La compensation carbone tire ses origines d’un projet agroforestier réalisé à la fin des années 1980 au Guatemala. Dans ce tout premier projet de compensation à être documenté (en anglais), Applied Energy Services (AES) cherchait à atténuer les émissions d’une centrale au charbon de 183 mégawatts qu’elle construisait au Connecticut. En 1989, AES a conclu avec l’organisation non gouvernementale CARE une entente prévoyant la plantation de 52 millions d’arbres au Guatemala (en anglais). Il s’agissait du premier projet forestier visant expressément à compenser des émissions de gaz à effet de serre (GES). Depuis, les projets du genre se multiplient, portés par trois importantes évolutions dans les politiques : (1) le Protocole de Kyoto (1995), (2) le Système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE) (2005) et (3) l’Accord de Paris (2015).
Pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris, à savoir limiter l’augmentation de la température moyenne à 1,5 ? au-dessus des niveaux préindustriels, la communauté mondiale doit atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Tout le monde doit mettre la main à la pâte, et des acteurs de tous les secteurs de l’économie ont répondu à l’appel et se sont engagés à atteindre un bilan carbone neutre ou négatif. Dans le cadre de la campagne Objectif zéro (en anglais), 1 136 villes, 52 régions infranationales, 8 296 entreprises, 593 institutions financières et 1 125 établissements d’enseignement supérieur (en date d’octobre 2022) se sont mobilisés pour réduire de moitié leurs émissions d’ici 2030 et atteindre la carboneutralité d’ici 2050. La campagne invite aussi des acteurs non gouvernementaux à se joindre à l’Alliance pour l’ambition climatique, lancée lors du Sommet Action Climat des Nations Unies en 2019.
Le nombre d’entreprises prenant des engagements de neutralité climatique ou carbone a grandement augmenté pendant la pandémie de COVID-19. Nombreuses sont celles qui, en plus de déployer des efforts de réduction, devront compenser leurs émissions si elles veulent atteindre leurs objectifs. On s’attend donc à une explosion de la demande en crédits carbone, déjà en branle sur le marché. Selon Ecosystem Marketplace, en 2021, la valeur des opérations sur le marché volontaire du carbone a atteint 2 milliards de dollars américains (comparativement à 473 millions en 2020), un sommet, et plus de 500 millions de crédits ont été négociés. Cette croissance a été propulsée par une forte augmentation du nombre d’opérations réalisées sur des solutions naturelles et de leurs prix, de même que par l’augmentation du prix des projets dont les bienfaits environnementaux et sociaux ne sont pas liés au carbone. Les prix ont augmenté de près de 60 % en 2021, atteignant un prix moyen pondéré global de 4,00 $ US la tonne pour les opérations déclarées.
Pour répondre à la demande croissante en crédits carbone, les marchés volontaires du carbone doivent gagner en envergure. Le groupe de travail sur la mise à l’échelle des marchés volontaires du carbone (en anglais) estime qu’ils devront être 15 fois plus gros d’ici 2030 pour prendre en charge l’investissement requis pour respecter la limite de 1,5 ?. Pour que les changements structurels nécessaires soient apportés, un changement de paradigme doit s’opérer afin que les acheteurs aient accès à des crédits carbone de qualité à des prix transparents. Les vendeurs sont aussi aux prises avec des obstacles, comme la faiblesse des prix, l’imprévisibilité de la demande et l’accès limité au financement. Les marchés volontaires du carbone n’ont pas l’envergure nécessaire pour répondre à la demande croissante en crédits carbone, ce qui entraîne une faible liquidité et un manque d’information sur les prix. Des initiatives sont en cours pour définir des principes clairs et une taxinomie pour les crédits carbone de haute qualité afin d’appuyer la croissance de ces marchés et l’établissement d’un nouveau régime d’intégrité. La demande croissante en crédits carbone assortis d’avantages connexes (bienfaits environnementaux et sociaux non liés à la réduction des émissions de carbone) nourrit elle aussi les appels à l’établissement de critères de qualité. De plus, les participants du marché voient émerger de plus en plus de lignes directrices pour les entreprises qui disent utiliser des crédits carbone pour compenser leurs émissions : les autorités d’un peu partout se penchent de plus en plus près sur les cas possibles d’écoblanchiment.
