Les sociétés minières ont la possibilité de jouer un rôle de premier plan dans la mise en place de mesures visant à répondre aux défis complexes des changements climatiques, de la perte du capital naturel et d’autres facteurs de durabilité. Nous vous invitons à prendre connaissance de nos dix priorités pour les sociétés minières et autres entreprises lors de l’élaboration et de la mise en œuvre d’un cadre d’intégration des critères ESG. Les auteurs souhaitent remercier Hashim Ahmed, chef des services financiers de Jaguar Mining et Francisca Quinn, du cabinet Quinn & Partners, pour les précieux renseignements qu’ils nous ont fournis et dont nous avons tenu compte tout au long de cette analyse.
1. Les facteurs ESG sont bons pour les affaires
Les sociétés minières ont tout intérêt à prendre des engagements ESG et à en rendre compte. À vrai dire, toutes les parties prenantes s’attendent à ce que l’ensemble des entreprises se penchent sur les questions ESG (clients, investisseurs, employés, communautés, etc.). Outre la création de valeur pour les parties prenantes, toute entreprise qui surveille les enjeux ESG et en rend compte contribuera à la réduction des risques associés à ses projets et sera également mieux préparée lorsque viendra le moment de se conformer aux règlements à venir et aux normes en matière d’obligation d’information. Les investisseurs à long terme, notamment les régimes de retraite, orientent leurs portefeuilles vers un objectif de « zéro émission nette » d’ici 2050, reconnaissant que cet objectif constitue un risque systémique pour leurs portefeuilles et le système économique.
Le leadership en matière d’ESG porte sur l’excellence volontaire et sur l’intégration de résultats environnementaux et sociaux positifs au modèle d’affaires. Par exemple, soutenir les populations autochtones en leur offrant la possibilité d’investir dans les projets et de participer aux appels d’offres, en améliorant le niveau de vie de la communauté et en procédant à la décarbonation des activités et de la chaîne d’approvisionnement. Il est également important d’investir dans le capital humain, notamment en mobilisant les employés et en créant des lieux de travail inclusifs. Les recherches démontrent à quel point ces mesures augmentent l’attraction et la fidélisation des employés, et réduisent les coûts de main-d’œuvre. Les entreprises qui ne se soucient pas de leurs employés, de leurs clients et de leurs communautés ne seront plus en activité d’ici 10 à 20 ans. La focalisation sur les questions ESG peut également déboucher sur de nouveaux modèles d’affaires, par exemple dans le domaine de la transition énergétique et des activités à zéro émission nette.
2. Les sociétés minières doivent prendre conscience du nouveau cadre mondial pour la protection de la biodiversité
En décembre 2022, les parties à la Convention des Nations unies sur la biodiversité (« COP 15 ») se sont réunies pour faire progresser l’action mondiale en matière de lutte contre l’appauvrissement de la biodiversité. Cette convention s’est conclue par l’adoption du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal (le « cadre mondial ») composé de 23 objectifs d’ici 2030 et de 4 objectifs d’ici 2050 visant à enrayer la perte de biodiversité et à restaurer les écosystèmes. Les principaux objectifs du Canada à cet égard sont la protection de 30 % des terres et des eaux d’ici 2030, le respect des droits des peuples autochtones et la lutte contre les principaux facteurs de perte de biodiversité, notamment la pollution et la surexploitation des habitats naturels. Les participants à la COP 15 ont également conclu une série d’accords connexes visant à faciliter la mise en œuvre du cadre mondial (y compris la planification, le suivi, l’obligation d’information et l’examen), la mobilisation des ressources et le renforcement des compétences. Grâce à la mise en œuvre des nouvelles initiatives du cadre mondial, nous nous attendons à ce que les investisseurs examinent de plus près les sociétés minières qui exercent leurs activités dans des zones de haute valeur sur le plan de la biodiversité. Les objectifs les plus stricts du cadre mondial devraient probablement inciter les investisseurs à intégrer les facteurs de biodiversité dans leurs processus décisionnels d’allocation de capital, et nous nous attendons à voir un nombre croissant de sociétés minières harmoniser leurs activités aux nouveaux objectifs de protection de la biodiversité.
