La bonne foi n’est pas qu’un simple concept abstrait au Québec. C’est un concept qui est codifié dans notre Code civil et qui joue un rôle crucial dans toutes les étapes de l’acquisition d’un immeuble. L’obligation d’agir de bonne foi devient particulièrement importante lors de la phase de la vérification diligente. Comment les actions des parties peuvent-elles influencer cette période délicate? La réponse est simple : tout repose sur la bonne foi. Mais qu’est-ce que cela signifie concrètement pour les acheteurs et les vendeurs ?
La vérification diligente : quoi retenir ?
Dans une transaction immobilière, la période de la vérification diligente est essentielle. C’est le moment où l’acheteur peut examiner en profondeur l’immeuble pour déceler d’éventuels problèmes. Mais pour que cette phase se déroule sans anicroche, la collaboration et la transparence entre les parties sont impératives. Les vendeurs doivent non seulement fournir toutes les informations pertinentes rapidement, mais ils doivent aussi éviter toute forme de dissimulation ou tenter de mettre des bâtons dans les roues dans le processus de vérification diligente. De leur côté, les acheteurs doivent utiliser ce temps efficacement et ne pas attendre jusqu’au dernier moment pour réaliser leurs vérifications surtout si l’information fournie par le vendeur suggère que certaines vérifications devraient être entreprises par l’acheteur. La vérification diligente doit être menée de façon efficace et toute demande de prolongation de celle-ci peut être mal reçue, surtout si le vendeur a respecté ses obligations de bonne foi.
Le concept de bonne foi et la vérification diligente
Au Québec, la bonne foi s’applique dès la phase précontractuelle, contrairement au reste du pays où elle n’intervient qu’une fois le contrat formé, c’est-à-dire après l’acceptation de l’offre. Cette distinction est essentielle, car même si un contrat est intitulé « Lettre d’intention », généralement non contraignant, un tribunal peut encore juger qu’il s’agit d’un contrat, ou même, en l’absence de contrat, appliquer la notion de bonne foi aux négociations précontractuelles. Par exemple, dans l’affaire Wykanda de 2020, les vendeurs ont prétendu qu’il ne s’agissait que d’une lettre d’intention non contraignante. Cependant, la Cour supérieure du Québec a déterminé que, malgré cette désignation, les faits — notamment neuf mois de négociations intensives et de nombreux amendements à la lettre d’intention — suggéraient plutôt la création d’une offre d’achat et imposaient des obligations de bonne foi, de loyauté et de collaboration. Le vendeur, en retardant la transmission d’informations décisives et en faisant de fausses représentations, a manqué à son obligation de bonne foi, ce qui a été sévèrement sanctionné.
Dans un autre cas en 2021, la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Gotham a tranché en faveur d’un vendeur qui avait refusé une demande de prolongation de la période de vérification diligente. Pourquoi ? Parce que ce vendeur avait agi en toute transparence dès le début. Il avait clairement divulgué la contamination de l’immeuble et avait fourni tous les documents demandés par l’acheteur. Il n’y avait eu ni intention malveillante ni un comportement excessif et déraisonnable de la part du vendeur allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi et le tribunal a conclu qu’il n’y avait donc aucune raison de prolonger la période de vérification diligente et que le vendeur était justifié de refuser une prolongation de la période de vérification diligente.
Évitez le cauchemar judiciaire
Alors, comment garantir que votre transaction immobilière ne se transforme pas en cauchemar judiciaire ? Voici quelques conseils pratiques :
- Pour les acheteurs :
- Préparez-vous à l’avance. Ne laissez pas le temps filer. Dès que la période de vérification diligente commence, engagez-vous activement dans le processus et réagissez promptement aux renseignements qui vous sont transmis.
- Prévenez les surprises. Si vous savez que certaines vérifications, comme une étude géotechnique, peuvent prendre du temps, négociez une période de vérification diligente plus longue dès le départ.
- Pour les vendeurs :
- Soyez transparents dès le début. Toute information qui peut avoir une incidence sur le processus de vérification diligente de l’acheteur doit être partagée sans délai. L’acheteur aura plus de difficulté à invoquer un défaut du vendeur si de son côté, il n’a pas réagi avec diligence à l’information qui lui a été transmise.
- Soyez collaboratifs. Fournissez les documents requis dans les délais. Au moment de la vérification diligente de l’acheteur, ayez un comportement collaboratif.
Conclusion
Au Québec, la bonne foi est plus qu’une simple recommandation morale. C’est un impératif légal qui s’impose aux parties dès que les négociations sont fermement engagées entre elles. Durant la phase de la vérification diligente, il peut sembler que l’obligation de bonne foi pèse davantage sur le épaules du vendeur par la diligence qu’il doit démontrer dans la remise d’information pertinente à l’acheteur et la collaboration qu’il doit manifester au cours du processus. Cependant, l’acheteur n’est pas sans obligations : il est tenu de réagir promptement aux informations qui lui sont communiquées et doit procéder de manière diligente au processus de vérification diligente. Il peut être difficile d’identifier un comportement qui s’écarte du principe de la bonne foi : un droit exercé de manière déraisonnable ou excessive peut laisser supposer un manque de bonne foi qui sera condamné par les tribunaux. Agissez de manière proactive, et vous serez mieux armé pour éviter les écueils juridiques.