Étant donné que les élections fédérales devraient avoir lieu dès ce printemps ꟷ et obligatoirement d’ici le 20 octobre 2025 ꟷ, les organismes de bienfaisance canadiens doivent se préparer à l’incidence que les élections pourraient avoir sur leurs activités. Pour les organismes de bienfaisance, les élections représentent une occasion unique de s’engager dans le débat public sur des questions se rapportant à leur mission. Cependant, s’engager dans des activités de défense d’intérêts avant et pendant une période électorale soulève des enjeux juridiques importants.

Les organismes de bienfaisance doivent garder à l’esprit les règles de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la « LIR ») qui stipulent que les activités de défense d’intérêts d’un organisme de bienfaisance doivent être non partisanes et exercées en vue de la réalisation de fins de bienfaisance. Par ailleurs, la Loi électorale du Canada (la « LEC ») prévoit des règles régissant l’enregistrement des « tiers » et l’utilisation de fonds de l’étranger, qui peuvent s’appliquer. Les organismes de bienfaisance doivent comprendre ces lois afin de s’assurer de respecter toutes les règles applicables avant et pendant la période électorale.

Activités de défense d’intérêts en vertu de la LIR

Pour conserver son statut d’organisme de bienfaisance, un organisme doit être constitué et administré exclusivement à des fins de bienfaisance et consacrer toutes ses ressources à des activités de bienfaisance. Il convient de souligner que ces activités peuvent comprendre les efforts de défense d’intérêts ꟷ désignés par l’expression dialogue sur les politiques publiques ou leur élaboration dans la LIR ꟷ à conditionqu’elles soient exercées dans le but de réaliser les fins de bienfaisance de l’organisme et que ce dernier demeure non partisan. Autrement dit, un organisme de bienfaisance peut défendre des positions qui l’aident à parvenir à ses fins de bienfaisance (énoncées dans ses documents constitutifs), à condition que l’organisme de bienfaisance ne favorise pas ou ne contrecarre pas directement ou indirectement un parti politique ou un candidat à une charge publique.

Exemples d’activités autorisées :

  • Informer le public sur diverses questions soumises à débat en rapport avec la cause défendue par l’organisme de bienfaisance (par exemple, un organisme de bienfaisance voué à l’environnement pourrait comparer les positions des partis politiques sur la politique relative aux changements climatiques).
  • Organiser des forums éducatifs ou publier des travaux de recherche non partisans qui aident le public à mieux comprendre certains enjeux politiques pertinents.

Exemples d’activités interdites :

  • Favoriser ou contrecarrer un parti politique ou un candidat, de manière explicite ou implicite (par exemple, un organisme de bienfaisance voué à l’environnement qui soutient un parti politique en raison de sa politique relative aux changements climatiques).
  • Organiser des campagnes qui favorisent une issue politique plutôt qu’une autre.

Loi électorale du Canada : obligation d’enregistrement pour les « tiers »

Les organismes de bienfaisance ont une grande influence sur le discours public lors des élections fédérales. Toutefois, lorsque les activités de défense d’intérêts se rapportent également à des enjeux électoraux, certaines exigences de transparence imposées par la LEC peuvent entrer en ligne de compte. En particulier, les organismes de bienfaisance doivent connaître les règles de la LEC relatives aux « tiers » et l’obligation potentielle de s’enregistrer en tant que « tiers » auprès d’Élections Canada. Ces règles applicables aux « tiers » sont décrites ci-dessous.

Qui est considéré comme un tiers?

La LEC régit la conduite des partis politiques, des candidats et des « tiers » ꟷ toute personne physique ou morale autre qu’un parti politique, un candidat, un candidat à l’investiture ou une association de circonscription ꟷ qui souhaite influencer les élections. Les organismes de bienfaisance qui s’engagent dans des activités de défense d’intérêts liées à des questions soumises à débat en période électorale peuvent entrer dans cette catégorie.

À quel moment un tiers doit-il s’enregistrer?

Un tiers doit s’enregistrer si les « activités réglementées » qu’il mène pendant une période préélectorale ou électorale entraînent des dépenses totales de 500 $ ou plus.

Quelles sont les « activités réglementées »?

Quelles sont donc les « activités réglementées » en vertu de la LEC?

Selon Élections Canada, les activités réglementées sont :

  • Activités partisanes : Promouvoir ou contrecarrer un parti politique, un candidat à l’investiture, un candidat potentiel, un candidat ou un chef de parti, autrement qu’en prenant position sur une question à laquelle est associé le parti politique ou la personne (sous réserve de certaines exclusions).
  • Sondages électoraux : Effectuer des sondages dans le but de déterminer les intentions de vote des électeurs ou leurs opinions sur des questions associées aux partis enregistrés ou aux candidats.
  • Publicité partisane : Diffuser un message publicitaire favorisant ou contrecarrant un parti politique, un candidat à l’investiture, un candidat potentiel ou un chef de parti, sur un support quelconque et pendant une période préélectorale, autrement que par une prise de position sur une question à laquelle est associé le parti ou la personne.
  • Publicité électorale : Diffuser, sur un support quelconque et pendant une période électorale, un message publicitaire favorisant ou contrecarrant un parti enregistré ou un candidat.

