Jamais autant de Canadiens n’ont vécu seuls : de 1,7 million en 1981[1], ils étaient 4,4 millions dans cette situation en 2021[2]. Aujourd’hui, les personnes vivant seules comptent pour 29 % des ménages au pays[3].

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la création d’un plan successoral pour un client seul n’est pas plus simple que pour celui qui a un conjoint ou des enfants; elle peut au contraire s’avérer bien plus complexe. Comme il a plus de liberté dans la disposition de ses biens et moins d’obligations (voire aucune) envers des personnes à charge, son plan sera généralement hautement personnalisé, ce qui peut se répercuter sur les coûts.

Dans cette série de deux articles, nous analysons des considérations générales (partie 1) et des questions pointues (partie 2) qui se présentent lors de la préparation de testaments et de procurations (ou mandats de protection) pour des clients canadiens vivant seuls.

Cette première partie est consacrée à la gestion des coûts de la planification et au choix du bon exécuteur (ou liquidateur) et du bon procureur (ou mandataire) pour la prise de décisions.

Répondons d’abord à une question que se posent souvent les Canadiens vivant seuls : Pourquoi préparer un plan successoral si je n’ai ni conjoint, ni enfants, ni autre personne à charge?

Pourquoi faire un plan?

En fait, la planification successorale est sans doute plus importante pour les personnes vivant seules justement en raison de l’absence de personnes à charge.

Lorsqu’une personne décède sans testament, les règles de succession ab intestat de sa province déterminent qui sont ses héritiers. Il s’agit généralement de son conjoint et de ses enfants. En l’absence de conjoint et d’enfants, les héritiers par défaut sont les plus proches parents du défunt (parents, frères, sœurs, grands-parents, nièces et neveux, etc.) qui sont encore en vie.

Ces personnes ne sont pas nécessairement celles qui étaient les plus importantes dans la vie du défunt ni celles à qui il aurait voulu laisser un héritage. Par exemple, certains clients souhaitent léguer des biens à des amis ou à un organisme de bienfaisance, des intentions qui ne peuvent pas être concrétisées sans un testament valide.

L’incapacité est une autre considération que bien des citoyens négligent. On estime que le nombre de Canadiens atteints de démence sera trois fois plus élevé en 2050 qu’en 2020[4]. Si une personne frappée d’incapacité n’a pas de procuration relative à ses biens, ses actifs sont généralement gelés jusqu’au prononcé d’une ordonnance nommant un tuteur aux biens, un processus souvent long et coûteux. Dans le cas des décisions personnelles et médicales, l’absence de procuration peut créer des retards, car il faudra attendre qu’un membre de la famille ou un ami soit autorisé à les prendre, et cette personne ne prendra pas nécessairement celles qu’aurait prises l’incapable s’il avait toutes ses facultés. Une personne de confiance nommée avant l’incapacité peut agir vite et s’assurer que les volontés et les instructions de la personne sont respectées.

 Gérer les coûts de la planification

Les Canadiens n’ayant aucune obligation financière envers un conjoint, des enfants ou d’autres personnes à charge jouissent d’une plus grande liberté pour la distribution de leurs biens à leur décès. Plus il y a de possibilités, plus le plan successoral sera personnalisé, et plus les coûts risquent d’être élevés.

Avant leur premier rendez-vous avec un avocat, les clients devraient penser aux candidats potentiels pour la prise de décision (exécuteur, procureur, gardien pour un animal, etc.) et la succession (compagnons, amis, membres de la famille, organismes, etc.). Plus leur réflexion est avancée, moins leur discussion avec l’avocat sera longue, ce qui permet une économie sur les honoraires.

Si le but est de réduire les coûts ou d’alléger le fardeau administratif de l’exécuteur, il vaut mieux opter pour le plan successoral le plus simple possible. Par exemple :

