Un certain nombre de facteurs motivent les individus à s’engager dans le processus de planification successorale. Parmi les facteurs de motivation les plus courants, on peut citer un changement d’état civil, les naissances ou les décès dans la famille, un changement de la valeur nette et un diagnostic de santé qui déclenche des réflexions quant à notre propre mortalité. Les périodes difficiles nous rappellent également l’importance de s’assurer que nos plans successoraux soient en ordre.
Le processus de planification successorale implique de réfléchir à la manière dont les biens d’une personne doivent être distribués après son décès, puis d’exécuter d’un ou plusieurs documents destinés à régir cette distribution – généralement des testaments, des désignations de bénéficiaires et des déclarations d’assurance. Le processus implique également la planification en cas d’inaptitude (c’est-à-dire lorsque l’on devient inapte à gérer ses propres affaires financières et/ou à prendre des décisions concernant ses soins et traitements personnels). La planification en cas d’inaptitude implique généralement la exécution de documents qui désignent une personne pour agir en tant que mandataire. Au Canada, le droit des successions est régi au niveau provincial, ce qui entraîne non seulement des différences substantielles et procédurales dans les documents, mais aussi l’utilisation d’une terminologie différente. Un tableau décrivant certains termes clés en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, en Ontario et au Québec se trouve à la fin de cet article à la Figure 1.
Étant donné que le droit des successions est régi par les lois provinciales, les événements de la vie peuvent avoir une incidence différente sur un plan successoral selon la province dans laquelle la personne vit. Pour ceux qui ont déjà participé au processus de planification successorale et qui ont rédigé un testament, il est important de revoir ce dernier régulièrement, ainsi qu’à la suite d’un changement de circonstances, en tenant compte de la loi qui s’applique à la personne concernée.
Par exemple, prenons le cas d’une personne en Ontario qui se marie après avoir signé un testament qui n’a pas été fait en vue du mariage. Cette personne peut être surprise d’apprendre que le mariage a révoqué le testament.[1] Si cette personne décède avant d’avoir signé un nouveau testament, les lois sur les successions ab intestat[2] (telles qu’elles sont énoncées dans la Loi portant réforme du droit des successions[3] (la « LRDS »)) s’appliqueront à la répartition de sa succession. Dans cet exemple, en supposant que le défunt était encore marie, qu’il n’avait pas de survivant en ligne directe, les biens du défunt seraient transmis à son conjoint survivant. Si, toutefois, cette personne avait un ou plusieurs enfants, la succession serait divisée de manière à ce que: (1) le conjoint du défunt reçoive une part préférentielle d’un montant prescrit par règlement, qui est actuellement de 200 000 $; et (2) le reste de la succession soit partagé entre le conjoint et le ou les enfants du défunt (selon le cas).[4]
Toutefois, si la personne de l’exemple ci-dessus était résidente au Québec, en Alberta ou en Colombie-Britannique, le mariage subséquent ne révoquerait pas le testament. Il est donc essentiel de revoir et de mettre à jour son testament au moment du mariage afin que le nouvel époux y figure de façon appropriée.
En l’absence d’un testament valide pour quelque raison que ce soit, le droit des successions ab intestat du Québec, de l’Alberta, de la Saskatchewan ou de la Colombie-Britannique (selon le cas) dicterait la manière dont la succession de cette personne serait répartie. En Colombie-Britannique, par exemple, en vertu du Wills, Estates and Succession Act (le « WESA »), la part préférentielle du conjoint serait de 300 000 $ si tous les enfants étaient des enfants du défunt et du conjoint. Autrement, elle ne serait que de 150 000 $. Le conjoint reçoit également les « ameublements du foyer »; et, si la résidence commune était la propriété de l’individu décédé, le conjoint a le droit d’acheter la résidence commune pour satisfaire en tout ou en partie l’intérêt du conjoint dans la succession. Le reste est alors partagé à parts égales entre le conjoint et les enfants. Au Québec, le conjoint a droit à un tiers de la succession tandis que les deux tiers de la succession sont répartis à parts égales entre les enfants. La nouvelle législation de la Saskatchewan (voir ci-après) prévoit que lorsque l’individu est décédé en laissant un conjoint et un ou plusieurs enfants, et que tous les enfants du défunt sont également les enfants naturels ou adoptés du conjoint survivant, le conjoint survivant reçoit la totalité de la succession. Des règles similaires s’appliquent en Alberta.
