Administrateurs de sociétés et obligations d’information sur les facteurs ESG

2 mars 2023 | Jonathan Tong, Mark Sandor

Ces dernières années, les conseils d’administration des émetteurs assujettis ont pris plus amplement conscience des obligations en matière d’information environnementale, sociale et de gouvernance (« ESG ») imposées par les organismes de réglementation.Dans le contexte actuel, les sociétés canadiennes doivent s’efforcer de trouver un équilibre entre leurs besoins opérationnels et les pratiques responsables sur le plan environnemental et social afin d’éviter les problèmes et de procurer de la valeur à leurs parties prenantes.

Une gestion efficace des enjeux ESG fait intervenir de multiples lois, règlements et recommandations. C’est pourquoi, le présent article ne présente qu’un survol des exigences et des meilleures pratiques en droit des valeurs mobilières concernant les facteurs ESG que les administrateurs doivent prendre en considération lorsqu’ils décident de la composition du conseil d’administration, de la formation continue et de la mise en place d’une gouvernance d’entreprise durable.

Exigences en matière de droit des valeurs mobilières

À ce jour, aucune loi ni aucun règlement au Canada n’impose un cadre uniforme pour la présentation des informations sur les facteurs ESG. Toutefois, conformément à l’article 5.2 de l’Annexe 51-102A2, Notice annuelle (l’« Annexe 51-102A2 ») et à la rubrique1.4(g) de l’Annexe 51-102A1, Rapport de gestion, la législation en matière de valeurs mobilières du Canada exige des émetteurs assujettis qu’ils fournissent de l’information sur les risques importants touchant leur société et, si possible, sur les répercussions financières de ceux-ci[1]. Les risques liés à l’environnement et à la santé sont expressément considérés comme un facteur de risque dans l’Annexe 51 102A2. Pour de nombreux émetteurs, en particulier ceux du secteur minier, ces risques peuvent entraîner des problèmes liés aux facteurs ESG, notamment des préoccupations concernant les émissions, des risques environnementaux associés à l’exploration minière ou d’éventuels litiges liés au climat.

Diversité

La diversité des genres est un élément clé de l’information ESG que les administrateurs doivent prendre en compte. La rubrique 11 de l’Annexe 58-101A1 Information concernant la gouvernance (l’« Annexe 58-101A1 ») exige que l’émetteur[2] indique s’il a adopté ou non une politique écrite sur la recherche et la sélection de candidates aux postes d’administrateurs. L’information relative à cette politique doit comprendre : i) un sommaire de ses objectifs et principales dispositions; ii) les mesures prises pour en garantir une mise en œuvre efficace; iii) les progrès accomplis par l’émetteur vers l’atteinte de ses objectifs; et iv) si le conseil d’administration ou son comité des candidatures mesure ou non l’efficacité de la politique et comment, le cas échéant. Si une telle politique n’a pas été adoptée, l’émetteur doit en indiquer les raisons.

Formation continue

L’Annexe 58-101A1 prend également en compte l’approche de l’émetteur en matière de formation continue, la rubrique 4(b) exigeant que les émetteurs indiquent les mesures prises par le conseil d’administration, le cas échéant, pour assurer la formation continue des administrateurs. Dans leur Avis du personnel 51-358, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») encouragent le conseil et la direction à évaluer délibérément leur expertise en ce qui concerne les risques liés au changement climatique propres à leur secteur afin de leur permettre de prendre des décisions éclairées en ce qui a trait à la gestion et à la communication de ces risques. Si le conseil n’assure pas de formation continue, les émetteurs doivent indiquer comment le conseil veille à ce que les administrateurs aient les aptitudes et les connaissances adéquates pour s’acquitter de leurs obligations en tant qu’administrateurs.

Dans l’ensemble, ces exigences démontrent l’importance des questions ESG dans le cadre de l’information continue. Cela dit, les conseils d’administration doivent veiller à ne pas agir de manière exagérément promotionnelle. En effet, dans un récent avis du personnel[3], les ACVM ont mis en garde les émetteurs contre l’« écoblanchiment », déclarant que les organismes de réglementation ont « observé une multiplication des émetteurs formulant des affirmations potentiellement trompeuses, infondées ou incomplètes à propos d’activités commerciales ou encore de la durabilité d’un produit ou d’un service offert, véhiculant ainsi une fausse impression communément appelée « écoblanchiment » ». Des exemples, tels qu’un langage exagérément promotionnel ou des déclarations trop générales sur les retombées sociales d’une organisation, sont présentés comme des démarches à éviter.

Recommandations des agences de conseil en vote

Les agences de conseil en vote telles que Glass, Lewis & Co (« Glass Lewis ») et Institutional Shareholder Services (« ISS ») surveillent de plus près les résultats des entreprises sur les questions environnementales et sociales, particulièrement celles qui concernent la gestion du capital humain et le climat. En effet, dans ses lignes directrices pour 2023, Glass Lewis confirme qu’elle considère les risques climatiques comme un risque important pour toutes les entreprises et qu’elle peut recommander de voter contre le comité d’audit d’un émetteur en l’absence d’une surveillance explicite des questions environnementales et sociales par le conseil d’administration[4]. De la même manière, ISS considère que le manque de surveillance des risques environnementaux et sociaux est un exemple d’échec de la surveillance des risques qui pourrait entraîner l’abstention de vote pour des conseils d’administration.[5]

Politiques ESG

Glass Lewis et ISS fournissent toutes deux des recommandations sur la diversité des genres. Passant d’une approche numérique fixe à une approche basée sur le pourcentage, Glass Lewis recommandera généralement de voter contre le président du comité des candidatures du conseil d’administration de toute société cotée à la Bourse de Toronto dont la diversité des genres n’atteint pas un minimum de 30 %. Une justification suffisante ou un plan visant à remédier au manque de diversité pourrait empêcher l’application d’une recommandation défavorable. Pour les sociétés qui ne sont pas cotées à l’indice composé S&P/TSX, ISS votera généralement contre le président du comité des candidatures si le conseil d’administration ne compte aucune femme.