3. Convergence des normes de durabilité
Les entreprises cherchent à avoir une meilleure compréhension des normes de durabilité et à mieux les utiliser pour répondre à la demande croissante d’informations sur les questions ESG de la part des investisseurs. Un nombre impressionnant de normes en matière de durabilité sont actuellement en vigueur. Toutefois, nous constatons qu’une certaine convergence commence à émerger. En effet, en mars 2022, l’International Sustainability Standard Board (l’« ISSB »), créé par l’IFRS Foundation en novembre 2021, a publié deux exposés-sondages, connus sous les noms de IFRS S1 et IFRS S2. L’IFRS S1 porte sur les exigences générales relatives à la publication d’informations financières en matière de durabilité. L’IFRS S2, dont l’architecture est construite sur les recommandations du cadre du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (« GTIFCC »), porte sur la publication des informations relatives au climat. L’IFRS S2 intègre également des exigences de communication d’information propres à l’industrie et s’inspirant des normes du Sustainability Accounting Standards Board (« SASB »).
Lors du symposium inaugural des IFRS sur la durabilité qui s’est tenu en février 2023 à Montréal, l’ISSB a annoncé que ses normes IFRS S1 et IFRS S2 ne feraient pas l’objet d’une republication pour commentaires et qu’elle comptait entamer le processus de vote menant à leur adoption. L’ISSB prévoit de publier la version définitive de ces deux normes vers la fin du deuxième trimestre 2023, la date d’entrée en vigueur étant fixée au 1er janvier 2024, ce qui signifie que les normes IFRS S1 et IFRS S2 devraient entrer en vigueur pour les périodes de rapport annuel commençant le 1er janvier 2024 ou après.
4. Les entreprises doivent être conscientes de l’évolution du contexte de consultation des populations autochtones
En 2019, la province de la Colombie-Britannique a adopté la Declaration on the Rights of Indigenous Peoples Act dans le but de soutenir et de mettre en œuvre, dans cette province, la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (la « DDPA »). En 2021, le gouvernement fédéral a adopté une loi semblable (la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones) dans le cadre de laquelle il s’engage à prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les lois du Canada soient conformes à la DDPA. Un article souvent cité de la DDPA exige que les États consultent les peuples autochtones et coopèrent avec eux « en vue d’obtenir leur consentement, donné librement et en connaissance de cause, avant l’approbation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires et autres ressources ». Alors que la Colombie-Britannique et le Canada déploient des efforts pour harmoniser leurs lois en vue de respecter l’esprit de cet article et des autres articles de la DDPA, les lois et les politiques relatives à la consultation des populations autochtones et à l’évaluation des projets d’exploitation des ressources vont forcément continuer de progresser.
5. La participation significative peut être différente pour chaque nation autochtone
L’obligation de consulter incombant à la Couronne, qui s’applique lorsque le gouvernement a connaissance de l’existence potentielle de droits ou de titres ancestraux et qu’il envisage un comportement susceptible d’y porter atteinte, se pose souvent lors de l’analyse de projets d’exploitation minière. Il arrive fréquemment que la Couronne délègue les aspects procéduraux de cette consultation à l’entreprise qui a présenté la demande d’approbation du projet. Les entreprises doivent se demander s’il convient de mettre en œuvre des protocoles de consultation distincts pour traiter avec les différentes structures de gouvernance autochtones, en particulier lorsqu’il y a divergence d’opinions entre le conseil de bande élu et d’autres groupes qui prennent la parole au nom de l’ensemble de la nation autochtone ou d’une partie de celle-ci, notamment les chefs héréditaires ou une confédération. Les entreprises doivent également effectuer des recherches avant de s’adresser à une structure de gouvernance autochtone, afin de connaître son histoire, ses priorités actuelles et sa position à l’égard d’autres projets d’exploitation de ressources minières ou naturelles.