Une brève histoire des crédits et marchés volontaires du carbone
Les marchés du carbone sont qualifiés de réglementés ou de volontaires. Les marchés réglementés, aussi appelés « systèmes d’échange de droits d’émission », sont créés par les gouvernements nationaux ou régionaux et proposent une approche de la réduction des émissions fondée sur le marché. Les marchés volontaires opèrent hors du régime réglementé et permettent à diverses entités – que ce soit des personnes morales ou physiques, des organismes à but non lucratif ou des municipalités – d’acheter des crédits carbone sur une base volontaire dans le cadre d’activités en tout genre, comme les initiatives de carboneutralité. La majorité des crédits du volet volontaire sont achetés par des organisations du secteur privé, poussées par des objectifs de RSE ou d’ESG.
Lorsqu’il est question de compensation carbone, on parle généralement de la réduction des émissions de GES ou de l’augmentation de la séquestration de carbone (mesurées en tonnes d’équivalents de dioxyde de carbone, ou éq. CO2) servant à compenser les émissions de GES produites ailleurs. Le terme « offset », qui désigne le même concept en anglais, a commencé à être utilisé dans le contexte des émissions à la fin des années 1970 (en anglais) dans la Clean Air Act des États-Unis, qui permettait les nouvelles émissions dans des zones polluées seulement si des réductions venaient les compenser. Ces termes sont passés dans le langage populaire au début des années 2000, lorsque des marchés du carbone ont émergé à la suite du Protocole de Kyoto. La « compensation carbone » se distingue du « crédit carbone », un instrument financier transférable reconnu par un gouvernement ou un organisme de certification indépendant qui représente une réduction d’émission d’une tonne d’éq. CO2. Sur le marché du carbone, on entend aussi des termes comme « réduction d’émissions vérifiée » et « réduction certifiée des émissions ».
La première opération de compensation volontaire documentée a eu lieu en 1989, mais ce n’est qu’en 1997 que les premiers crédits carbone du marché volontaire ont été créés, dans le cadre du projet de plantation d’arbres de Scolel’te, au Mexique. En 2003, le premier marché au comptant et à terme électronique de compensation carbone a vu le jour. La Chicago Climate Exchange (CCX) a établi le prix courant pour les réductions volontaires d’émissions et les crédits connexes, appelés « instruments financiers du carbone ». La CCX a cessé la négociation de crédits carbone à la fin de 2010 en raison de l’inactivité des marchés du carbone américains, mais depuis, de nombreuses plateformes pour la négociation de crédits volontaires ont été créées, dont la AirCarbon Exchange (ACX), la Carbon Trade eXchange (CTX) et Xpansiv.
Les crédits du marché volontaire sont générés par des projets qui évitent, réduisent ou retirent des émissions de GES et sont validés et vérifiés selon les règles d’un programme sélectionné. Le marché volontaire compte plusieurs programmes, protocoles et normes. Parmi les principaux programmes de compensation, notons le Verified Carbon Standard (VCS) de Verra, le Gold Standard et Plan Vivo. Les programmes du genre partagent certains critères d’approbation de projets, mais chacun a sa propre approche pour la validation et la vérification. Pour qu’un projet de compensation génère des crédits carbone, il faut démontrer que les réductions d’émissions qui en découlent répondent à certains critères de qualité : elles doivent être réelles, mesurables, permanentes, nouvelles et uniques. Sur le marché volontaire, les crédits carbone peuvent être achetés auprès d’un promoteur de projet, d’un courtier, d’une bourse ou d’un revendeur. Certaines bourses facilitent les opérations sur crédits carbone, mais le marché volontaire fonctionne majoritairement de gré à gré, d’où le manque de liquidité et de transparence quant aux prix. Certaines bourses mettent en relation des acheteurs et des vendeurs sur des plateformes pair-à-pair.