Ces recommandations concordent avec les orientations récemment publiées par le Groupe TMX et l’Institut des administrateurs de sociétés, qui préconisent que les conseils d’administration soient composés d’au moins 40 % de personnes s’identifiant comme femme afin de refléter la diversité des parties prenantes de l’entreprise et des collectivités dans lesquelles elles exercent leurs activités[6].

Compétences et rémunération des administrateurs

En complément des exigences imposées par l’Annexe 58-101, les agences de conseil en vote sont également chargées d’évaluer les informations liées au climat fournies par les émetteurs dans le cadre de la formation continue. Glass Lewis note que la présence d’une diversité de compétences au sein d’un conseil d’administration – y compris des compétences spécifiques et des caractéristiques de diversité – est nécessaire pour conseiller efficacement la direction lorsque vient le moment de prendre des décisions vitales. En général, ISS recommandera de voter contre le président du comité responsable de toute société qui est i) un émetteur important de gaz à effet de serre et ii) qui ne prend pas les mesures minimales exigées pour comprendre, évaluer et atténuer les risques liés aux changements climatiques.

Dans leurs recommandations de vote, les agences de conseil en vote tiendront également compte des critères d’évaluation des résultats liés au climat dans les régimes incitatifs à court et à long terme des dirigeants. Glass Lewis soutient vivement l’intégration des risques importants associés aux facteurs ESG et recommande que les sociétés fixent des objectifs à long terme pour attendre les ambitions environnementales et sociales. Toutefois, ce volet a un caractère moins prescriptif. Glass Lewis estime que les mesures ESG dans les régimes de rémunération devraient être fondées sur les circonstances de chaque entreprise. Dans cet esprit, les conseils d’administration devraient examiner la manière dont les régimes incitatifs axés sur les facteurs ESG améliorent ou protègent la valeur actionnariale à court et à long terme.

Perspectives à venir

Dans son récent énoncé des priorités pour 2023-2024, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (« CVMO ») s’est engagée à faire progresser le travail sur les obligations d’information relative aux facteurs ESG pour les émetteurs assujettis[7]. Les résultats escomptés par la CVMO pour ce mandat sont les suivants : i) les investisseurs auront accès aux informations nécessaires relatives aux facteurs ESG pour éclairer leurs décisions d’investissement et de vote; et ii) les émetteurs assujettis auront été clairement informés quant aux exigences en matière d’information liée aux facteurs ESG.

Même si elles ne sont qu’embryonnaires, la CVMO continue de miser sur les pratiques de communication d’information ESG comme mécanisme de promotion de la confiance des investisseurs à l’égard des informations communiquées par les sociétés du fait du regain d’intérêt des investisseurs institutionnels et des investisseurs particuliers à ce sujet. En 2021, les ACVM ont publié aux fins de commentaires le projet de Norme canadienne 51-107 sur l’information liée aux questions climatiques (la « Norme 51-107 »), ainsi qu’une instruction complémentaire connexe et deux annexes. La Nrome 51-107 vise à normaliser les obligations d’information des émetteurs sur les questions climatiques conformément aux recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques[8].Compte tenu de l’attention que les organismes de réglementation et les agences de conseil en vote continuent de porter aux facteurs ESG, les conseils d’administration doivent continuer de tenir leurs connaissances à jour et poursuivre la mise en œuvre de pratiques responsables sur les plans environnemental et social pour renforcer la confiance des actionnaires et les résultats de la société.

Grâce à sa forte présence dans l’ensemble du pays et à son expérience inégalée, le groupe Responsabilité sociale d’entreprise et marché du carbone de Miller Thomson est bien positionné pour conseiller ses clients sur toutes les facettes des facteurs ESG. N’hésitez pas à communiquer avec les responsables de notre groupe national pour savoir comment nous pouvons aider votre entreprise.

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[1] CVMO, Avis 51-358 du personnel des ACVM, Information sur les risques liés aux changements climatiques, 1er août 2019.

[2] En Alberta, au Manitoba, au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve-et-Labrador, dans les Territoires du Nord-Ouest, en Nouvelle-Écosse, au Nunavut, en Ontario, au Québec, en Saskatchewan et au Yukon uniquement.

[3] CVMO, Avis 51-364 du personnel des ACVM, Activités du programme d’examen de l’information continue pour les exercices terminés les 31 mars 2022 et 31 mars 2021, 3 novembre 2022.

[4]Glass, Lewis & Co, 2023 Policy Guidelines, 17 novembre 2022.

[5]Institutional Shareholder Services, Canada : Proxy Voting Guidelines for TSX-Listed Companies Benchmark Policy Recommendations, 13 décembre 2022.

[6] Groupe TMX et Institut des administrateurs de sociétés, L’avenir de la gouvernance des sociétés canadiennes : une approche raisonnée pour répondre aux attentes croissantes envers le conseil d’administration. Rapport du Comité sur l’avenir de la gouvernance d’entreprise au Canada, 18 janvier 2023.

[7]CVMO, Énoncé des priorités de la CVMO pour 2023-2024, 22 novembre 2022.

[8]Recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques, juin 2017. Pour une analyse détaillée de la Norme 51-107, consultez notre article suivant (en anglais seulement)

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