Dans un article précédent[1](en anglais seulement), nous avons discuté des modifications apportées en 2015 à la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi) qui ont considérablement modifié les règles applicables aux dons testamentaires de bienfaisance effectués en 2016 et au cours des années d’imposition suivantes.

Parmi les nouvelles exigences introduites par les modifications de 2015, il y a lieu de mentionner celle qui prévoit que, pour être admissible au crédit d’impôt pour don de bienfaisance, le bien qui fait l’objet du don de bienfaisance doit être soit un bien qui a été acquis par la succession du contribuable décédé au moment, ou par suite, de son décès, soit un bien substitué à un tel bien. Nous avons fait remarquer que, dans le cas d’une succession qui détient des actions d’une société privée, si le don de bienfaisance fait par testament est réglé au moyen de fonds versés à la succession par la société sous forme de dividendes en espèces, ce dividende n’est généralement pas considéré comme un bien de remplacement (à moins qu’il ne soit versé lors du rachat des actions).

Dans une décision anticipée en matière fiscale rendue en 2020 (la décision)[2], l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) s’est penchée sur la question des biens de remplacement dans le contexte d’une réorganisation comportant le versement d’un dividende en actions. Les opérations proposées qui faisaient l’objet de la décision étaient les suivantes :

  • La succession en question (la succession) détenait toutes les actions ordinaires d’une société (Aco), lesquelles actions avaient, à la suite d’une série d’opérations de réorganisation, remplacé les actions que le défunt détenait au moment de son décès ou qu’il avait le droit de recevoir ;
  • Aco entendait déclarer et verser un dividende sur les actions ordinaires détenues par la succession ;
  • Le capital autorisé d’Aco serait augmenté pour inclure des actions privilégiées, dont le prix de rachat global serait égal à la juste valeur marchande (JVM) des actions ordinaires d’Aco, moins son capital versé ;
  • Les administrateurs d’Aco déclareraient ensuite un dividende en actions sur les actions ordinaires d’Aco et émettraient des actions privilégiées d’Aco en règlement du dividende sur les actions ;
  • Aco rachèterait ensuite les actions privilégiées détenues par la succession et choisirait de traiter le dividende réputé résultant de ce rachat comme un dividende en capital au sens du paragraphe 83(2) de la Loi, pour ensuite payer au comptant à la succession le prix de rachat ;
  • Aco rachèterait alors les actions ordinaires d’Aco détenues par la succession et réglerait au comptant le prix d’achat correspondant à son capital versé ;
  • En même temps, Aco émettrait une action ordinaire à la succession – pour s’assurer qu’il y ait toujours au moins une action émise en circulation – et rembourserait également le solde d’un prêt d’actionnaire en cours en faveur de la succession ;
  • Immédiatement avant de procéder au don, la succession déterminerait le montant final du don, qui serait réglé au moyen d’une combinaison des liquidités reçues par la succession lors du rachat des actions privilégiées, de l’encaisse reçue par la succession lors du rachat des actions ordinaires d’Aco et de l’encaisse reçue par la succession lors du remboursement du prêt d’actionnaire ; et
  • La succession remettrait ensuite le montant final du don au donataire reconnu.

L’ARC a rendu une décision favorable, estimant que tous les fonds avec lesquels la succession entendait payer le don de bienfaisance constituaient des biens substitués à des biens qui avaient été acquis par la succession du contribuable décédé au moment de son décès ou par suite de son décès. L’ARC a notamment fait remarquer que la déclaration du dividende en actions suivie du rachat des actions privilégiées qui avaient été émises en règlement du dividende en actions satisfaisait aux [traduction] « exigences de l’alinéa 118.1(5.1)b) et à la position de l’ARC selon laquelle le montant comptant payé à titre de dividende ne peut pas être considéré comme un bien de remplacement[3] ».

La décision de l’ARC nous rappelle que les dividendes ne sont pas tous identiques et que, même si un dividende payé au comptant dans des conditions normales n’est en général pas considéré comme un bien de remplacement, il est possible de structurer un don pour en faire un bien de remplacement.

Si vous avez des questions, n’hésitez pas à communiquer avec un des membres du groupe Impact social de Miller Thomson.


[1] Darren G. Lund, « Revisiting the “new” testamentary donation rules », (15 décembre 2022) [en anglais seulement].

[2] Agence du revenu du Canada, Avis de l’ARC, décision anticipée 2020-0862441R3 — Charitable donation by estate (2020) [la décision] [Les dons de bienfaisance par voie successorale] [en anglais seulement].

[3] Décision, précitée, note 2, par. 55.