Les lois sur les successions ab intestat ne tiennent pas compte de la situation personnelle du défunt.[5] Par exemple, un enfant qui n’est pas, aux yeux de son ou ses parents, assez mature pour hériter d’une somme d’argent recevra quand même la totalité de son héritage à sa majorité. Les lois sur les successions ab intestat ne tiennent pas non plus compte de la santé du bénéficiaire. L’absence de testament peut empêcher un bénéficiaire handicapé de recevoir une aide de l’État.[6] La famille plus éloignée, les amis et les organismes de bienfaisance ne sont pas pris en compte, à moins que le bénéficiaire ne laisse un testament valide.
Les facteurs mentionnés ci-dessus représentent également des exemples des risques associés au fait de ne pas tenir à jour un plan successoral. Lorsqu’un bénéficiaire mineur atteint la majorité, le testateur peut souhaiter réviser son testament afin de prévoir que les droits du bénéficiaire soient détenus en fiducie pendant une période plus ou moins longue. Une planification peut également être mise en place pour un bénéficiaire recevant des paiements de soutien du gouvernement sans compromettre son droit à ces paiements. Un testament peut également prévoir des legs de bienfaisance et peut inclure une liste de bénéficiaires plus ou moins longue que celle prévue par la législation pertinente.
Un examen de la situation d’une personne implique un examen de ses biens. Les personnes ayant des actifs dans plusieurs provinces (ou plusieurs pays) peuvent souhaiter exécuter plusieurs testaments afin de réduire le montant d’impôt sur l’administration des successions à payer et de permettre que le processus d’administration soit entrepris simultanément dans les différentes juridictions. Selon la nature des actifs détenus dans chaque juridiction, il peut ne pas être pratique d’avoir un seul testament régissant tous les actifs de la personne. Les propriétaires d’actions de sociétés privées souhaitent souvent s’engager dans une planification successorale et fiscale spécifique. Dans les provinces où l’impôt sur l’administration des successions est élevé, on pourrait privilégier l’exécution de plusieurs testaments ou l’utilisation d’une fiducie entre vifs.
Enfin, des changements législatifs peuvent rendre souhaitable la révision de son plan successoral. Par exemple, lorsque le WESA est entré en vigueur en Colombie-Britannique en 2014, la loi a été modifiée pour prévoir que le mariage ne révoque plus un testament. Des dispositions ont également été ajoutées, selon lesquelles si des époux se séparent, ils peuvent cesser d’être conjoints; et de plus, s’ils ne sont plus conjoints, toute donation en vertu d’un testament existant est nulle.
À compter du 1er janvier 2020, les lois albertaines sur les biens matrimoniaux ont été étendues et s’appliquent aux unions de fait si le couple a cohabité pendant trois ans ou plus ou a eu un enfant ensemble.[7] En cas de rupture d’une telle relation, les partenaires ont le droit au partage des biens de l’autre à partir de la date du début de la cohabitation, même si c’était bien avant l’entrée en vigueur de la nouvelle législation. Les couples concernés peuvent envisager de compléter leur plan successoral par un accord de cohabitation, précisant la manière dont ils souhaitent que leurs biens soient partagés (ou non).