La grande majorité des répondants à un sondage réalisé par Ecosystem Marketplace ont dit préférer les opérations bilatérales entre promoteurs de projets et acheteurs finaux. Les répondants ont aussi indiqué que les marchés de détail donnent l’occasion à ceux et celles qui comprennent le mieux les projets de participer au marché. Comme nous l’avons mentionné plus haut, des plateformes et marchés à terme ont émergé pour faciliter les opérations volontaires sur des crédits carbone. Les crédits carbone peuvent aussi être négociés comme des jetons sur une bourse numérique, comme sur une plateforme traditionnelle. Ecosystem Marketplace rapporte que la cryptomonnaie est la méthode la moins prisée pour la négociation de crédits carbone volontaires, mais que la chaîne de blocs est tout de même perçue comme une nouvelle source de demande sur le marché volontaire, lorsque les crédits sont convertis en jetons cryptographiques et rattachés à des chaînes de blocs. Pour que ces jetons soient conformes aux normes d’émission, de nombreuses organisations (dont Verra, Gold Standard et l’Association internationale pour l’échange de droits d’émission) ont lancé des consultations ou des initiatives pour régler les problèmes de qualité issus de l’utilisation de chaînes de blocs dans les marchés du carbone.
Le prix des crédits carbone varie énormément et dépend du type de projet compensatoire, de la norme utilisée pour le certifier, de l’endroit où il est situé et de ses bienfaits connexes. Les grands écarts dans les prix reflètent la diversité des préférences des acheteurs et de la propension à payer pour des crédits carbone volontaires. Selon Ecosystem Marketplace, en 2021, le prix moyen était de 5,80 $ US/Mt d’éq. CO2 pour les projets de foresterie et d’aménagement du territoire, de 2,26 $ US/Mt d’éq. CO2 pour les projets d’énergie renouvelable, de 1,99 $ US/Mt d’éq. CO2 pour les projets d’efficacité énergétique et de remplacement des hydrocarbures, et de 3,62 $ US/Mt d’éq. CO2 pour les projets de gestion des déchets.
La négociation de crédits carbone volontaires comporte différents risques selon le type de projet dont ils sont issus. Pour certains, comme les projets agricoles et les projets de gestion foncière, la compensation est plus à risque de régresser si le niveau attendu de réduction permanente n’est pas atteint. Dans un tel cas, les programmes volontaires retirent des crédits carbone des fonds régulateurs prévus à cet effet.
Selon le rapport State of the Voluntary Carbon Markets 2022 Q3, publié en août 2022 par Ecosystem Marketplace, la catégorie de projets ayant connu le plus d’opérations en 2021 est la foresterie et l’aménagement du territoire, avec 227,7 Mt d’éq. CO2 (46 % du volume total des opérations de 2021), suivie par l’énergie renouvelable, avec 211,4 Mt d’éq. CO2 (43 % du volume total). À mesure que les projets d’énergie renouvelable deviennent plus abordables (c’est-à-dire que le marché du carbone devient nécessaire seulement pour la mise en place de certains projets de cette catégorie dans certains pays), les réductions d’émissions qui en sont issues seront de moins en moins reconnues par les organismes de normalisation. Certains programmes dominent le marché volontaire. Selon Ecosystem Marketplace, en 2019, c’était le cas de VCS, qui avec les certifications VCS et VCS+CCB (climat, communauté et biodiversité) était responsable de 66,2 % du volume d’opérations. Jusqu’à maintenant, les sociétés acheteuses européennes génèrent de loin la plus forte demande sur le marché volontaire – en 2019, elles ont acheté 63 % des crédits carbone volontaires (en anglais) (23,5 millions de crédits). Les acheteurs nord-américains suivent avec 12,2 millions de crédits, soit près de 33 % du marché.