6. Obligations d’information sur les enjeux ESG – comment transformer les défis en possibilités?
L’obligation d’information sur les enjeux ESG et la numérisation des données sont deux défis majeurs pour de nombreux chefs de directions financières. Toutefois, en conjuguant ces deux tâches, les entreprises peuvent parvenir à une plus grande transparence et à une meilleure cohérence dans la présentation de l’information aux parties prenantes, tout en parvenant à contenir les coûts de conformité. À cette étape, le recours à des systèmes de télémesure environnementale sera utile pour recueillir les données à la source, verser ces données dans les systèmes de gestion des ressources via des applications et analyser les données saisies au moyen de systèmes d’intelligence artificielle fonctionnant 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, afin de signaler toute anomalie. De nos jours, ces étapes peuvent être adaptées à la taille de l’organisation et réalisées à moindre coût.
7. La responsabilité en matière d’ESG passe du « groupe d’experts en durabilité » à une « équipe de gestion de la trésorerie »
Une étude du Diligent Institute réalisée en 2022 révèle que seulement 3 % des entreprises dans le monde utilisent leur comité d’audit pour superviser les questions d’ESG.
Depuis toujours, le comité d’audit est responsable de la surveillance des données financières, de la sélection des auditeurs indépendants et de la réception des résultats des audits internes et externes.
En raison de l’adoption prochaine des normes IFRS S1 et IFRS S2 par l’ISSB et à mesure que les obligations d’information et d’audit sur la durabilité vont se généraliser, le rôle du comité d’audit est appelé à changer et à évoluer vers un rôle de surveillance des renseignements financiers et sur la durabilité de l’entreprise.
Par exemple, la directive de l’Union européenne concernant les rapports sur la durabilité des entreprises (« CSRD ») exige que le comité d’audit se voie confier certaines tâches concernant l’assurance de la présentation de l’information sur la durabilité.Ces tâches comprennent l’obligation de garantir l’intégrité des rapports sur la durabilité et de rapporter la manière dont l’entreprise s’acquitte de cette tâche.
Le fait de limiter le rôle du comité d’audit aux rapports financiers peut occasionner d’éventuels « angles morts » pour les entreprises. En effet, le comité d’audit possède des compétences transférables provenant de la surveillance des activités qui peuvent facilement s’appliquer aux rapports sur la durabilité.
Toutefois, pour cela, la plupart des comités d’audit doivent être sensibilisés aux questions de durabilité (entre autres sur les questions de biodiversité et de perte du capital naturel) au moyen de séances d’information animées par des experts externes et, dans certains cas, par l’ajout au sein de leur structure de membres ayant des connaissances et une expertise ciblées en matière d’ESG.
En dernier lieu, du fait de l’entrée en vigueur de ces nouvelles normes de communication d’information en matière de durabilité, les responsables de la durabilité des sociétés cotées auront davantage recours au service juridique interne et au directeur des affaires juridiques pour bien comprendre ces nouvelles règles.
8. Les sociétés minières peuvent atteindre l’objectif de zéro émission nette sans recourir de manière excessive aux compensations
Même s’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour atteindre l’objectif de « zéro émission nette », une feuille de route de base a été proposée en vue de la décarbonation. Toute entreprise devrait quantifier ses émissions dès le début du projet et, une fois que l’objectif de zéro émission nette aura été adopté, la première étape devrait être de réduire le plus possible ses émissions. L’objectif de « zéro émission nette » est différent de celui de la carboneutralité, qui est une stratégie de premier plan depuis 20 ans. Le concept du zéro émission nette consiste à réduire le plus possible les émissions et à éliminer les émissions restantes grâce à l’absorption. La carboneutralité consiste à neutraliser les émissions en évitant qu’elles soient rejetées ailleurs grâce à des compensations d’émission de carbone. Des émissions de carbone sont encore produites et il n’y a pas d’obligation de réduction. L’ensemble des entreprises et des pays doivent atteindre zéro émission nette d’ici 2050 afin de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C et ainsi éviter les pires conséquences des changements climatiques.
Les entreprises devraient envisager l’intégration de ce processus en quatre étapes :
- Faire la liste de toutes les émissions : mesurer les émissions associées à la combustion des carburants et à la consommation d’électricité;
- Réduire le plus possible les émissions : utiliser des équipements efficaces et électriques pour le chauffage, la ventilation, l’excavation, le concassage, le transport, le camionnage, etc.;
- Remplacer les énergies fossiles par des énergies propres, notamment des énergies renouvelables;
- Utiliser les mesures d’absorption de carbone : reboisement, augmentation de la séquestration de carbone par le sol, captage direct dans l’air et séquestration du carbone.