À retenir – Les organismes de bienfaisance qui s’engagent dans des activités de défense d’intérêts doivent bien faire la distinction entre les activités non partisanes et les activités partisanes. Bien que certaines formes de communications liées aux élections soient autorisées, les organismes de bienfaisance doivent comprendre les limites juridiques afin d’éviter d’enfreindre involontairement la LIR. À titre de précision, mentionnons qu’un organisme de bienfaisance n’est pas autorisé à mener des « activités partisanes » ou à faire de la « publicité partisane ». Toutefois, un organisme de bienfaisance peut effectuer des « sondages électoraux » ou de la « publicité électorale » qui prennent position sur une question à laquelle est associé un parti politique ou un candidat, dans la mesure où l’organisme de bienfaisance ne favorise pas ou ne contrecarre pas directement ou indirectement un parti politique ou un candidat en exerçant ces activités.

Utilisation de fonds de l’étranger

La LEC interdit aux tiers étrangers de participer aux élections ou de financer des activités réglementées en période préélectorale ou électorale. Cette interdiction s’applique également aux bailleurs de fonds étrangers qui fournissent à des entités canadiennes des fonds destinés à être utilisés dans le cadre de ces activités réglementées. 

Par conséquent, un organisme de bienfaisance qui entretient des relations avec une personne ou une entité étrangère et qui souhaite prendre part à l’élection ou en influencer les résultats doit prendre en compte cette interdiction afin d’éviter d’enfreindre cette règle.

Comment s’enregistrer en tant que tiers

Pour s’enregistrer, un organisme de bienfaisance qui est un tiers doit :

  • Consigner les dépenses qu’il engage pour les activités réglementées, conserver les factures et les reçus, et consigner la rémunération des employés.
  • Soumettre le formulaire Demande d’enregistrement d’un tiers (EC 20430).
  • Nommer un agent financier et ouvrir un compte bancaire distinct pour les activités réglementées.
  • Veiller à ce que les dépenses engagées dans une circonscription électorale donnée n’excèdent pas le plafond local ou le plafond global applicable à l’ensemble du pays.
  • Soumettre le rapport financier intitulé Rapport de campagne électorale du tiers (EC 20228) dans les quatre mois suivant le jour de l’élection.
  • Conserver les documents justificatifs, tels que les factures et les relevés bancaires.

Si un organisme de bienfaisance mène des activités réglementées qui entraînent conjointement des dépenses de 10 000 $ ou plus, il doit aussi soumettre le rapport du vérificateur.

Si l’organisme de bienfaisance accepte des contributions ou des prêts pour les activités réglementées, il doit déclarer certains renseignements concernant ces contributions ou prêts (notamment le nom et l’adresse de chaque donateur ou prêteur, selon le cas) dans le Rapport de campagne électorale du tiers (EC 20228). Rappelons que ces contributions ou prêts ne peuvent provenir de donateurs ou prêteurs étrangers.

Il n’y a rien de mal à s’enregistrer en tant que tiers, même en période électorale; ces règles visent simplement à accroître la transparence. De plus, le fait de s’enregistrer ne devrait pas poser de problèmes en vertu de la LIR, à condition que l’organisme de bienfaisance mène des activités réglementées visant à réaliser ses fins de bienfaisance et que les activités réglementées soient non partisanes.

Quels renseignements deviennent publics après l’enregistrement?

Lorsqu’un tiers s’enregistre, les renseignements qu’il a fournis dans sa Demande d’enregistrement d’un tiers (EC 20430) sont consignés dans le Registre des tiers d’Élections Canada. Certains renseignements (noms et adresses partielles) provenant du Registre sont publiés dans la base de données des tiers sur le site Web d’Élections Canada. Ce registre a pour but de consigner les dépenses engagées par des tiers pour des activités qui peuvent être considérées comme ayant pour effet d’influencer la prise de décisions publiques en période électorale. Rappelons que ces activités ne sont pas interdites ni mal vues; cette politique vise simplement à permettre au public de savoir qui engage des dépenses pour ces activités et à combien s’élèvent ces dépenses.Vous avez des questions sur le présent article? Un membre du groupe Organismes de bienfaisance et à but non lucratif de Miller Thomson pourra vous aider. Nous vous recommandons également de consulter le guide d’Élections Canada intitulé Outils pour les tiers pour en savoir davantage sur les règles applicables aux tiers en vertu de la Loi électorale du Canada.