Le rôle des crédits carbone dans les engagements climatiques des entreprises
Comme nous l’avons mentionné plus haut, le nombre d’entreprises ayant pris des engagements de neutralité climatique ou carbone a grandement augmenté pendant la pandémie. Selon Net Zero Tracker, plus du tiers (702) des plus grandes sociétés cotées en bourse du monde ont maintenant des objectifs de carboneutralité, alors qu’une sur cinq (417) en avait en décembre 2020. Dans l’une des premières analyses quantitatives réalisées sur ces engagements, un rapport de 2021 intitulé « Taking Stock: A global assessment of net zero targets », on note que ces sociétés revendiquent ensemble un chiffre d’affaires de près de 1 400 milliards de dollars américains.
Les efforts des sociétés pour atteindre la carboneutralité ont révélé les faiblesses de la méthode traditionnelle de compensation, qui consistait à simplement contrebalancer les émissions. En fait, elle pourrait décourager les sociétés à déployer de véritables efforts de réduction. Un changement de mentalité s’est opéré quant au rôle de la compensation dans les engagements climatiques. Selon la nouvelle approche, l’utilisation de crédits carbone est une mesure qui s’ajoute aux réductions et qui ne doit pas être un frein aux actions concrètes. De plus, les marchés du carbone sont vus comme des outils pour rehausser les ambitions et mobiliser les investissements pour la conservation et la restauration d’écosystèmes.
Cette nouvelle approche transparaît dans des programmes comme la Science-based Target Initiative (SBTi), qui propose aux sociétés qui adoptent des cibles qu’elle approuve une voie vers la réduction des émissions qui s’aligne avec les objectifs de température de l’Accord de Paris. La norme Net-Zero Standard de la SBTi explique le rôle de la décarbonation dans les stratégies de carboneutralité des entreprises. Selon cette norme, des stratégies appuyées par la science doivent :
- prévoir des réductions d’émissions cohérentes avec la limite d’augmentation de 1,5 ? avant 2050;
- prévoir des objectifs à court terme et des actions rapides pour réduire les émissions dans un horizon de 5 à 10 ans, toujours conformément à l’objectif de 1,5 ?;
- viser une décarbonation de 90 à 95 % dans toutes leurs activités d’ici 2050;
- limiter la dépendance à la capture de haute qualité du carbone pour neutraliser les émissions qui n’ont pas encore pu être élimées (5-10 %);
- prévoir une vérification externe des cibles et un rapport annuel sur l’avancement.
Avec la norme Net-Zero Standard, la SBTi encourage les sociétés à investir davantage dans des activités d’atténuation au-delà de leur chaîne de valeur dans l’espoir d’atteindre la cible de 1,5 ?. Toutefois, elle note que ces investissements ne se substituent pas aux efforts de réduction et ne servent pas à atteindre l’objectif de décarbonation à 90 % ou plus.
L’émergence d’un nouveau paradigme
Les marchés du carbone volontaires d’aujourd’hui sont fragmentés : de nombreuses normes se font concurrence pour les projets de compensation, chacune ayant des caractéristiques qui lui sont propres (type de projet, lieu), et les acheteurs ont des préférences diversifiées. Ce faisant, acheteurs et vendeurs doivent souvent s’engager dans un processus long et inefficace pour négocier des crédits carbone de gré à gré. Le manque de liquidité constitue un autre obstacle à la fiabilité des prix et du financement. Les marchés volontaires du carbone ont essuyé d’autres critiques au fil des années : mauvaise intégrité environnementale des compensations, écoblanchiment et affirmations trompeuses sont parmi les plus citées. Les réductions auraient aussi tendance à être surestimées pour certains types de projets. Certains craignent par ailleurs que les crédits carbone incitent les entreprises à compenser leurs émissions au lieu de les réduire, ce qui nuirait aux efforts globaux de carboneutralité. L’intégrité des marchés volontaires du carbone est donc perçue comme une caractéristique essentielle pour qu’ils inspirent confiance.
