière générale, la priorité des droits sur un immeuble repose sur une règle stricte : premier arrivé, premier servi. Cela signifie que l’ordre chronologique d’inscription au registre foncier – à la minute près – détermine les droits des parties. Bien que sa signature suffise à transférer la propriété entre le vendeur et l’acheteur, l’acte de vente ne devient opposable aux tiers qu’après avoir été dûment publié au registre foncier. À l’inverse, les autres droits publiés à l’encontre de la propriété deviennent à leur tour opposables au nouvel acquéreur.

Pourquoi est-ce crucial? Imaginez que vous signez un acte de vente, convaincu d’avoir sécurisé l’immeuble parfait pour votre projet commercial. Cependant, peu avant l’inscription de votre acte d’acquisition, une hypothèque légale de construction est publiée, ou pire, le vendeur hypothèque la propriété en faveur d’un tiers. Résultat? Vous pourriez vous retrouver avec une propriété grevée de charges imprévues ou même sans priorité sur le bien si une autre vente a été conclue et publiée avant la vôtre.

Pour éviter ces désagréments, il est fortement conseillé d’inclure dans l’offre d’achat une clause exigeant que le prix d’achat soit conservé dans un compte fidéicommis jusqu’à ce que l’acte de vente soit inscrit sans aucune entrée adverse. Cette stratégie offre une double sécurité :

  • Elle garantit que l’acheteur reçoit un titre, sans mauvaise surprise après la transaction.
  • Elle incite le vendeur, qui ne recevra pas les fonds tant que tout n’est pas réglé, à respecter pleinement ses obligations.

2. Comprendre l’incidence de la garantie légale

La garantie légale prévue au Code civil du Québec n’est pas qu’une simple clause technique. Automatiquement incluse à toute vente immobilière, sauf exclusion explicite, celle-ci comprend deux volets principaux :

  • La garantie du droit de propriété, qui assure entre autre que le bien est libre de tout vice de titre et qu’il ne contrevient à aucune limitation de droit public, sauf ceux dénoncés par le vendeur;
  • La garantie de qualité, qui protège contre les vices cachés, ces défauts graves dont l’acheteur ignore l’existence et qui existent au moment de la vente.

Prenons un exemple : un incendie dans l’entretoit d’un immeuble, masqué par des travaux cosmétiques, remonte à plusieurs propriétaires. Grâce à la garantie de qualité, l’acheteur actuel peut amorcer des recours contre le vendeur, mais aussi remonter la chaîne des propriétaires jusqu’à celui en titre au moment de l’incident. Une protection précieuse, n’est-ce pas?

Mais il y a un revers de la médaille, surtout dans l’immobilier commercial. Il est de plus en plus courant de voir des propriétés vendues « à vos risques et périls », excluant ces garanties. Cela peut sembler anodin, mais la décision récente de la Cour d’appel dans Blais c. Laforce en souligne les conséquences sérieuses : lorsqu’un acheteur accepte une telle exclusion, la chaîne de transmission de la garantie de qualité est rompue. Non seulement il ne pourra pas poursuivre son vendeur, mais tout recours contre des propriétaires antérieurs lui sera également interdit.

Ceci est important pour deux raisons :

  1. Lors de votre diligence raisonnable, si vous découvrez que l’immeuble a été vendu sans garanties à un moment donné dans la chaîne des titres, en cas de pépin, vos recours pourraient être limités, même si votre vendeur actuel offre des garanties.
  2. Acheter sans garanties signifie souvent vendre dans les mêmes conditions. Cette limitation pourrait réduire l’attrait de votre propriété auprès d’acheteurs potentiels, ce qui peut affecter la valeur et la vitesse de revente.

Vous devez non seulement évaluer les garanties offertes, mais aussi comprendre les implications sur la chaîne de transmission des droits. La vente faite sans garantie légale est rendue monnaie courante, mais encore faut-il que l’immeuble vendu comporte les attraits nécessaires pour justifier les limitations qui en résultent.

3. Gérer les locataires dans l’immeuble

Au Québec, les locataires ont le droit de publier leur bail au registre foncier, sans que le propriétaire puisse s’y opposer. Ce dernier peut toutefois choisir entre une publication complète ou un simple avis de bail, qui ne divulgue pas les informations financières. Si le bail a été publié, vous serez automatiquement lié par celui-ci dès l’acquisition de la propriété. Cette publication protège les locataires et impose au nouveau propriétaire de respecter le bail, y compris sa durée et son loyer.

Si le bail n’est pas publié et qu’il reste plus de 12 mois à sa durée, la loi offre une échappatoire. En tant que nouveau propriétaire, vous pouvez mettre fin au bail en envoyant un avis écrit de six mois au locataire, dans les six mois suivant l’acquisition.

Examinez les clauses du bail pour détecter des conditions particulières, comme un droit de premier refus, un dépôt, une allocation forfaitaire ou des mois de loyer gratuits. Vérifiez également l’historique des paiements et l’absence de litiges en cours.

En résumé, une bonne analyse des droits fonciers, des garanties légales et des locataires est cruciale pour éviter des problèmes juridiques et assurer le succès d’un investissement. Pour plus de détails sur les documents juridiques clés et les aspects cruciaux à examiner lors d’une transaction immobilière, consultez nos trois articles précédents.

Cet article a été publié dans Les Affaires le 8 janvier 2025.