Le 15 novembre 2024, Sécurité publique Canada (« SPC ») a publié ses plus récentes lignes directrices pour aider les entreprises à s’y retrouver dans la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement au Canada (la « Loi »). Cette troisième édition s’inscrit dans la continuité des versions précédentes publiées le 20 décembre 2023 et le 5 mars 2024, dont il a été question dans les précédentes infolettres de MT Biosphère (voir l’infolettre de décembre 2023 et l’infolettre de mars 2024). S’appuyant sur son analyse des déclarations soumises cette année, SPC a mis à jour ses lignes directrices afin de mieux accompagner les organisations dans leur prochaine obligation de faire rapport d’ici le 31 mai 2025.
Les lignes directrices mises à jour apportent des clarifications destinées à accompagner les entreprises dans leur conformité à la Loi et à améliorer la transparence de leur chaîne d’approvisionnement.
Une « entité » au sens de la Loi ne doit faire rapport que si elle est engagée dans la production ou l’importation de marchandises
Les lignes directrices mises à jour réaffirment l’interprétation antérieure de SPC selon laquelle la Loi n’impose une obligation de faire rapport qu’aux « entités » engagées dans les activités suivantes :
- la production de marchandises, au Canada ou ailleurs;
- l’importation de marchandises produites à l’extérieur du Canada; ou
- le contrôle d’une autre entité qui se livre à une activité décrite dans a) ou b) ci-dessus.
Cette interprétation est fondée sur l’article 11 de la Loi, qui limite l’obligation de faire rapport aux mesures visant à prévenir et à réduire les risques de travail forcé et de travail des enfants dans la production de marchandises au Canada ou ailleurs par l’entité, ou de marchandises importées au Canada par l’entité. Dorénavant les lignes directrices révisées précisent explicitement que les entités qui s’occupent uniquement de distribution et de vente ne sont pas tenues de produire une déclaration en vertu de la Loi et qu’aucune mesure d’application de la Loi ne sera appliquée dans ces cas.
Toutefois, SPC a indiqué dans son résumé des lignes directrices mises à jour que les déclarations préparées à l’aide des versions précédentes des lignes directrices seront également acceptées pour l’année de déclaration 2025. De plus, même si elle est facultative, une déclaration annuelle volontaire en vertu de la Loi permettrait aux organisations de mettre en lumière leur engagement contre le travail forcé et le travail des enfants, tout en affirmant leur intégrité et leur engagement en faveur de pratiques commerciales responsables.
Faire le choix d’une déclaration volontaire peut offrir des avantages concrets, comme de meilleurs scores ESG, la diminution du coût en capital, une meilleure réputation et un avantage concurrentiel, une façon pour les organisations de prouver leur engagement en tant qu’entreprises citoyennes responsables tout en attirant des clients, des partenaires et des occasions valorisant l’éthique des affaires.
Éclaircissements concernant les « marchandises » produites ou importées
Les lignes directrices mises à jour clarifient les types de marchandises visées par la Loi lorsque celle-ci prévoit que les obligations de faire rapport ne s’appliquent qu’aux entités qui produisent des marchandises au Canada ou qui importent des marchandises au Canada. Selon SPC, seules les marchandises physiques corporelles qui font l’objet d’échanges et de commerce sont visées par la Loi et ces nouvelles lignes directrices permettent de confirmer que certains types de marchandises sont explicitement exclus de la définition, en particulier l’immobilier, l’électricité, les services logiciels et les produits d’assurance.
Éclaircissements concernant l’expression « posséder des actifs au Canada »
Les lignes directrices mises à jour éclaircissent également le sens de l’expression « posséder des actifs au Canada » utilisée dans les seuils pour les actifs de la Loi prévus à l’alinéa b) de la définition du terme « entité » et précise qu’une organisation ne doit pas inclure les actifs incorporels tels que la propriété intellectuelle, les titres et l’achalandage dans son évaluation, lorsqu’elle détermine si elle possède des actifs au Canada.