En réaction aux doutes sur la qualité, plusieurs initiatives publiques et multipartites ont été lancées pour évaluer l’intégrité des crédits carbone et donner des orientations sur leur utilisation dans des déclarations climatiques. Nous nous attarderons à deux initiatives notables : l’Integrity Council for the Voluntary Carbon Market et l’Initiative sur l’intégrité des marchés volontaires du carbone (en anglais). Les gouvernements regardent aussi de plus en plus près le recours aux crédits carbone dans les stratégies climatiques des entreprises. La Securities and Exchange Commission des États-Unis et l’Union européenne sont toutes deux en train d’élaborer un règlement sur la communication d’information liée au climat (en anglais) et à la durabilité (en anglais) qui vise notamment l’information sur les crédits carbone et a pour but d’assurer la bonne gestion des risques climatiques. De plus, les initiatives d’évaluation des crédits carbone (comme Sylvera, Calyx et BeZero) et les outils comme la Carbon Credit Quality Initiative cherchent à accentuer la transparence et la qualité des crédits carbone.
Les principes fondamentaux du carbone selon l’ICVCM
L’Integrity Council for the Voluntary Carbon Market (ICVCM) a été créé en 2021 par le Taskforce on Scaling Voluntary Carbon Markets (TSVCM) à titre d’organe de gouvernance indépendant pour l’établissement de normes mondiales d’intégrité des marchés volontaires du carbone.
En juillet 2022, l’ICVCM a lancé une consultation publique sur la version provisoire de ses principes fondamentaux (en anglais) (Core Carbon Principles, ou CCP), qui se veulent une norme mondiale sur la qualité des crédits carbone. Ils étaient accompagnés d’un cadre et d’une procédure d’évaluation (en anglais) servant à orienter leur application et à définir les programmes et méthodologies compatibles avec leurs critères. Le 29 mars 2023, l’ICVCM a publié la version finale des CCP (en anglais), qui établit les principes fondamentaux pour des crédits de haute qualité qui, selon l’état des connaissances scientifiques et les meilleures pratiques, ont une incidence concrète et vérifiable sur l’environnement. L’ICVCM a aussi publié la première partie de son cadre d’évaluation des programmes, qui établit des critères détaillés à utiliser pour déterminer si un programme de crédits carbone répond aux CCP.
Les CCP sont conçus pour susciter la confiance, pour favoriser les investissements et pour faire croître les marchés volontaires du carbone. Ils proposent pour ce faire des critères pour reconnaître facilement les crédits carbone de grande intégrité, peu importe le programme dont ils sont issus, leur type ou l’endroit où ils sont générés. L’ambition de l’ICVCM est de remédier à la fragmentation du marché et de donner aux intéressés la certitude que les projets financés ont un impact réel sur les émissions.
Il s’agit de 10 principes généraux qui viennent uniformiser la vérification de l’intégrité des crédits carbone afin qu’ils aient des effets réels, nouveaux et vérifiables sur l’environnement. Ils sont organisés sous trois piliers, comme suit :
Gouvernance
- Gouvernance efficace : La gouvernance du programme de crédits carbone doit être efficace, de façon à assurer sa transparence, la reddition de compte, son amélioration continue et la qualité globale des crédits.
- Suivi : Le programme doit tenir ou utiliser un registre pour identifier les activités d’atténuation ainsi que les crédits carbone émis, les consigner et en assurer le suivi, de sorte qu’ils puissent être identifiés d’une manière sûre et sans ambiguïté.
- Transparence : Le programme doit donner de l’information complète et transparente sur toutes les mesures d’atténuation donnant droit à des crédits. L’information doit être accessible au public, y compris à des non-spécialistes, dans un format électronique, pour que les activités puissent être surveillées.
- Validation et vérification rigoureuses par un tiers indépendant : Le programme doit prévoir la validation et la vérification rigoureuses des activités d’atténuation par un tiers indépendant.