  • Pour les effets personnels : Au lieu de stipuler qui recevra quoi (ex. : Susie reçoit tel collier, Syed reçoit telle toile), le testateur peut opter pour une lettre de souhaits non contraignante : elle ne fait pas partie du testament et sert à orienter l’exécuteur. Cette lettre peut être mise à jour sans passer par une modification du testament avec le professionnel du droit.
  • Pour les legs en argent de petite valeur à des mineurs : Selon le montant, la fiducie au profit du mineur n’est peut-être pas avantageuse, vu les coûts nécessaires à son administration. Dans certaines circonstances, le testateur pourrait choisir de léguer une petite somme au parent du mineur et préciser dans une lettre non contraignante qu’il doit la conserver ou l’utiliser pour les besoins de l’enfant jusqu’à ce que celui-ci atteigne l’âge de la majorité.
  • Demandez-vous : « Le plan successoral que j’ai élaboré est-il à l’épreuve du temps, ou devra-t-il être mis à jour à mesure que changent les actifs et les circonstances? » Des immeubles sont achetés et vendus, des comptes de banque et de placement sont ouverts et fermés, des sociétés par actions sont constituées et dissoutes, etc. Plutôt que de faire des legs particuliers, le testateur peut voir sa succession comme un gâteau à répartir en différentes parts (ou pourcentages) parmi les héritiers. Il faut aussi se demander si les exécuteurs et les procureurs choisis ont de bonnes chances d’être toujours en vie et aptes à s’acquitter de leurs tâches, et s’il vaut mieux prévoir des remplaçants au cas où les premiers choix ne peuvent ou ne veulent pas agir, quelle qu’en soit la raison.

Bien entendu, aucun plan ne peut tout prévoir ni être imperméable aux changements; il faut le réviser régulièrement et le mettre à jour au besoin. En ne laissant pas l’arbre cacher la forêt, on peut simplifier les démarches de planification, alléger le fardeau administratif de l’exécuteur et du procureur et réduire les honoraires d’avocat.

 Choisir le bon exécuteur et le bon procureur

De toutes les décisions qu’un client qui planifie sa succession doit prendre, l’une des plus importantes est la sélection du ou des exécuteurs et procureurs.

L’exécuteur idéal a les trois qualités suivantes :

  • Il a la confiance du testateur;
  • Il a le temps d’accomplir la tâche (et « le temps joue en sa faveur »);
  • Il réside dans le même territoire que le testateur (au Canada, idéalement dans la même province).

Les mêmes qualités devraient être recherchées chez le procureur et le fiduciaire. Les personnes seules  ont avantage à nommer quelqu’un qui présente ces qualités et qui, en l’absence d’un fort lien familial ou autre, a de bonnes raisons de vouloir assumer une telle responsabilité.

Voici quelques questions qui peuvent guider leur réflexion :

  • Est-ce qu’un compagnon, un frère, une sœur ou un ami pourrait être nommé exécuteur ou procureur? Si les gens de votre génération sont eux aussi âgés, y a-t-il des membres de votre famille (nièces ou neveux par exemple), des voisins ou des enfants d’amis proches qui pourraient assumer ce rôle?
  • La procuration ou le testament prévoit-il une rémunération juste qui incitera la personne nommée à accepter le rôle?
  • Avez-vous parlé à l’exécuteur ou au procureur? Est-il prêt à assumer le rôle?
  • Avez-vous fait part de vos instructions et de vos volontés d’avance à l’exécuteur ou au procureur pour éviter les surprises?
  • Avez-vous pris des mesures pour organiser votre succession et alléger la tâche de l’exécuteur ou du procureur?
  • Avez-vous pensé à la possibilité d’avoir recours à une société de fiducie, par exemple si la succession est complexe ou que personne ne présente les trois qualités du candidat idéal?

En tenant compte de ces considérations, on peut réduire les coûts assumés par le client pour la planification, de même que ceux assumés par la succession, et faire en sorte que les volontés du client seront pleinement respectées en cas de décès ou d’incapacité.

Voilà qui conclut la première partie de notre série sur la planification successorale des personnes seules au Canada. Dans la deuxième partie, nous aborderons des questions plus précises comme les legs à des mineurs, les dons à des organismes de bienfaisance et les animaux de compagnie.

Si vous avez une question sur cet article ou si vous voulez créer ou mettre à jour un plan successoral, communiquez avec Stephen Hsia (à Vancouver) ou Honor Lay (à Toronto), ou avec un membre du groupe Services aux particuliers de Miller Thomson dans votre province.


[1] Peter Zimonjic, « Number of singles, common-law relationships and roommates rises as Canada’s households evolve », CBC, 13 juillet 2022, en ligne.

[2] « Profil du recensement, Recensement de la population de 2021. Tableau de profil », Statistique Canada, en ligne (page consultée le 29 décembre 2022).

[3] De ce nombre, beaucoup sont des personnes âgées, mais cet article vise plus particulièrement le sous-groupe de Canadiens (y compris les aînés) vivant seuls qui n’ont pas de conjoint ni d’enfants.

[4] « L’Étude marquante : Les troubles neurocognitifs au Canada : quelle direction à l’avenir? », Société Alzheimer du Canada (page consultée le 29 décembre 2022).

[A1]Mettre à K majuscule à kinless dans l’anglais