Cela signifie qu’une société mère dont les seuls actifs au Canada seraient les actions de sa filiale canadienne ne serait pas considérée comme possédant des « actifs au Canada ».
Cette distinction se démarque des lignes directrices en ligne de SPC publiées en décembre 2023, qui définissaient les actifs comme des marchandises appartenant à une personne ou à une entreprise, tels que les placements et les actifs incorporels, comme l’achalandage.
Éclaircissements concernant les sept éléments de déclaration requis par la loi
Les lignes directrices mises à jour fournissent également des renseignements supplémentaires sur ce qui est attendu des entités déclarantes en ce qui concerne les sept éléments de déclaration obligatoire prévus à l’article 11(3) de la Loi. Ces renseignements supplémentaires établissent des recommandations plutôt que des prescriptions, comme on peut le déduire de l’utilisation répétée dans les lignes directrices révisées d’expressions telles que « les entités peuvent inclure ».
Des informations supplémentaires importantes sont fournies dans les lignes directrices révisées, notamment le fait que :
- les déclarations doivent indiquer les pays d’origine ou les régions d’origine de chacun des biens et services utilisés dans la chaîne d’approvisionnement des entités;
- le chevauchement entre les étapes sur les procédures de diligence raisonnable et d’autres sections de la déclaration annuelle est acceptable;
- la chaîne d’approvisionnement d’une entité comprend notamment tous les fournisseurs de biens et de services qui contribuent aux activités commerciales de l’entité, depuis l’approvisionnement en matières premières jusqu’au produit final, directes et indirectes, tant au Canada qu’à l’étranger. Les lignes directrices révisées reconnaissent que les chaînes d’approvisionnement peuvent être très complexes et que les entités peuvent ne pas avoir de visibilité, mais soulignent la nécessité d’améliorer cette visibilité, dans la mesure du possible;
- l’identification des parties des activités et des chaînes d’approvisionnement d’une entité qui comportent un risque ne signifie pas que le travail forcé ou le travail des enfants est effectivement utilisé;
- les entités ne sont pas tenues de signaler des cas ou allégations spécifiques de travail forcé ou de travail des enfants (si ces renseignements sont inclus dans la déclaration, les entités doivent s’assurer que cela ne compromet pas la vie privée d’une personne);
- si une entité estime qu’il n’y a pas eu de travail forcé ou de travail des enfants dans sa chaîne d’approvisionnement, elle peut indiquer dans sa déclaration que les mesures de remédiation ne s’appliquent pas;
- la formation offerte aux employés doit notamment porter sur son contenu, sa durée, les modes d’évaluation, le nombre d’employés, les groupes et les niveaux des employés qui l’ont reçue;
- les entités sont tenues de rendre compte des mesures prises pour évaluer leur efficacité à garantir que le travail forcé et le travail des enfants ne sont pas utilisés dans leur chaîne d’approvisionnement, et non de donner les résultats de cette évaluation.
Des mesures concrètes plutôt que des déclarations ambitieuses
Les lignes directrices mises à jour mentionnent clairement que la déclaration doit porter sur les mesures concrètes prises pour faire face aux risques de travail forcé et de travail des enfants dans la chaîne d’approvisionnement d’une entité, et ne doit pas être entièrement composée de déclarations ambitieuses sur ce que l’entité a l’intention de faire ou sur les valeurs qu’elle défend. La déclaration doit se concentrer sur les mesures prises au cours de l’exercice précédent.
Éclaircissements concernant la notion de « transactions très mineures » dans les lignes directrices mises à jour par Sécurité publique Canada
Les lignes directrices mises à jour apportent un éclairage à l’expression « transactions très mineures » utilisée dans les lignes directrices précédentes de SPC. Selon cette dernière, il n’existe pas de seuil prescrit pour la valeur minimale des marchandises qu’une entité doit produire ou importer pour être soumise à l’obligation de déclaration prévue par la Loi et les termes, tels qu’ils sont utilisés dans la Loi, doivent être compris comme excluant les « transactions très mineures ». Pour SPC, cette expression peut être interprétée conformément aux principes de minimis généralement acceptés et évaluée dans le contexte des activités de chaque entité.
