Les investisseurs et les parties prenantes prennent de plus en plus conscience du fait que la façon dont les sociétés et leur conseil d’administration gèrent les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (les « facteurs ESG ») a une influence directe sur les résultats à long terme de l’entreprise. En effet, en vue de se conformer aux meilleures pratiques, les conseils d’administration doivent mettre en œuvre un cadre de gestion des préoccupations relatives aux facteurs ESG afin d’éviter d’éventuels enjeux susceptibles d’entraîner des répercussions négatives sur la société ou ses parties prenantes. À titre d’exemple, tout défaut d’un conseil d’administration de traiter adéquatement un enjeu relatif aux facteurs ESG peut entraîner de mauvaises performances boursières, un recul du cours de l’action de la société et la mise en place de mesures juridiques ou de réglementation. Les conseils d’administration doivent s’assurer que leur société demeure à jour quant aux exigences de déclaration relatives aux facteurs ESG. Les autorités de réglementation comme la Securities and Exchange Commission des États-Unis, la Commission européenne et les Autorités canadiennes en valeurs mobilières, y compris la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, publient fréquemment des mises à jour et des avis de modification des règles de présentation de l’information[1]. Comment les administrateurs peuvent-ils éviter les écueils lorsqu’ils s’attaquent aux préoccupations en matière d’ESG comme les répercussions des changements climatiques et la diversité au sein des conseils d’administration?

Cet article présente les obligations des administrateurs en matière de surveillance des facteurs ESG et fournit un cadre que les conseils d’administration peuvent mettre en pratique pour répertorier les risques ESG et les évaluer.

Surveillance des risques ESG

Cadre de gestion des risques ESG

Pour traiter efficacement les enjeux relatifs aux facteurs ESG, les conseils d’administration doivent disposer de mécanismes afin de comprendre comment les enjeux en matière d’ESG peuvent avoir des répercussions sur leur entreprise. Ceci ne signifie pas que les administrateurs et les membres des conseils d’administration doivent participer à la gestion quotidienne des risques, mais qu’ils doivent plutôt prendre en charge leur surveillance. Pour que cette surveillance soit faite adéquatement, les administrateurs doivent bien connaître les politiques et les procédures de gestion des risques ESG de la société. Si les administrateurs ne déclarent pas les risques ESG importants et n’assurent pas une surveillance adéquate, cela pourrait provoquer le mécontentement des actionnaires, entraîner d’éventuels litiges, porter atteinte à leur réputation ou déclencher une enquête des organismes de réglementation.

Lors de l’élaboration des politiques et procédures de gestion des risques ESG, la société et le conseil d’administration doivent établir une structure de gouvernance adéquate et répartir les rôles et responsabilités des administrateurs et des différents comités du conseil d’administration. L’attribution de rôles spécifiques permet à chaque partie de savoir qui est responsable de quelles tâches. Pour déterminer si la surveillance des risques ESG doit être confiée à l’ensemble des membres du conseil d’administration ou à un comité, le conseil d’administration doit prendre en compte la nature des enjeux ESG, le niveau d’expertise requis, le temps nécessaire pour une surveillance efficace et les mandats des comités du conseil d’administration déjà en place, le cas échéant.

La mise en place d’un cadre solide de gestion des risques ESG au sein d’une société fait partie intégrante de la culture globale et de la réussite de l’entreprise. Les procédures et politiques en matière d’ESG sont différentes pour chaque société selon le secteur et le type d’activités mais, en règle générale, un système de gestion des risques ESG devrait permettre :

  1. De répertorier rapidement les risques ESG importants;
  2. De mettre en œuvre des stratégies de gestion des risques ESG en concordance avec les stratégies commerciales et le profil des risques ESG de la société;
  3. D’intégrer les risques ESG et leur gestion à la stratégie de la société et aux décisions commerciales;
  4. De consigner et de communiquer correctement les informations sur les risques ESG aux parties concernées, notamment aux employés, aux actionnaires et aux membres de la haute direction.

Pour assurer une bonne gestion des risques ESG, il faut d’abord pouvoir les distinguer. Pour cela, les sociétés doivent mettre en œuvre des procédures de déclaration afin de recueillir des données de grande qualité à ce sujet. Pour maintenir la cohérence entre les différents ensembles de données, les sociétés doivent s’efforcer de mettre en place un processus normalisé et de créer des répertoires centraux ou des listes de référence pour l’enregistrement des données ESG. L’idéal serait de disposer de processus automatiques d’enregistrement des données plutôt que d’avoir à les traiter manuellement, ce qui permettrait de réduire les erreurs de données.

Les risques ESG sont très variés. C’est pourquoi les conseils d’administration doivent se concentrer sur les risques et les perspectives qui revêtent de l’importance pour leurs activités. Les sociétés peuvent consulter le cadre établi pour s’assurer que tous les risques ESG sont répertoriés ou examiner si les parties prenantes concernées ont une préférence pour une structure de déclaration en particulier. Les conseils d’administration doivent également savoir ce qui est attendu de la société en matière de déclaration des facteurs ESG selon les normes particulières de son secteur d’activité.