Effets des émissions
- Additionnalité : Les réductions et les retraits d’émissions de GES issus des activités d’atténuation doivent être nouveaux (ils n’auraient pas eu lieu en l’absence de l’incitatif créé par les revenus tirés des crédits carbone).
- Permanence : Les réductions et les retraits d’émissions de GES issus des activités d’atténuation doivent être permanents. S’il y a un risque de renversement, des mesures doivent être en place pour l’atténuer et pour le contrebalancer s’il se concrétise.
- Quantification rigoureuse des réductions et des retraits d’émissions : Les réductions et les retraits d’émissions de GES issus des activités d’atténuation doivent être rigoureusement quantifiés, selon une approche prudente, de manière exhaustive et en employant des méthodes scientifiques éprouvées.
- Double comptage : Les réductions et les retraits d’émissions de GES issus des activités d’atténuation ne doivent pas être comptés deux fois (ils ne peuvent être comptés qu’une fois pour l’atteinte des cibles ou des objectifs d’atténuation). L’interdiction vise la double émission, la double réclamation et la double utilisation.
Développement durable
- Bienfaits pour le développement durable et mesures de protection : Le programme doit donner des orientations, des outils et des procédures clairs pour que les activités d’atténuation soient conformes ou supérieures aux meilleures pratiques reconnues du secteur en ce qui concerne les mesures de protection sociales et environnementales, et aient des effets positifs sur le développement durable.
- Contribution à la transition vers la carboneutralité : Les activités d’atténuation doivent éviter de faire intervenir des niveaux d’émissions de GES, des technologies ou des pratiques qui sont incompatibles avec l’objectif d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050.
Les CCP se concrétisent par l’intermédiaire du cadre d’évaluation, qui donne des critères et des outils décisionnels pour chacun d’eux. Des crédits carbone seront dits conformes aux CCP seulement si le programme dont ils sont issus et la catégorie à laquelle ils appartiennent ont été évalués par l’ICVCM et répondent à ses critères de grande intégrité (climatique, environnementale et sociale). Ce cadre est composé de deux volets : (i) l’évaluation du programme, qui sert à déterminer si un programme de crédits carbone répond aux critères des CCP, et (ii) l’évaluation de la catégorie, portion qui sera publiée à la mi-2023 et qui établira les critères auxquels devront répondre les catégories de crédits.
L’ICVCM souligne que nombre des processus du pilier « gouvernance » concernant les programmes se trouvent dans les exigences du Régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale (en anglais) (CORSIA), établies et adoptées par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Pour alléger le fardeau des programmes de crédits carbone, l’ICVCM a décidé que ceux qui sont déjà admissibles selon CORSIA le seraient aussi pour l’application du cadre d’analyse, à condition qu’ils répondent en plus aux exigences de sa section 3.
À partir de la mi-2023, les programmes de crédits carbone pourront soumettre une demande via la plateforme de l’ICVCM. Les demandes seront étudiées d’après les critères du volet du cadre d’évaluation applicable aux programmes et selon les étapes de la procédure d’évaluation. Les premières autorisations d’utilisation de la mention CCP devraient être données plus tard en 2023.
Principes de la VCMI
L’Initiative sur l’intégrité des marchés volontaires du carbone (VCMI) est une initiative multipartite qui vise à établir des lignes directrices pour l’utilisation hautement intègre de crédits carbone volontaires par les entreprises. En juin 2022, la VCMI a publié son Code de pratique provisoire sur les déclarations (en anglais) (le « Code de pratique ») pour consultation publique et mise à l’essai en entreprise; une version finale doit être publiée plus tard en 2023. La VCMI propose aussi dix principes pour l’action volontaire de l’entreprise sur le climat (en anglais), qui concernent à la fois l’offre et la demande dans le marché volontaire du carbone et encouragent les entreprises à mener une action climatique :
- scientifique;
- complète;
- orientée sur l’équité;
- positive pour la nature;
- rapide;
- à grande échelle;
- transparente;
- activant les contributions déterminées au niveau national (CDN);
- cohérente;
- collective et prévisible.