Des modifications importantes ont été apportées aux droits des successions ab intestat de la Saskatchewan à partir du 1er octobre 2019, date d’entrée en vigueur du Intestate Succession Act, 2019[8]. Ces changements comprennent de nouvelles règles pour déterminer quand le conjoint survivant n’a plus droit à une partie de la succession ab intestat. Plus précisément, si un couple était légalement marié, mais vivait séparé depuis deux ans au moment du décès, le conjoint survivant n’a plus le droit de recevoir une partie de la succession ab intestat.
Les plans successoraux ne sont pas statiques; ils doivent évoluer dans le temps pour s’adapter aux changements au niveau des biens, de la situation familiale et à l’environnement juridique dans lesquels les individus se trouvent. Les plans successoraux sont également spécifiques aux faits et, par conséquent, varient d’une personne à l’autre. Il est important de demander l’avis d’un avocat spécialisé dans ce domaine lors de l’élaboration d’un plan successoral. Si vous souhaitez approfondir les questions abordées dans cet article, n’hésitez pas à contacter un membre de notre équipe nationale de services à la clientèle privée.
Figure 1 : Terminologie relative aux documents de nomination de mandataire ou décideurs suppléants Document(s) liés aux décisions financières Document(s) liés au soin de la personne Colombie-Britannique (1) Enduring power of attorney (2) Representation agreement en vertu de l’article 7 pour la gestion courante des affaires financières pour les personnes à capacité réduite
(1) Representation Agreement under Section 9 for fully capable persons (2) Representation Agreement en vertu de l’article 7 pour les personnes à capacité réduite
Alberta Enduring power of attorney (1) Personal directive (2) Supported Decision-Making Authorization
Saskatchewan (1) Enduring power of attorney (property) (2) Contingent Power of Attorney (Personal)
(1) Enduring power of attorney (personal) (2) Contingent Power of Attorney (Personal)
(3) Directive
(4) Proxy
Ontario (1) Procuration perpétuelle relative aux bien (2) Procuration
Procuration relative au soin de la personne Québec Mandat de protection Mandat de protection
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[1] En Saskatchewan, en vertu de l’article 17 de la Loi de 1996 sur les testaments (la « Loi sur les testaments »), un testament est révoqué par le mariage et par une relation conjugale qui a été continue pendant deux ans, sous réserve de certaines exceptions énoncées aux paragraphes 17(2) et 17(3) de la Loi sur les testaments.
[2] Les références à l’ « ab intestat » font référence à la personne qui est décédée sans testament valide.
[3] Loi portant réforme du droit des successions, L.R.O 190, c S.26 [LRDS]
[4] Si le défunt avait un conjoint et un enfant, la LRDS prévoit que le résidu de la succession sera partagé en parts égales entre le conjoint survivant et l’enfant. Si le défunt avait un conjoint et deux enfants ou plus, la LRDS prévoit que le résidu de la succession serait divisé de manière à ce que le conjoint reçoive un tiers, et que les deux tiers restants soient divisés entre les enfants ou entre eux.
[5] Comme nous l’avons déjà mentionné, en Ontario, les lois sur les successions ab intestat sont énoncées dans la LRDS. Les textes de loi suivants régissent les successions ab intestat dans certaines autres provinces : (a) en Colombie-Britannique, Wills, Estates, and Succession Act, S.B.C. 2009, c. 13, partie 3 ; (b) en Alberta, Wills and Succession Act, S.A. 2010, c. W-12.2, partie 3 ; (c) en Saskatchewan, Intestate Succession Act, S.S. 1996, c. I-13.1 ; et (d) les articles 653 et suivants du Code civil du Québec
[6] Par exemple le programme Assured Income for the Severely Handicapped (AISH) en Alberta, le programme Assured Income for Disability (SAID) en Saskatchewan et les paiements du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH) en Ontario. La législation pertinente au Québec est la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles, CQLR c A-13.1.1, et en Colombie-Britannique, l’Employment and Assistance for Persons with Disabilities Act, SBC 2002 chapitre 41.
[7] Family Property Act, RSA 2000, c F?4.7.
[8] The Intestate Succession Act, 2019 SS 2019, c. I-13.2.