Une fois que les risques ESG sont répertoriés et que les stratégies de gestion sont mises en œuvre, ces risques doivent être intégrés à la stratégie de la société et à la prise de décision par la direction. Les parties concernées doivent évaluer ces risques afin de déterminer les mesures les plus appropriées pour traiter ou atténuer les possibles enjeux. Les conseils d’administration doivent chercher à déterminer les paramètres et les objectifs ESG pour suivre les progrès accomplis, mesurer leur performance et l’améliorer. Pour déterminer les paramètres ESG, les conseils d’administration doivent d’une part se fonder sur les indicateurs établis par divers organismes gouvernementaux et associations industrielles et, d’autre part, établir des paramètres ESG propres aux activités de la société et au secteur dans lequel celle-ci évolue.

Une fois que les politiques et les procédures, y compris la définition des paramètres et des objectifs ESG, sont établies et mises en œuvre, les administrateurs doivent s’assurer que leur fonctionnement est conforme aux prévisions du conseil d’administration et des dirigeants. Pour que les politiques et procédures ESG soient efficaces, les employés de la société doivent en être informés, mais ils doivent également respecter le cadre établi pour répertorier les risques ESG et les porter comme il se doit à l’attention des échelons supérieurs. Le conseil d’administration doit continuellement dessiner le profil de la société et les principaux risques ESG et harmoniser le tout. Pour cela, les membres du conseil d’administration doivent constamment engager des discussions avec la direction concernant les risques éventuels à ce sujet. Le conseil d’administration doit également encourager les membres de la direction à atteindre les objectifs de la société en les incitant à adopter des mesures ESG dans les plans de rémunération des cadres. Les politiques en matière d’ESG doivent également contenir des procédures pour que toute information devant faire l’objet d’une déclaration (dans les rapports annuels ou dans d’autres documents) soit communiquée aux membres de la direction, le cas échéant, afin de permettre de prendre sans délai des décisions concernant les obligations de déclaration. Pour les sociétés ouvertes, il est possible que certaines obligations de déclaration soient dictées par les autorités de réglementation qui ont fixé les exigences en matière de présentation de l’information concernant les facteurs ESG. Par ailleurs, les parties prenantes de la société, notamment les actionnaires ou les institutions de prêt, peuvent exiger que la société fournisse des rapports non réglementés sur les enjeux ESG. Le conseil d’administration doit être conscient des renseignements à déclarer dans chaque cas et doit savoir si une préoccupation a atteint le seuil de matérialité nécessitant une déclaration. La détermination du seuil de matérialité en matière d’ESG peut être complexe. C’est pourquoi les sociétés ouvertes peuvent faire appel à des tiers pour les aider à évaluer le seuil de matérialité et à déterminer si un sujet doit être inclus dans une déclaration de la société.

Expertise des membres du conseil d’administration en matière d’ESG

Selon l’étude annuelle de PwC menée en 2021 auprès des sociétés, à la question posée aux administrateurs et aux membres de la haute direction pour savoir dans quelle mesure leur conseil d’administration comprend les enjeux ESG, 80 % des administrateurs ont estimé que les membres de leur conseil d’administration comprenaient très bien ou assez bien ces enjeux[2]. En revanche, lorsque la même question a été posée aux membres de la haute direction, seulement 47 % d’entre eux ont estimé que les membres de leur conseil d’administration comprenaient bien les enjeux ESG. Les membres des conseils d’administration et les administrateurs doivent constamment évaluer si leurs membres possèdent l’expertise nécessaire pour comprendre la société et ses enjeux en matière d’ESG et la conseiller. Il s’agit notamment de bien comprendre les meilleures pratiques et les nuances propres à leur marché et d’évaluer les normes de performance en comparant la société à des sociétés semblables du même secteur d’activité. Par conséquent, il est essentiel de déterminer l’expertise de chaque membre du conseil en matière d’ESG lors de l’attribution des rôles et de l’évaluation des risques ESG. Les facteurs ESG sont en constante évolution. C’est pourquoi les administrateurs devraient envisager de suivre une formation continue pour s’assurer d’avoir les connaissances nécessaires pour aborder les questions complexes liées aux facteurs ESG.

Conclusion

L’une des meilleures pratiques est que les administrateurs doivent veiller à ce que la société dispose d’une politique de gestion des risques ESG en concordance avec les valeurs de la société et qui soit respectée par l’ensemble de ses employés et des fournisseurs. Une fois que les risques en matière d’ESG sont relevés et qu’ils ont été déclarés, les administrateurs doivent les évaluer et mettre en œuvre une stratégie pour y répondre. La stratégie retenue doit ensuite être surveillée, passée en revue, consignée et communiquée adéquatement.

Si vous avez des questions, veuillez communiquer avec un membre du groupe Responsabilité sociale et marché du carbone de Miller Thomson.

[1] CVMO, Avis 51-364 du personnel des ACVM, Activités du programme d’examen de l’information continue pour les exercices terminés les 31 mars 2022 et 31 mars 2021, 3 novembre 2022; CVMO, Les autorités en valeurs mobilières du Canada évaluent l’incidence des travaux menés à l’international sur leur projet réglementaire relatif à l’information liée au changement climatique, 12 octobre 2022.

[2] PwC, Board effectiveness: A survey of the C-suite, novembre 2021.