Les principaux objectifs du Code de pratique sont les suivants : (i) fournir des conseils clairs aux entreprises et autres acteurs non étatiques sur le moment où ils peuvent utiliser de manière crédible des crédits carbone dans le cadre de leurs engagements zéro émission nette; (ii) garantir la crédibilité des déclarations formulées par les entreprises et autres acteurs privés non étatiques concernant cette utilisation des crédits carbone.
Le Code de pratique est inspiré des Principes pour une action climatique volontaire de grande envergure et de grande intégrité de la part des entreprises de la VCMI (voir l’annexe A du Code de pratique) et des Critères de conception des directives sur les déclarations (voir l’annexe B du Code de pratique), plus ciblés.
Le Code de pratique prévoit quatre étapes que les entreprises doivent suivre pour formuler des déclarations crédibles sur leur utilisation volontaire de crédits carbone : (1) satisfaire aux prérequis de sorte qu’elles utilisent uniquement des crédits carbone en plus de la décarbonation scientifique, et non en remplacement de celle-ci, dans leurs chaînes de valeur; (2) identifier la ou les déclarations à faire (à l’échelle de l’entreprise ou au niveau de la marque, du produit et du service); (3) acheter des crédits de haute qualité qui sont associés à un organisme de normalisation reconnu et régi de manière crédible; (4) faire un rapport transparent sur l’utilisation des crédits carbone dans des rapports annuels sur la durabilité ou d’autres rapports similaires accessibles au public afin de démontrer que les prérequis et les exigences en matière de déclarations ont été satisfaits.
Le Comité directeur et le Groupe consultatif d’experts de la VCMI étudient actuellement les commentaires des parties prenantes et entendent terminer la version finale du Code de pratique plus tard en 2023. La VCMI a déjà ciblé des aspects à améliorer :
- analyse financière et analyse des émissions afin de mieux comprendre les probabilités que le Code de pratique soit adopté dans divers secteurs et zones géographiques à long terme;
- analyse des répercussions et implications potentielles de l’inclusion des crédits carbone associés aux ajustements correspondants dans les opérations du marché volontaire du carbone sur la disponibilité des crédits, sur leur prix, sur les décisions d’achat et sur la réalisation et l’amélioration des CDN des pays;
- développement de méthodologies et de structures visant à évaluer les progrès des entreprises vers la réalisation de leurs objectifs intermédiaires de réduction des émissions;
- élaboration de directives plus claires sur la quantification, la comptabilisation et la définition des objectifs pour les émissions du champ d’application 3.
Prochains enjeux
Les marchés volontaires du carbone sont de plus en plus vus comme un moyen efficace pour les entreprises d’atténuer leurs émissions et de reconnaître que les changements climatiques peuvent, et devraient, entraîner une réponse plus radicale que ce qui est exigé par la loi. La compensation est un outil important pour atteindre la carboneutralité, mais elle ne doit pas être un substitut à la réduction pure et simple des émissions. Elle doit être utilisée comme solution complémentaire aux activités de réduction, ou comme une façon de financer des réductions supplémentaires permettant de dépasser les cibles. Les marchés volontaires du carbone regorgent de possibilités pour les entreprises canadiennes, surtout vu que les régimes conçus pour des secteurs où les émetteurs ne sont pas réglementés se font rares. Toutefois, pour qu’ils atteignent leur plein potentiel, leur infrastructure et la qualité de leurs crédits carbone doivent inspirer certitude et confiance chez les participants. Une norme mondialement reconnue sur l’intégrité des projets de réduction des émissions et des crédits carbone devrait être d’une grande aide à cet égard. Les parties prenantes de tous les secteurs attendent avec impatience de voir si les différentes initiatives sur la qualité des crédits carbone donneront l’élan et la réputation nécessaire aux marchés volontaires du carbone.
Pour toute question, n’hésitez pas à communiquer avec un membre du groupe Responsabilité sociale d’entreprise et marché du carbone de Miller Thomson.
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