Êtes-vous un mandataire ou une personne qui envisage d’en désigner un en vertu d’une procuration? Il est essentiel de comprendre les responsabilités juridiques et les risques associés à ce rôle, surtout lorsqu’il s’agit de protéger des actifs financiers. Une procuration est un outil juridique qui confère à une personne, le « mandataire », le pouvoir de gérer des affaires financières et juridiques au nom d’une autre personne, le « mandant ». Il est crucial de comprendre les responsabilités qui incombent au mandataire d’une procuration, étant donné les importantes conséquences juridiques inhérentes aux obligations qu’elle comporte.
En Colombie-Britannique, un mandataire désigné en vertu d’une procuration est tenu de respecter d’importantes obligations fiduciaires destinées à protéger le mandant contre une mauvaise gestion financière, la maltraitance financière et les conflits d’intérêts. L’affaire Holmes v. Modry, 2025 BCSC 430 (Holmes), jugée récemment par la Cour suprême de la Colombie-Britannique, rappelle clairement les graves conséquences juridiques qui peuvent découler d’un manquement à ces responsabilités, en particulier lorsque d’importantes sommes d’argent sont en jeu.
L’affaire
Dans l’affaire Holmes, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a estimé que le défendeur avait gravement manqué à ses obligations fiduciaires en exerçant ses fonctions de mandataire en vertu d’une procuration établie pour son oncle et sa tante, aujourd’hui décédés. L’affaire a été portée devant les tribunaux par l’administrateur de la succession de la tante, qui alléguait que le défendeur avait détourné plus de 1,2 million de dollars des comptes bancaires conjoints de sa tante et de son oncle à des fins personnelles. La Cour a déterminé que le comportement du défendeur constituait une violation directe de ses obligations de mandataire en vertu de la procuration, étant donné qu’il a retiré d’importantes sommes d’argent sans les pièces justificatives adéquates, a omis de tenir les registres financiers nécessaires et a utilisé les fonds détournés pour financer son projet personnel d’aménagement immobilier ainsi que des investissements spéculatifs en cryptomonnaies.
Le mélange inapproprié des fonds par le défendeur a constitué une question cruciale dans cette affaire. Les mandataires agissant en vertu d’une procuration doivent conserver les actifs financiers du mandant séparément des leurs afin d’assurer la transparence et la reddition de compte. Le fait de mélanger ses fonds personnels et les fonds du mandataire n’a pas seulement pour effet de créer de la confusion, mais également d’augmenter le risque de maltraitance financière. Le défendeur a fait fi de cette exigence en mélangeant ses finances personnelles à celles de son oncle et de sa tante, ce qui a compliqué la tâche de déterminer quels fonds appartenaient légitimement à la succession. La Cour a estimé que ce manque de transparence et cette mauvaise gestion des fonds témoignent d’une violation intentionnelle de l’obligation fiduciaire. Par conséquent, le défendeur a été condamné à :
- Rembourser la somme de 1 283 441,31 $ à la succession de sa tante;
- Restituer le reliquat des cryptomonnaies achetées avec les fonds de la succession; et
- Payer de l’intérêt sur le montant détourné.
Le fait que le défendeur n’ait pas obtenu de consentement éclairé avant d’effectuer les transactions financières a constitué un élément clé de l’affaire. Même s’il avait été désigné comme mandataire, il ne disposait pas pour autant d’un contrôle illimité sur les fonds. La Cour n’a trouvé aucune preuve indiquant que sa tante et son oncle avaient explicitement autorisé le défendeur à utiliser leur argent pour effectuer des investissements personnels, en particulier dans des entreprises spéculatives comme l’immobilier et les cryptomonnaies. Cette situation réaffirme un principe juridique important : une procuration ne procure pas au mandataire le droit de prendre des décisions financières unilatérales qui servent ses propres intérêts, en particulier lorsque ces décisions impliquent des investissements à haut risque susceptibles de compromettre la sécurité financière du mandant.
Cette affaire met en lumière les risques de maltraitance financière que comporte une procuration et sert de mise en garde aussi bien pour les mandataires que pour les mandants. Les mandataires doivent comprendre qu’ils ne disposent pas d’un pouvoir illimité sur les finances du mandant. Chaque décision doit être légalement justifiable, bien documentée et conforme à l’intérêt supérieur du mandant. Même si le mandataire pense agir de bonne foi, le non-respect de la loi peut entraîner de graves conséquences, notamment le remboursement des fonds détournés sur ordre du tribunal, la mise en cause de sa responsabilité civile et, dans certains cas, des accusations au pénal.
Quatre mesures visant à atténuer les risques de maltraitance financière :
Les personnes qui envisagent de désigner un mandataire en vertu d’une procuration devraient prendre les importantes mesures suivantes, qui peuvent contribuer à réduire le risque de maltraitance financière :
- Choisir un mandataire digne de confiance – La personne désignée doit être responsable sur le plan financier et connaître ses obligations légales.
- Fixer des limites claires – Le mandant peut imposer des restrictions au pouvoir du mandataire, telles que la nécessité de faire approuver les transactions importantes par une deuxième personne ou l’interdiction d’effectuer certains types d’investissements.
- Mettre en œuvre des mécanismes de surveillance – Exiger que le mandataire fournisse régulièrement un rapport financier à un tiers peut renforcer l’obligation de rendre compte.
- Obtenir une assistance juridique – En cas de soupçon de mauvaise gestion financière, il est possible d’entamer une poursuite en justice pour tenir le mandataire responsable et récupérer les actifs perdus.
La décision Holmes rappelle à juste titre que le rôle des mandataires d’une procuration ne se limite pas à la gestion des finances; ces derniers agissent en tant que fiduciaires et ont l’obligation légale de protéger l’intérêt supérieur du mandant. Quiconque agit en vertu d’une procuration doit gérer les finances du mandant avec le plus grand soin, la plus grande prudence et la plus grande diligence, et veiller à ce que chaque transaction soit légale, éthique et appuyée par les pièces justificatives nécessaires. En appliquant ces principes, les mandataires peuvent remplir leurs obligations fiduciaires de manière responsable tout en protégeant le bien-être financier des personnes qui leur ont confié ce pouvoir.
Si vous vous préoccupez des risques liés à une procuration ou avez besoin de conseils pour désigner un mandataire, notre groupe Successions et fiducies est là pour vous aider. Communiquez avec nous aujourd’hui même pour discuter de vos options.