À l’heure actuelle, 18 sociétés minières dans le monde se sont fixé des objectifs de zéro émission nette. Neuf d’entre elles ont des objectifs fondés sur des données scientifiques. Ces objectifs sont validés par l’initiative Science-based targets (« SBTi »), un programme de validation tiers soutenu par le Carbon Disclosure Project (« CDP »), le Programme des Nations unies pour l’environnement (« PNUE »), le World Resources Institute (« WRI ») et le Fonds mondial pour la nature (« WWF »).
9. L’intégration des considérations relatives à la biodiversité devrait être généralisée dans le secteur minier
Pour que le secteur minier évolue vers une exploitation durable, les sociétés minières doivent avoir une meilleure compréhension de la valeur de la biodiversité, autant pour leurs activités à long terme que pour les communautés locales. L’intégration de considérations relatives à la biodiversité dans les décisions opérationnelles et politiques porte le nom de « d’intégration généralisée » de la biodiversité. Pour pouvoir intégrer la biodiversité dans leurs activités, les entreprises doivent disposer de bons indicateurs. Jusqu’à présent, cela représentait un défi pour de nombreuses sociétés, car les mesures de la biodiversité étaient axées sur les processus plutôt que sur les résultats. La meilleure pratique dans le secteur consiste à instaurer une hiérarchie d’atténuation pour éviter, réduire au minimum, restaurer et ensuite seulement compenser les répercussions sur la biodiversité et les écosystèmes. Cette hiérarchie illustre les fondements de toute approche rigoureuse axée sur les risques visant à gérer les répercussions de l’activité minière et à les atténuer. Les sociétés minières devraient prendre des engagements pour le respect de la biodiversité et adopter des politiques pour contrer les répercussions de leurs activités sur la biodiversité en mettent en pratique la hiérarchie d’atténuation. Une fois que ces engagements auront été pris, les sociétés devraient intégrer à leurs activités les processus nécessaires pour respecter ces engagements, notamment des systèmes de surveillance et de reddition de comptes.
10. Obligations d’information en matière d’ESG – Que doivent savoir les comités d’audit et les directeurs financiers? Quelles sont les sources de préoccupation?
Tout comme l’utilisation sans cesse croissante des mesures non conformes aux PCGR, nous assisterons à une augmentation des rapports sur les facteurs ESG. L’abondance des organismes de normalisation et le manque de cohérence dans la définition des indicateurs clés de performance (« ICP ») pourraient déboucher sur un « écoblanchiment » ou sur des rapports biaisés. Ce risque est d’autant plus grand pour de nombreuses entreprises lorsque l’acceptabilité sociale et environnementale est liée aux ICP en matière d’ESG. Toute production de rapports erronés pourrait entraîner des incertitudes quant à la continuité de l’exploitation pour les entreprises, sans parler de l’augmentation évidente des risques de responsabilité des administrateurs et des dirigeants envers leurs actionnaires, en particulier dans les territoires où les litiges sont nombreux. Que faire pour éviter ces problèmes? Le point positif est que nous l’avons déjà fait par le passé grâce à la mise en place des contrôles interne à l’égard de l’information financière (CIIF). Les comités d’audit et les chefs des services financiers doivent i) définir les CIID (contrôles internes à l’égard de l’information sur la durabilité) et ii) appliquer des règles, des procédures et des contrôles formels pour veiller à ce que les principes de communication équitable soient respectés ici aussi.
Miller Thomson a récemment organisé un débat de fond sur ce sujet lors du congrès 2023 de l’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs à Toronto. Le modérateur Jason Kroft a engagé un dialogue fructueux et constructif entre les panélistes Bruno Caron, Selina-Lee Andersen et Christie McLeod de Miller Thomson, Hashim Ahmed, chef des services financiers de Jaguar Mining Inc. et Francisca Quinn, présidente et fondatrice de Quinn & Partners et administratrice de la société Canada Nickel.
Cliquez ici pour visionner l’enregistrement (en anglais uniquement)
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