La majorité des baux commerciaux contiennent une disposition exigeant que le locataire obtienne le consentement du locateur pour le « transfert » du bail, ce qui comprend, dans les limites de la définition, un changement de contrôle (direct ou indirect, de fait et en droit). Pour toute vérification diligente entreprise pour le compte d’un client qui entend vendre ses actions et procéder à un changement de contrôle, il est capital d’examiner avec soin la disposition de transfert pour vérifier que les exigences de consentement sont bien respectées.
Pour l’examen des baux commerciaux dans le cadre du devoir de diligence des sociétés, l’avocat doit vérifier les dispositions de transfert pour déterminer s’il faut obtenir le consentement du locateur relativement au changement de contrôle. Parce qu’un changement de contrôle n’entraîne pas le changement de la société signataire du bail à titre de locataire, la majorité des baux commerciaux bien rédigés indiqueront clairement qu’un changement de contrôle est considéré comme une cession de bail, ce qui rend exécutoires les dispositions de transfert. Dans ces cas, si le bail exige le consentement préalable du locateur et que le locataire ne l’obtient pas, il manque à son obligation, ce qui permet au locateur d’exercer les recours en cas de « défaut » prévu dans le bail et pourrait entraîner la résiliation de ce dernier.
La majorité des dispositions prévoient que le locateur ne doit pas déraisonnablement refuser de consentir à un changement de contrôle. Si aucune exigence sur le caractère raisonnable n’est établie, l’article 23 de la Loi sur la location commerciale stipule que, sauf disposition expresse du bail à l’effet contraire, ce consentement ne doit pas être déraisonnablement refusé.
La notion de « caractère raisonnable » a été examinée récemment par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Rabin v. 2490918 Ontario Inc. (2023 ONCA 49). Le juge a appliqué les facteurs suivants dans son analyse :
i) C’est au locataire qu’il revient de convaincre le tribunal que le consentement a été déraisonnablement refusé.
ii) Ce sont les renseignements à la disposition du locateur et les motifs qu’il invoque au moment du refus qui prévalent, non les faits ou motifs supplémentaires ou divergents présentés au tribunal par la suite.
iii) La question doit être examinée à la lumière des dispositions actuelles du bail qui encadrent la question de la cession et du droit du locataire de céder le bail et de celui du locateur de refuser son consentement.
iv) La probabilité que le sous-locataire proposé ne s’acquittera pas de ses obligations aux termes du bail peut être, selon les circonstances, un motif valable de refuser le consentement.
v) la situation financière du cessionnaire pourrait être un motif valable.
vi) La détermination du caractère raisonnable doit se fonder sur les circonstances particulières du dossier, notamment les réalités commerciales du marché et les répercussions économiques de la cession sur le locateur.
Si le consentement est refusé dans le cadre de la vérification diligente d’une transaction de société, l’avocat doit se reporter à ces facteurs pour établir le caractère raisonnable du refus. Rappelons qu’en situation de changement de contrôle, l’entité locataire reste la même, ce dont l’examen des facteurs doit tenir compte.
Il faut aussi prendre ces facteurs en compte pour la rédaction du bail d’un client susceptible de vendre son entreprise. Il faut rédiger avec soin la clause de transfert, qui comprend la définition du transfert, les facteurs dont le locateur doit tenir compte avant de donner ou refuser son consentement et la détermination du caractère raisonnable de ces facteurs. L’avocat qui représente un locataire doit veiller à ce que le locateur ne puisse pas refuser son consentement de façon à nuire à une transaction, et celui qui représente un locateur que ses conditions ne soient pas vu comme déraisonnable.