Héritée du droit romain, l’expression « de minimis » signifie « la loi ne se préoccupe pas des détails insignifiants ». En pratique, ce principe fixe le seuil en deçà duquel les infractions sont jugées trop mineures pour justifier une intervention réglementaire ou une sanction. Souvent, le principe de minimis est illustré par un seuil minimum prescrit. Par exemple, dans les lois du Canada en matière de valeurs mobilières, une société cotée en bourse peut demander la révocation de son statut d’« émetteur assujetti » si pas plus de 2 % de ses titres sont détenus par des résidents du Canada et que ceux-ci ne représentent pas plus de 2 % du total des détenteurs de titres de cette société dans le monde. De la même manière, en vertu de la réglementation en matière de douanes, un article fabriqué avec une quantité de matériaux provenant d’un pays spécifique (souvent fixée à 7 % ou moins de l’ensemble de l’article) ne sera pas considéré comme provenant de ce pays et sera exonéré des droits et taxes applicables.
Dans le cadre d’accords commerciaux, tels que l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), les seuils de minimis applicables aux importations par messager sont explicitement indiqués par l’Agence des services frontaliers du Canada : 150 $ CA pour les droits de douane et 40 $ CA pour les taxes. Les règles commerciales utilisent également des seuils basés sur des pourcentages, comme la marge de dumping de minimis de 2 % (exprimée en pourcentage du prix à l’exportation) dans le cadre de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de l’Organisation mondiale du commerce.
Toutefois, les lignes directrices mises à jour ne précisent pas les seuils pour les « transactions très mineures » au sens de la Loi. Par conséquent, les entreprises doivent interpréter ce terme dans le contexte de leurs activités. Malgré la référence aux principes généraux de minimis, le manque d’un seuil minimum explicite crée une incertitude qui contraint les entreprises à évaluer leurs activités avec soin et à consulter des experts juridiques lorsque nécessaire.
Ce qu’il faut savoir concernant les nouvelles règles de signature des déclarations annuelles
En dernier lieu, les lignes directrices mises à jour prévoient que la version PDF de la déclaration annuelle déposée par une entité déclarante en vertu de la Loi doit contenir la signature manuscrite ou électronique de la personne qui signe l’attestation requise. Le simple fait de taper le nom du signataire précédé de la mention « signé » n’est pas suffisant pour répondre aux exigences de la Loi. Cette pratique diffère de celle utilisée par les sociétés cotées en bourse lorsqu’elles déposent leurs informations publiques auprès des autorités de réglementation des valeurs mobilières au Canada.
Qu’est-ce que cela signifie pour votre entreprise?
Les lignes directrices mises à jour réduisent l’application de l’obligation de faire rapport en vertu de la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement, et cette obligation ne vise plus que les entreprises engagées dans la production ou l’importation de marchandises. Elles fournissent également des attentes plus claires quant à la forme et au contenu des déclarations annuelles exigées par la Loi.
Si votre organisation est visée par l’obligation de faire rapport et que votre exercice financier correspond à une année civile, c’est le moment de revoir votre programme de conformité visant à traiter les enjeux de travail forcé et de travail des enfants. La prochaine date limite pour la présentation des déclarations est le 31 mai 2025 et votre déclaration annuelle doit préciser les mesures mises en œuvre avant le 31 décembre 2024.
L’équipe Responsabilité sociale d’entreprise (ESG) et marché du carbone de Miller Thomson peut vous accompagner dans l’évaluation de vos pratiques actuelles et veiller à ce que votre programme de conformité soit conforme aux normes en constante évolution de la Loi.